Drieu Godefridi
Du calme, Theo Francken !
On peut malaisément me suspecter d’antipathie systématique à l’égard de Theo Francken. J’ai loué par ailleurs son courage, son charisme, et la qualité de la « somme » qu’il publiait récemment sur le thème de l’immigration « Continent sans frontière ».
Je me sens d’autant plus à l’aise pour déplorer sa gestion des visas humanitaires, et cela à trois niveaux. Rappelons les faits : un mandataire local N-VA est accusé d’avoir vendu des visas humanitaires à des chrétiens d’Orient, sur une longue période et pour des montants exorbitants.
Depuis que « l’affaire » est venue à éclore dans les médias, la communication de Theo Francken part dans tous les sens. Communiquer en permanence sur Twitter, c’est chouette, c’est amusant, c’est très « trumpien ». Mais cela suppose, si l’on veut rester lisible, une cohérence de fond. Je ne l’aperçois pas. Ce que j’aperçois est un maelström de justifications morales — la noblesse des visas humanitaires — et d’arguments de défense sur le fond du dossier. Ajoutez à cela des tweets pour mettre en cause d’autres mandataires d’autres partis — Bart Somers — et plus personne n’y comprend rien. Je suis conscient que, vieille technique « pasquaïenne », il est recommandé d’ouvrir une affaire dans l’affaire pour noyer celle-ci par celle-là. Mais je reste convaincu que la cohérence et la lisibilité sont préférables.
Sur le fond. Quand votre information manque en fait, ne jugez pas : vieux et sage principe juridique que je me garderai d’enfreindre en la circonstance. Ce nonobstant, un élément matériel est acquis : un mandataire local de la N-VA s’est livré à ce qui est objectivement un trafic d’êtres humains, pendant une longue période, et dans un domaine que revendique avec fierté Theo Francken : les visas humanitaires. Qu’un tel professionnel, dont on a toujours et à juste titre loué la connaissance de son département, n’ait rien vu, laisse pantois. Bien sûr, la critique est facile. Mais c’est avec les vrais professionnels qu’on a le droit de se montrer exigeant, n’est-ce pas ?
Tout ceci pose, enfin, la question des visas humanitaires en tant que tels. Tandis que la Belgique, comme le démontre l’essayiste et sénateur Alain Destexhe dans son tout récent ouvrage « Immigration et intégration », accueille davantage d’immigrés que tous ses voisins, Allemagne comprise, et que les canaux d’immigration vers la Belgique sont déjà nombreux et en flux continu, quel besoin avait Theo Francken d’ouvrir un canal supplémentaire ? Rappelons que les visas humanitaires n’ont jamais été aussi nombreux que sous le règne à l’Asile de Theo Francken. Pourquoi ne pas avoir cantonné ces visas humanitaires aux cas exceptionnels pour lesquels ils sont conçus, c’est-à-dire quand les autres et nombreuses voies de droit — à commencer par l’asile — sont impraticables ? S’agissant de visas délivrés de façon souveraine, l’industrialisation de leur délivrance ouvre la porte à tous les abus.
Je reste convaincu que Theo Francken est l’un des politiciens européens les plus doués de notre génération. Il devrait « prendre sa perte » sur le dossier des visas humanitaires, reconnaître ses erreurs, s’en instruire, et passer à autre chose.
Dernière parution : « Le monde de Trump — saison 1, épisode 2« , Texquis, janvier 2019.
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