Gérald Papy
D’Obama à Psy, un nouveau monde
Préfigurant ce que sera 2013 et les décennies à venir, les derniers jours de 2012 ont consacré les réussites improbables de deux personnalités à la renommée planétaire, Barack Obama et le chanteur de pop sud-coréenne Psy.
Le premier a ajouté une palme à son bilan de président réélu des Etats-Unis en faisant plier ses adversaires républicains, majoritaires à la Chambre des représentants, dans l’épineuse question du budget. Ainsi va Barack Obama. Lentement mais sûrement, le premier président Noir des Etats-Unis est en train de changer la société en profondeur. L’air de rien, petit à petit, laborieusement vu le contexte politique délicat que lui impose la cohabitation, en faisant des concessions… Mais sans transiger sur l’essentiel.
Barack Obama a réussi à imposer une taxation plus lourde pour les plus riches. Lors de son premier mandat, il a privilégié une forme de nationalisation pour sauver l’industrie automobile et a offert à 32 millions d’Américains une protection sociale dont ils ne pouvaient pas espérer bénéficier. Demain, il parviendra peut-être à transformer l’émotion provoquée par la tuerie de Newtown en législation plus contraignante sur les ventes d’armes en dépit de la puissance de feu de la National Rifle Association, le lobby des défenseurs de leur détention inconditionnelle. Et son épouse Michelle engrangera, qui sait ?, les premiers résultats de son combat contre le fléau de l’obésité.
Ainsi l’Amérique change-t-elle, avec parfois une audace que même les sociaux-démocrates européens n’osent plus se permettre.
Si Obama a confirmé sa maîtrise des réseaux sociaux en annonçant par un tweet (« Four more years ») sa réélection à la Maison-Blanche, c’est un chanteur encore inconnu il y a un an, Psy, qui a crevé tous les plafonds du buzz numérique en 2012 (sa vidéo a été vue plus d’un milliard de fois sur YouTube). Plus que la qualité artistique de son oeuvre, ce qui interpelle c’est la fulgurance de la success-story de ce chanteur de pop sud-coréenne et ce qu’elle nous dit de l’évolution du monde. S’il le fallait encore, la reconnaissance planétaire d’Oppa Gangnam Style et de morceaux comme Ai se eu te pego et Balada boa des Brésiliens Michel Telo et Gusttavo Lima illustre mieux qu’un investissement la place majeure prise par les puissances émergentes dans les échanges internationaux. Les Chinois de Geely produisent désormais les Volvo ; les Sud-Coréens Hyundai et Kia progressent sur un marché européen là où des constructeurs traditionnels stagnent ou reculent ; les Qataris entrent dans le capital des groupes Lagardère et GDF-Suez…
Le centre de gravité du monde s’est définitivement déplacé vers l’Asie. C’est indéniable. Et entre celle-ci et un continent américain toujours à l’avant-garde (Etats-Unis, Brésil, Mexique…), l’Europe, empêtrée dans une crise de la dette qui n’est peut-être pas finie, fait figure d’élève en décrochage. Faut-il pour autant désespérer de la capacité d’innovation du Vieux continent (synonyme, ici, de ringard) ? L’accord conclu en 2012 sur la supervision bancaire, inédit parmi les grandes puissances financières, augure un sursaut salutaire de l’Europe malgré la complexité de ses institutions et sa difficulté à forger des compromis. Que l’Union européenne surmonte ses divisions pour inventer une nouvelle façon de protéger et faire prospérer son économie et, donc, son taux d’emploi est sans doute ce que l’on peut lui souhaiter de mieux pour 2013…
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