Ecolo/Groen accuse Electrabel d’organiser la pénurie, Electrabel répond
Le groupe Ecolo/Groen a accusé mercredi Electrabel d’organiser la pénurie d’électricité afin d’y gagner financièrement sur deux fronts, avec la complicité du gouvernement fédéral qui se braque idéologiquement sur le nucléaire.
Un calendrier particulièrement favorable au géant de l’électricité en Belgique en est la preuve, selon les députés Jean-Marc Nollet (Ecolo) et Kristof Calvo (Groen).
Electrabel a en effet reporté au 1er juillet prochain l’indisponibilité des réacteurs de Doel 3 et Tihange 2, alors que le volume de la réserve stratégique – ces unités bénéficiant de soutien public, dont la ministre de l’Énergie Marie-Christine Marghem a annoncé le quadruplement – sera déterminé par arrêté ministériel fin juin.
Ce faisant, Electrabel empêche le gouvernement de prendre une décision en toute connaissance de cause, selon M. Nollet. Et en décidant seul de la fermeture des centrales thermiques non rentables, Electrabel fixe un cadre de production qui lui permettra de les rouvrir par la suite afin de renflouer la réserve stratégique et capter le soutien public.
« C’est jackpot sur les deux fronts: les vieux réacteurs nucléaires de Doel 1 et Doel 2 sont prolongés aux conditions d’Electrabel et les prix élevés sont maintenus artificiellement via des réserves stratégiques », résume Kristof Calvo.
« Electrabel monopolise le marché de l’électricité et organise la pénurie. Qui est le patron de la politique énergétique en Belgique ? M. Mestrallet (patron de GDF-Suez, maison-mère d’Electrabel, NDLR) ou Mme Marghem? « , demande-t-il.
« Pas moins de 87% des centrales thermiques qui fermeront en 2015 sont la propriété d’Electrabel, représentant 1.452 mégawatts (MW) sur un total de 1.668 MW », ajoute M. Nollet, disant se fonder sur des questions parlementaires et des chiffres d’Elia, le gestionnaire du réseau de transport d’électricité.
Le gouvernement fédéral, quant à lui, se laisse enfermer dans ce calendrier pour des raisons idéologiques, estiment les députés d’opposition: il s’est braqué sur les choix nucléaires pour montrer sa prétendue différence, alors qu’une alternative existe à leurs yeux. Les Verts proposent d’inverser les rôles et le calendrier.
Le gouvernement reprendrait la main en revenant à la sortie progressive du nucléaire (fermeture de Doel 1 et 2 comme prévu par la loi de 2003), puis en fixant une date-butoir à Electrabel pour l’enquête sur les fissures de Doel 3 et Tihange 2 et la décision sur leur redémarrage, et enfin seulement en décidant de la réserve stratégique, disent-ils.
« Au lieu de cela, le gouvernement a adopté sa décision sur Doel 1 et 2 avant d’entamer les négociations avec Electrabel, se dépossédant ainsi de ses propres cartes », estime Jean-Marc Nollet. Ecolo/Groen demande aussi une inversion de rôles pour toute décision de fermeture d’une centrale: ce doit être au régulateur (la CREG, Commission de régulation de l’électricité et du gaz) de décider en fonction de la sécurité d’approvisionnement, et non plus à l’exploitant attaché à des critères économiques et stratégiques, soulignent MM Calvo et Nollet, qui ont déposé une proposition de loi en ce sens.
Electrabel : « vous ne connaissez pas le secteur »
Le producteur d’électricité Electrabel a démenti ces accusations, taxant les Verts de « méconnaissance de la réalité du secteur de l’énergie, tant en Belgique qu’en Europe ».
Le calendrier présenté par Ecolo/Groen « n’a strictement rien à voir » avec une quelconque volonté d’organiser la pénurie, car le report au 1er juillet de la durée d’indisponibilité de Doel 3 et Tihange 2 est dû à des questions supplémentaires, requêtes et autres suggestions posées par l’AFCN, l’Agence fédérale de contrôle nucléaire, a assuré une porte-parole d’Electrabel, interrogée par Belga.
La décision de redémarrage des deux réacteurs revient à cette agence, organisme parastatal d’utilité publique sous la tutelle du ministre de l’Intérieur. Electrabel souligne que la fermeture de centrales aux gaz en Belgique et en Europe ne lui est pas propre: « c’est la forte détérioration des conditions de marché et le fort soutien au renouvelable qui ont rendu non rentables, partout en Europe, ces centrales qui assurent l’approvisionnement en cas de pics de consommation ou quand il n’y a ni vent ni soleil ».