Hugues Le Paige
Du vote utile et du principe de précaution en politique
À quelques encablures des scrutins du 26 mai, chacun fourbit ses derniers arguments. Et le plus répandu à gauche est celui du vote utile.
Le PS le brandit dans sa vieille logique du « sans nous ce serait pire », mais qui peine désormais à convaincre au vu des dernières participations socialistes. Ecolo espère obtenir la première place à Bruxelles et peser suffisamment en Wallonie pour conditionner la formation des coalitions. L’appel à voter PTB, auquel j’ai souscrit recourt également à l’argument du vote utile[1]. Il dit notamment : « Les élections du 26 mai doivent donner plus de force à la gauche radicale. C’est vital pour la construction d’une force politique autonome, c’est vital pour la gauche dans son ensemble qui y puisera plus de vigueur, c’est aussi vital pour la démocratie que d’offrir une alternative à ceux qui, rebutés par les dérives de la politique politicienne, se réfugient dans l’abstention et le rejet de tout projet collectif. » J’ai la faiblesse de croire, et même la conviction profonde qu’à la différence des autres votes à gauche, celui qui s’exprimera en faveur du PTB sera, en effet, utile à toute la gauche. Un élu de plus ou de moins pour le PS et Ecolo ne modifiera pas fondamentalement les rapports de forces au sein des différentes assemblées. Mais la présence de nombreux/ses élu. e. s de la gauche radicale pèsera de tout son poids dans les assemblées : par sa force de critique sans concessions et par la formulation de propositions alternatives, mais aussi par la pression qu’elle représentera pour les autres formations de gauche. Depuis deux ans les seuls sondages favorables au PTB ont déjà agi en ce sens. Les indécis sont encore nombreux. Il y a, il est vrai, des candidats de gauche aussi bien au PS que chez Ecolo — et je leur souhaite le plus large succès — mais leur propre combat au sein de leurs partis sera facilité par l’existence d’une gauche radicale forte. Si l’on veut parvenir à concrétiser cette exception politique qu’est la Belgique francophone en Europe avec un rapport gauche/droite particulièrement favorable, il faudra aboutir à une alliance de toutes les forces de gauche. Pour différentes raisons, le temps de cette alliance n’est pas encore venu : en dépit de son discours préélectoral, le PS rechigne à rompre avec ses pratiques sociales libérales, le contour du changement promis par Ecolo reste parfois indécis et des voix divergentes s’y expriment en ce qui concerne les coalitions possibles. La rupture — notamment avec les traités européens — n’est pas encore au rendez-vous. Quant au PTB, au risque de s’asphyxier, il devra encore pendant un certain temps gérer sa croissance rapide et la formation de ses cadres et militants avant de se lancer dans une éventuelle participation au pouvoir. En attendant, le vote en faveur du PTB est à la fois un choix de conviction anticapitaliste, mais aussi la manifestation de ce que l’on pourrait appeler un principe de précaution en politique. Il favorisera le maintien d’un cap le plus à gauche dans les assemblées. Et, c’est bien en cela qu’il se distingue des autres choix et qu’il est fondamentalement un vote utile pour toute la gauche.
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