Dossier spécial héritage: la succession en 14 questions concrètes
Comment laisser le plus possible à son conjoint ? Peut-on déshériter son enfant ? Est-il possible de laisser davantage à l’un de ses enfants ? Quid de l’indivision ? Tout savoir sur l’héritage et le droit de succession en 14 questions concrètes.
1. Comment puis-je laisser le plus possible à mon conjoint?
Normalement, le conjoint survivant reçoit l’usufruit de la succession tandis que les enfants héritent de la nue-propriété. Il est toutefois possible d’en disposer autrement.
- Vous pouvez laisser la part disponible (soit la moitié de la succession, s’il y a des enfants) à votre conjoint par le biais d’un testament.
- Vous pouvez faire une donation à votre conjoint. Mais vous devez tenir compte de la part réservataire des enfants. L’avantage d’une donation entre époux est qu’elle peut être révoquée a posteriori, par exemple en cas de divorce, sans qu’il faille s’en justifier. Cette révocation ne se fait cependant pas automatiquement: elle doit être demandée explicitement, par exemple par le biais d’une lettre recommandée ou d’un acte notarié. Une révocation tacite est possible également mais est déconseillée. Notons que si la donation est établie dans le contrat de mariage, sa révocation n’est possible que par le biais d’une modification de ce contrat.
Cet article est issu du hors-série « Donations et successions 2022: le guide intégral de la planification successorale », disponible en librairies et via notre eshop
En cas de donation, vous pouvez insérer une condition résolutoire de prédécès grâce à laquelle les biens donnés retourneront au donateur: à vous, donc, si votre partenaire décède avant vous.
- Si vous êtes mariés sous le régime légal ou sous celui de la communauté des biens, vous pouvez inclure une clause d’attribution optionnelle dans votre contrat de mariage. Le partenaire survivant peut alors choisir quels biens de la succession il souhaite recevoir. La condition est toutefois que les biens concernés fassent partie de la communauté conjugale. En cas de famille recomposée, vous ne pouvez pas déshériter les beaux-enfants en apportant le logement familial du parent naturel dans la communauté conjugale et en intégrant ensuite dans le contrat de mariage une clause d’attribution optionnelle concernant ce logement au bénéfice du beau-parent.
- Si vous êtes mariés sous le régime de la séparation de biens, vous pouvez intégrer une clause de participation dans le contrat de mariage. Grâce à cette clause, les acquêts réalisés pendant le mariage peuvent être répartis suivant une clé déterminée en cas de dissolution du régime matrimonial à la suite d’un décès ou d’un divorce. Le règlement standard implique le calcul de la différence entre les acquêts des deux partenaires. Le partenaire dont l’accroissement est le moins important peut alors réclamer la moitié de cette différence, plafonnée à la moitié des acquêts de l’autre partenaire. Outre cette clause légale standard, des clauses contractuelles sur mesure peuvent être élaborées, et l’attribution des indivisions peut être déterminée.
- Vous pouvez utiliser une clause d’accroissement pour vos biens propres en indivision qui ne peuvent pas faire partie de la communauté conjugale. Vous pouvez déterminer ainsi que les possessions d’un partenaire vont accroître, à son décès, les possessions de l’autre. De cette façon, vous pouvez exclure de la succession une collection d’art, un portefeuille d’investissement ou d’autres biens mobiliers ou immobiliers. Il faut toutefois que vos apports soient équivalents et qu’il n’y ait pas entre vous une grande différence d’espérance de vie. Reprenez dans la clause d’accroissement la possibilité d’une subrogation réelle. Si vous vendez la collection d’art et réinvestissez le produit de cette vente dans un fonds d’actions, la clause d’accroissement vaut aussi pour ce réinvestissement.
2. Le partenaire avec qui je vis en cohabitation de fait pourra-t-il rester dans ma propre habitation après mon décès si j’ai des enfants d’un mariage antérieur?
Si vous vivez en cohabitation de fait, votre partenaire n’a, contrairement aux cohabitants légaux, aucun droit successoral légal sur le logement familial et sur le mobilier le jour où vous venez à décéder. Que faire pour y remédier?
- Vous pouvez attribuer à votre cohabitant un usufruit par le biais d’un testament. Il pourra alors rester dans le logement ou éventuellement le donner en location. Attention: vos enfants peuvent demander de convertir cet usufruit en une indemnité.
- Une solution moins connue est la formule du droit d’habitation, qui vous permet de donner temporairement à votre partenaire le droit d’occuper votre logement. Il s’agit d’un droit personnel et non transmissible que vous pouvez établir, à titre gracieux ou onéreux, par le biais d’une convention ou dans un testament. Vous pouvez y fixer divers aspects. Une caution est-elle requise? Faut-il établir un état des lieux et/ou un inventaire? Qui paie les travaux d’entretien et les impôts? Les travaux de rénovation sont-ils permis et, si oui, lesquels? Quels choix mettent fin au droit (p. ex. le déménagement vers un centre résidentiel de soins)? Le droit est-il éventuellement transmis à un tiers en cas de décès du partenaire?
En principe, vos enfants ne peuvent pas contester le droit d’habitation, à moins qu’il affecte leur réserve.
Le droit d’habitation peut aussi être intéressant si les enfants d’un mariage précédent du défunt souhaitent racheter l’usufruit du nouveau partenaire survivant de ce dernier mais souhaitent lui donner le temps de se trouver un nouveau logement.
3. Puis-je laisser davantage à l’un de mes enfants?
Si vous avez des enfants d’un ou de plusieurs mariages, ils ont droit à une part d’héritage minimale de votre succession: la réserve légale. Celle-ci représente au moins la moitié de votre succession. L’autre moitié peut être attribuée librement à l’un de vos enfants. Comment procéder en pratique?
- Une première possibilité consiste à déterminer dans un testament que cette moitié revient à l’enfant concerné. Vous pouvez modifier ce testament quand bon vous semble.
- Une autre option consiste à faire à cet enfant une donation hors part. Normalement, les donations que vous avez consenties de votre vivant sont prises en compte dans le calcul de la masse fictive de votre succession. Sur la base de celle-ci, il sera déterminé si vous n’avez pas empiété sur la réserve légale. Une donation hors part est dès lors reprise dans la masse fictive pour vérifier si la réserve successorale est intacte. Attention: il n’est pas possible d’annuler une donation a posteriori.
- Une dernière piste consiste à conclure un pacte successoral global. Les parents et les enfants peuvent convenir conjointement dans un tel pacte familial qu’un enfant déterminé (p. ex. un enfant souffrant d’une déficience) recevra davantage que les autres.
4. Puis-je déshériter entièrement un enfant?
Compte tenu de la réserve légale (voir question précédente), un enfant ne peut en principe pas être déshérité. Mais ce principe doit être nuancé. Vous pouvez convenir dans un pacte familial que l’un de vos enfants ne recevra rien de votre succession. La condition est toutefois que cet enfant donne son accord.
Une autre possibilité consiste à loger votre patrimoine dans une fondation privée. Vous gardez ainsi ce patrimoine en dehors de votre succession et vous pouvez décider ce qu’il en adviendra, même après votre décès. Un tel apport de biens dans une fondation entre toutefois aussi en ligne de compte pour la composition de la masse fictive et ne permet donc pas de mettre totalement la réserve successorale hors jeu. Une fondation privée doit aussi répondre à une série de critères et n’est intéressante que dans des situations spécifiques.
Par ailleurs, une attribution de la communauté conjugale en pleine propriété au conjoint survivant (la clause « au dernier vivant les biens ») permet de déshériter entièrement les enfants communs (mais non les enfants d’une relation ou d’un mariage antérieurs).
Un contrat d’accroissement conclu entre les partenaires est plus efficace encore puisque cette technique permet aussi de déshériter les enfants non communs.
Attention aux assurances-vie. Depuis le 21 janvier 2013, la prestation d’assurance est soumise à la réduction en cas de décès du preneur d’assurance. Dans le cas des polices d’assurance-vie conclues à partir du 1er septembre 2018 ou pour les assurances où un autre bénéficiaire a été désigné depuis cette date, la prestation d’assurance est également soumise au rapport. Un héritier désavantagé peut donc invoquer sa réserve successorale et réclamer la réduction. Celle-ci peut porter non seulement sur la prime payée mais aussi sur la totalité du capital versé.
5. Comment permettre à mon petit-enfant de bénéficier directement de mon héritage?
Plusieurs pistes s’offrent à vous: la donation, le testament, la substitution ou une donation en cascade.
Vous pouvez toujours faire une donation à votre petit-enfant, ou reprendre celui-ci dans votre testament. Dans les deux cas, vous devez cependant tenir compte de la réserve légale.
Les parents peuvent renoncer à leur héritage au bénéfice de leurs enfants (les petits-enfants). Dans ce cas, il est question de substitution et l’on parlera de saut de génération. Les petits-enfants hériteront directement du grand-parent et paieront des droits de succession sur leur part d’héritage effective. L’inconvénient est que les parents doivent renoncer entièrement à la succession.
Une variante fiscale à cette approche est la donation en cascade, introduite en Flandre en septembre 2018, et qui offre une plus grande flexibilité. Un parent peut choisir d’accepter sa succession et d’en transmettre une partie à la génération suivante – enfants, petits-enfants ou arrière-petits-enfants, beaux-enfants ou enfants d’accueil -, généralement sans impôt, par le biais d’une donation. À condition que le défunt ait vécu principalement en Région flamande au cours des cinq dernières années de sa vie. L’héritage d’un parent décédé qui vivait en Région de Bruxelles-Capitale ou en Région wallonne ne peut pas être transmis libre d’impôts.
Comment ça marche? Les droits de succession que le parent a payés sur l’héritage sont déduits des droits de donation dus par le bénéficiaire final, ce qui permet généralement de neutraliser lesdits droits. Cette donation en cascade doit cependant s’effectuer dans l’année suivant l’ouverture de la succession. De plus, il doit y avoir un rapport clair entre l’héritage et la donation. Ainsi, il n’est pas possible de donner de cette façon fiscalement avantageuse des biens qui ne proviennent pas de l’héritage. Le règlement doit aussi être fixé dans un acte notarié. En 2019, la donation avec saut de génération a également été approuvée en Région wallonne. La donation doit y avoir lieu dans les sept mois suivant le décès.
Notons que la technique de la donation en cascade n’est pas toujours la solution la plus avantageuse fiscalement.
6. Puis-je faire une donation bancaire à mon fils et éviter que ma belle-fille mette ensuite la main sur cette donation?
Oui, vous pouvez faire la donation sous la clause résolutoire de retour conventionnel. Au moment de la donation, vous déterminez que le bien donné vous reviendra soit dans le cas où votre fils décède avant vous, qu’il ait ou non des enfants ; soit dans le cas où votre fils et ses descendants décèdent avant vous. Si votre fils décède, suivant les termes utilisés, soit vous deviendrez de nouveau le propriétaire des biens donnés comme si la donation n’avait jamais eu lieu (subrogation réelle – voir plus loin), soit vous aurez une créance sur sa succession. Dans ce cas, vous ne devrez pas non plus payer de droits de succession. Ne manquez pas, toutefois, de veiller à ce que la donation ait date certaine.
Une option qui peut se révéler intéressante est une clause complémentaire de subrogation réelle: le droit de retour s’appliquera aussi aux biens qui sont venus à la place des biens donnés, par exemple si votre fils a remplacé un portefeuille d’actions reçu par un autre placement. D’autre part, s’il a utilisé une somme d’argent pour acheter un bien immobilier, vous disposez d’une créance sur la succession pour le montant que vous aviez donné autrefois.
Éventuellement, vous pouvez rendre la clause de retour conventionnel facultative, de sorte qu’au décès de votre fils, vous ayez toujours le choix.
Bon à savoir: si les conditions cumulatives suivantes sont remplies, un droit de retour légal s’applique:
– le donateur est un parent de sang en ligne ascendante,
– le bénéficiaire est décédé sans descendant,
– les biens donnés se trouvent toujours en nature dans sa succession.
Dans ce cas, vous ne devrez payer aucun droit de succession en Région flamande, mais vous devrez en payer en Région de Bruxelles-Capitale. En Région wallonne, aucun droit de succession n’est dû s’il est satisfait à plusieurs conditions.
7. Comment mon partenaire actuel peut-il laisser ses biens à ma fille d’un mariage précédent?
Votre partenaire peut établir un testament au bénéfice de votre fille, qui paiera alors en tant que belle-fille des droits de succession au tarif en ligne directe. Ce sera aussi le cas si vous décédez avant votre partenaire. Mais si vous ne cohabitez plus avec ce partenaire, votre fille ne sera plus considérée comme son bel-enfant. Dans ce cas, elle ne pourra plus hériter au tarif en ligne directe qu’au titre d’enfant recueilli. Les règles en la matière varient d’une Région à l’autre.
8. Quand une adaptation du régime matrimonial ou du contrat de mariage est-elle utile, et les formalités sont-elles lourdes?
Au cours du mariage, vous pouvez toujours adapter votre régime matrimonial ou, si vous êtes mariés sous le régime légal, vous pouvez vous en écarter en établissant un contrat de mariage. De telles modifications requièrent un acte notarié. Si vous souhaitez passer à un régime matrimonial totalement différent (p. ex. du régime légal à un régime de séparation de biens), vous devrez toutefois établir un inventaire. C’est aussi le cas lorsque l’un des époux le demande. Par contre, un inventaire n’est pas requis si vous conservez le même régime mais y introduisez une ou plusieurs clauses. Pour une modification simple, il vous en coûtera jusqu’à 500 euros environ. Si la modification s’accompagne d’un transfert de biens immobiliers, le prix peut être sensiblement plus élevé.
Quelles sont les raisons les plus fréquemment évoquées pour modifier un contrat ou un régime matrimonial?
- La protection financière du partenaire survivant. On peut le faire par exemple en ajoutant, dans le cas du régime légal, une clause d’attribution optionnelle ou, dans le cas d’un régime de séparation de biens, une clause de participation aux acquêts ou d’attribution des indivisions pendant le mariage. Si le logement familial appartient à l’un des deux partenaires, ils peuvent le mettre aux deux noms par le biais d’un contrat de mariage.
- La protection des enfants d’un mariage antérieur. Les époux qui ont des beaux-enfants peuvent exclure par le biais de leur contrat de mariage l’usufruit légal que détient le conjoint survivant sur la succession. Ils peuvent même le faire pour l’usufruit sur le logement familial et le mobilier. Pour éviter que, dans ce dernier cas, le conjoint survivant doive déménager immédiatement, il reçoit légalement le droit d’occuper le logement familial pendant au moins six mois supplémentaires.
- L’ajustement de choix faits dans le passé. Certains (anciens) contrats contiennent encore une clause « au dernier vivant les biens », une clause d’attribution de communauté. Cette clause n’est pas intéressante sur le plan fiscal car elle implique le paiement de droits de succession à deux reprises: lorsque la succession passe au partenaire survivant et lorsque celui-ci décède et que ce sont les enfants qui héritent. Il peut donc être intéressant de remplacer une clause d’attribution de communauté par une clause d’attribution optionnelle.
Pour protéger financièrement leur partenaire, les entrepreneurs (indépendants) sont souvent mariés sous le régime de la séparation de biens pure et simple. Il peut être intéressant de passer à un régime de communauté lors du départ à la pension. Et la démarche inverse peut s’indiquer si une personne décide à un âge avancé de se lancer comme entrepreneur indépendant.
9.Comment la valeur d’un bien immobilier est-elle déterminée dans le cadre d’une succession?
Lorsqu’une succession contient de l’immobilier, les héritiers doivent, dans leur déclaration de succession, y attribuer une valeur qui correspond à la valeur vénale au jour du décès. La valeur vénale est le prix auquel se vendrait le bien dans des conditions de marché normales. La loi ne précise pas de quelle manière les héritiers doivent déterminer cette valeur. Une fixation correcte du prix est pourtant cruciale. En effet, s’ils surestiment la valeur du bien, ils paieront trop de droits de succession. À l’inverse, s’ils la sous-estiment, ils risquent, en cas d’expertise de contrôle, non seulement de devoir payer un supplément de droits de succession, mais aussi de se voir imposer un accroissement. L’Administration fiscale peut procéder à une telle expertise jusqu’à deux ans après la date de la déclaration. Le risque de devoir payer des impôts supplémentaires est plus grand si le bien hérité est vendu avec une plus-value au cours de cette période.
Comment éviter les problèmes évoqués ci-dessus?
En Régions de Bruxelles-Capitale et wallonne, vous pouvez demander à l’Administation fiscale une estimation préalable, qu’il vous faudra payer. Vous adresserez à cette fin une lettre recommandée au receveur du bureau Sécurité juridique où vous devez introduire la déclaration de succession. Un ou plusieurs experts estimeront alors la valeur du bien. Cette estimation est contraignante pour les héritiers et pour l’Administration fiscale, et ne peut plus être contestée par la suite.
En Région flamande, vous pouvez faire appel aux services d’un taxateur-expert agréé. Si celui-ci respecte les règles et établit un rapport d’expertise correct que vous joignez à votre déclaration, le Service des contributions flamand, Vlabel, l’acceptera. Même si vous vendez ensuite le bien à un prix plus élevé, le rapport d’expertise aura force contraignante pour Vlabel. Bien entendu, vous devrez rémunérer le taxateur. Si vous n’acceptez pas la valeur estimée par le taxateur, vous pouvez tout simplement ignorer son rapport et indiquer une valeur vous-même ou vous adresser à un autre taxateur.
Une autre possibilité consiste à faire faire une estimation par Vlabel. Cette estimation contraignante (« ABS ») est gratuite, mais vous devrez en faire la demande avant d’introduire votre déclaration de succession. Si le rapport d’expertise de Vlabel ne vous est pas parvenu avant la fin du délai de déclaration, vous indiquez simplement « ABS » dans le champ correspondant à la valeur du bien immobilier. Pour évaluer la valeur du bien, Vlabel se fonde sur des données de vente connues et se rend éventuellement sur place. Si vous n’acceptez pas la valeur attribuée au bien par Vlabel, vous pouvez introduire une réclamation motivée, mais uniquement après avoir reçu l’avertissement-extrait de rôle relatif aux droits de succession à payer.
10. J’ai hérité de biens immobiliers avec mes frères et soeurs. Suis-je obligé(e) de rester en indivision?
Chaque décision concernant un bien indivis requiert l’autorisation de tous les copropriétaires. Le point de départ est donc que tous les coindivisaires s’accordent à l’unanimité sur le sort à réserver aux biens. S’ils n’y parviennent pas, ils peuvent, en cas d’indivision fortuite (p. ex. consécutive à un héritage) invoquer l’article 815 du Code civil. Celui-ci dispose que nul ne peut être contraint à demeurer dans l’indivision. Chacun des héritiers peut demander au tribunal de la famille (une section du tribunal de première instance) d’entamer une procédure de liquidation-partage. Le tribunal désigne alors un notaire qui établit un projet de partage. Si tous les coindivisaires ne donnent pas leur accord pour ce projet, la décision revient au juge. En principe, on cherchera à obtenir un partage en nature. Si cette approche se révèle impossible, le bien immobilier sera vendu en vente publique.
Une autre option consiste à conclure une convention par laquelle vous demeurez temporairement en indivision. Cette solution peut être intéressante si les prix immobiliers sont fort bas ou si l’un des héritiers est mineur (moyennant mandat du juge de paix), auquel cas de nombreuses formalités sont à remplir pour la tenue d’une vente publique. Vous pouvez conclure une telle convention pour cinq ans au plus, un délai que vous pourrez prolonger au maximum pour la même durée. Si l’indivision contient des biens immobiliers, cette convention doit se faire par le biais d’un acte notarié. En principe, les créanciers d’un copropriétaire ne peuvent alors pas exiger le partage, à moins que la convention ait été conclue dans le but de les tromper.
Bon à savoir: parfois, certaines personnes peuvent prétendre de préférence à la reprise d’un bien immobilier indivis. C’est le cas lorsque cette succession indivise contient des biens immobiliers dont le revenu cadastral ne dépasse pas 1 565 euros, ou lorsqu’elle comprend une entreprise agricole. C’est une application de la loi sur la succession des petits héritages.
11. Quels sont mes droits, devoirs et possibilités en tant qu’usufruitier?
En tant qu’usufruitier, vous avez (généralement) le droit d’utiliser à vie tous les biens de la succession et de les gérer, d’en encaisser les revenus (louer les biens, encaisser des créances échues, poursuivre une activité commerciale) et de transférer l’usufruit.
Ce droit s’accompagne d’une série d’obligations. Vous devez remplacer les biens consommables et conserver les biens non consommables afin qu’au terme de l’usufruit, vous puissiez les laisser intacts au nu-propriétaire. Pour protéger ce dernier, le législateur a prévu quelques règles. Lors du début de l’usufruit, un inventaire doit être établi. Vous devez offrir suffisamment de garanties si les nus-propriétaires l’exigent. Les nus-propriétaires peuvent exiger par exemple que les sommes d’argent soient investies. Pendant la durée de l’usufruit, vous devez payer les charges liées aux revenus (impôts p. ex.) et les intérêts des dettes éventuelles. Vous devez entretenir les bâtiments, à l’exception des grandes réparations (de voûtes, balcons, toits entiers, murs porteurs, murs de clôture, etc.).
Vous avez le droit de demander la conversion (d’une partie) de votre usufruit successoral en un montant déterminé ou en une rente indexée. La valeur de votre usufruit doit alors être établie proportionnellement à votre espérance de vie. À défaut d’une convention, le tribunal fait établir cette valeur selon les règles d’évaluation publiées chaque année au Moniteur belge.
Vous pouvez vendre votre usufruit, mais il ne s’agit là que d’une possibilité théorique. En effet, personne ne sera disposé à payer pour obtenir un droit de propriété limité, qui prendra fin à votre décès. L’usufruit et la nue-propriété ne sont vendables ensemble que si l’usufruitier et le nu-propriétaire trouvent un accord à ce propos. Cette règle souffre quelques exceptions.
Ainsi, l’époux survivant peut faire convertir son usufruit successoral en une part indivise de la pleine propriété. Pour sortir de l’indivision, une vente peut avoir lieu par la suite. À l’inverse, l’héritier/nu-propriétaire peut aussi exiger une telle conversion, mais seulement dans certaines limites. En principe, il est impossible d’exiger une conversion dans les situations suivantes:
a) si le nu-propriétaire n’est pas un enfant du défunt, à moins que le tribunal en donne l’autorisation en raison de circonstances particulières,
b) pour le logement familial et son mobilier,
c) si le nu-héritier est un enfant conjoint du défunt et de l’usufruitier,
d) si le défunt a exclu la conversion dans un testament. Notez que ceci ne s’applique pas aux enfants d’un mariage ou d’une relation antérieurs.
Bon à savoir: vous pouvez à tout moment renoncer volontairement à l’usufruit, par exemple lorsque les charges deviennent trop lourdes ou si vous souhaitez que vos enfants deviennent directement pleins propriétaires d’une partie de la succession. Le nu-propriétaire devient alors plein propriétaire. En principe, une telle renonciation n’implique pas une donation et n’est donc pas imposable. Si l’usufruit a été enregistré en son temps (p. ex. s’il s’agit d’une donation de biens immobiliers en nue-propriété sous réserve d’usufruit), aucun impôt n’est en principe dû. Si l’usufruit n’a pas été enregistré en son temps, la renonciation peut s’accompagner d’une imposition. Si la renonciation est faite dans le but d’effectuer une donation, vous payez en principe des droits de donation si un acte notarié est établi ou si vous présentez le document justificatif sous seing privé à l’enregistrement. Si la renonciation n’est pas faite à des fins de donation, aucun impôt n’est dû. Dans ce cas, il est important de rédiger avec soin tous les documents afin d’éviter toute discussion avec le fisc.
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2. Puis-je désigner comme bénéficiaires, dans mon testament, des personnes qui m’ont soigné(e)?
Pour éviter toute captation d’héritage, le législateur a déterminé que certaines personnes ne peuvent pas être reprises dans un testament. Il est question de captation d’héritage lorsqu’une personne de l’entourage du défunt, par exemple celle qui le soignait, a abusé de sa vulnérabilité (santé fragile, âge avancé…) dans le but de se faire attribuer des biens dans la succession. Cette forme de tromperie peut entraîner la nullité d’un testament.
- Le législateur exclut les personnes suivantes de la succession: le médecin traitant, le pharmacien-conseil, le prêtre accompagnateur, l’administrateur des biens, tous les membres du personnel (et leur famille) du centre résidentiel de soins où résidait le testateur lorsque le testament a été établi, y compris la femme de ménage et les secrétaires. En tant que patient, vous pouvez remercier ces personnes, mais en ne leur offrant que des cadeaux modestes. Il ne vous est donc pas permis de leur consentir un don manuel. Si un tel don a tout de même eu lieu et que les héritiers peuvent en produire la preuve, la donation pourra être déclarée nulle et l’argent devra être restitué à la succession.
- La jurisprudence part du principe que les soignants non professionnels ou volontaires peuvent quant à eux être repris dans un testament. Mais la prudence est de mise: il ne peut en aucun cas être question d’une quelconque influence lors de l’établissement d’un testament. Si nécessaire, le volontaire soignant devra prouver qu’il n’y a pas eu d’abus d’influence.
13. Comment puis-je laisser mon patrimoine à un cousin lointain ou à un ami, de la façon la plus avantageuse possible?
Pour éviter que le droit successoral légal désigne vos héritiers, vous pouvez établir un testament et y attribuer la partie disponible à qui vous voulez. Si vous n’avez ni enfants ni conjoint, il n’y a pas d’héritiers réservataires. Éventuellement, une obligation alimentaire limitée peut s’appliquer à l’égard de vos parents s’ils vivent toujours au moment de votre décès.
En Région flamande, les parents éloignés et les amis ne paient que 3% de droits de succession si vous leur léguez au maximum 15 000 euros par le biais d’un testament. Sur la partie supérieure à ce montant, ces légataires devront payer les tarifs (élevés) ordinaires. Si vous désignez plusieurs amis comme légataires, l’avantage du tarif réduit applicable à cette tranche de 15 000 euros au maximum est réparti proportionnellement entre eux. Ce régime n’existe pas dans les autres Régions.
Pour éviter les droits de succession élevés, vous pouvez faire de votre vivant une donation à vos amis ou parents éloignés. Les droits de donation pour des biens mobiliers s’élèvent à 5,5% (en Région wallonne) ou à 7% (Régions de Bruxelles-Capitale et flamande). L’inconvénient d’une donation est qu’elle est irrévocable: donné, c’est donné.
14. À quelles fins puis-je donner une procuration pour soins de santé?
Une procuration pour soins de santé vous permet (en tant que mandant) de charger une personne (le mandataire) de prendre des décisions en votre nom relatives à votre patrimoine et à vos soins de santé. Vous pouvez donner une procuration générale ou limiter cette procuration à une ou un nombre limité de décisions bien définies. Une procuration pour soins de santé peut être adaptée ou révoquée à tout moment, à condition que vous soyez en état d’exprimer votre volonté. Pour éviter toute contestation, il vaut mieux charger un notaire d’établir la procuration pour soins de santé et la faire enregistrer au registre central des contrats de mandat (RCCM), lequel est géré par la fédération des notaires.
- Les décisions concernant votre patrimoine peuvent porter sur de simples activités de gestion (paiement de factures, formalités bancaires…) mais aussi sur des actes de disposition plus importants comme l’achat et la vente, la mise en location à long terme, la donation, la modification du contrat de mariage, et même des décisions concernant votre entreprise. Ainsi, par le biais d’une procuration pour soins de santé, vous pourrez, lorsque vous n’en serez plus capable, rendre possibles certaines techniques de planification successorale.
- Mieux vaut établir une liste concrète des actes que vous souhaitez confier au mandataire. Les possibilités sont nombreuses: exécuter vos transactions bancaires, gérer votre portefeuille-titres, encaisser votre pension ou d’autres revenus tels que des loyers, payer les factures d’énergie, de la maison de repos et autres, renouveler des contrats locatifs, faire effectuer des réparations à des biens donnés en location, consentir des donations, vendre votre habitation. Dans la procuration pour soins de santé, vous pouvez décrire de manière très détaillée quand tous ces actes doivent avoir lieu. Vous pouvez lui faire prendre effet immédiatement pour les actes de gestion, et décider qu’elle ne vaudra pour les actes de disposition que lorsque vous serez devenu(e) incapable et que cette incapacité aura été constatée par deux médecins, p. ex.
- Vous pouvez également définir toute une série d’aspects liés à vos soins personnels: déterminer qui devra chercher pour vous un centre résidentiel de soins adéquat, préciser quel médecin devra vous traiter, le sort à réserver à vos animaux domestiques le jour où vous partirez en maison de retraite ou serez atteint(e) de démence, etc. Vous pouvez autoriser le mandataire à signer les documents concernant les conséquences éventuelles d’une intervention, à consulter votre dossier médical et, de manière plus générale, à veiller au respect de vos droits en tant que patient, si vous êtes hospitalisé.
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