Dix réflexions à propos de la sanction contre le prince Laurent
Après sa sanction le prince Laurent ne percevra « que » 76.500 euros de salaire. « Soyons honnête, beaucoup de compatriotes doivent se contenter de moins », écrit le professeur Herman Matthijs.
Depuis cet été, l’apparition du prince Laurent le 18 juillet à la réception à l’ambassade de Chine de Bruxelles à l’occasion du 90e anniversaire de la marine chinoise fait l’objet d’une polémique. La discussion politique concerne sa présence, qui n’était pas couverte par le gouvernement. Il aurait dû demander une autorisation préalable au ministre des Affaires étrangères. En outre, il y a eu une série d’incidents autour du prince relatifs aux contacts et/ou présences avec les représentants d’autres pays. Le 14 décembre, le Conseil des ministres a décidé que le prince subirait une sanction de 15% sur sa dotation.
Voici une série de réflexions autour de cette discussion budgétaire princière.
1. Le gouvernement impose une sanction de 15% pour 2018. Le gouvernement a donc été indulgent de limiter la sanction à un an et 15% ce n’est pas non plus énorme. On ne stipule pas de quelle partie de la sanction il s’agit. Donc il faut partir du principe que cette sanction touche à la fois le salaire, les moyens de fonctionnement, et les coûts de personnel. C’est la première fois que le gouvernement fédéral impose une telle sanction, telle que déterminée par la loi du 27 novembre 2013 sur les dotations.
2. Cette sanction représente-t-elle beaucoup d’argent ou pas? Suite à l’inflation, la dotation du prince a augmenté de 6000 à 314 000 euros en 2014. Elle est composée de 90 000 euros de salaire et de 224 000 euros de moyens de fonctionnement et de coûts de personnel. La sanction de 15% représente donc une somme de 47 100 euros. En 2018, le prince devra se contenter de 266 900 euros, dont 76 500 euros de salaire. Soyons honnêtes, beaucoup de compatriotes doivent se contenter de moins. En outre, il habite relativement gratuitement dans une maison de la Dotation royale à Tervuren.
Élément de surprise
3. La décision a été prise au Conseil des ministres du 14 décembre de 9 heures. Néanmoins, ce point ne figurait pas sur l’agenda et il n’y avait même pas de point « divers ». En d’autres termes, le Premier ministre a joué de l’élément de surprise. Il est également frappant qu’il a fallu attendre longtemps la décision. Le fait que le gouvernement ne soit pas sur la même longueur d’onde a certainement joué un rôle. Cette remarque vaut aussi pour l’opposition. Lors du vote, l’aspect communautaire sera décisif.
4. Le Premier ministre signale aussi que cette décision a été prise de concert avec le roi en vertu de sa fonction de « chef de famille ». Cela ne figure pas dans la loi de 2013. En outre, il n’y a en Belgique aucune description légale du terme « famille royale ».
5. L’exposé des motifs de la loi mentionnée prescrit que le prince doive être entendu. Il n’est pas clair par qui il doit être entendu. Mais dans le cas présent on présume que c’était au chef du gouvernement, Charles Michel, à le faire. Manifestement, il y a eu un entretien avec l’avocat du prince et un contact téléphonique avec Laurent. Mais il n’y a pas eu de véritable entretien avec l’intéressé parce qu’il a délivré un certificat médical. Le gouvernement a-t-il tenté de vérifier la maladie ou d’aller lui rendre visite ? Il était également frappant que le Premier ministre, dans un communiqué de presse conjoint avec le Palais royal, ait déjà annoncé une sanction le 8 août. Après coup, il a décidé qu’il fallait d’abord entendre le prince.
6. L’avocat du prince Laurent va-t-il faire appel? Et tout d’abord : auprès de qui ? Car la loi du 27 novembre 2013 ne prévoit pas de procédures d’appel. Dans une démocrate européenne, tout le monde a le droit à l’appel. Les fonctionnaires peuvent effectivement s’adresser au Conseil d’État et les employés au Tribunal du Travail. Mais à qui le prince Laurent doit-il adresser ses plaintes au sujet de sa dotation ? Le statut de la dotation des membres de la famille royale n’est pas clair. Si le prince se plaint, on pourrait avoir une discussion politique et juridique de pointe. Qui va se déclarer compétent ? Le prince Laurent subit-il suffisamment de pression pour laisser reposer l’affaire, ou continuera-t-il ? Il a engagé un avocat qui ne fait pas partie de l’establishment.
Adapter la loi?
7. En outre, la poursuite d’une procédure d’appel peut entraîner le dossier dans la campagne électorale. Ce n’est plus arrivé depuis la Question royale de 1950. Un tel scénario donne à la politique la possibilité de remettre en question le système de compétences et de financement en question.
8. Le 30 novembre, l’avocat du prince a adressé une lettre au Premier ministre pour défendre son client. Sur sept pages d’argumentation juridique, il énumère un certain nombre de vérités, telles que les imprécisions et les mauvaises définitions de la loi de 2013. Mais le gouvernement va-t-il encore adapter cette loi sur les dotations au cours de cette législature ? Il n’y a pas d’unanimité là-dessus.
9. Ce qui frappe aussi c’est que le prince Laurent, qui vit à Tervuren en Flandre, plaide sa cause dans la langue maison de la famille royale belge: le français.
10. Reste à voir comment on va traduire cette décision gouvernementale dans le projet de budget de 2018. La majorité va utiliser une annexe afin d’éviter que les discussions budgétaires à la Chambre prennent du retard. Car imaginez que la sanction du prince retarde l’approbation des budgets 2018…
Conclusion
Dans une perspective plus large, il y a beaucoup de choses qui ne vont pas avec les lois de 2013 sur la liste civile et les dotations. Une modernisation et une actualisation s’imposent, mais cette discussion sur la monarchie est menée uniquement au nord de la frontière linguistique. En tout cas, la marine chinoise, à son propre étonnement, a été le déclencheur ultime d’une sanction au sein des dotations de la monarchie belge.
À suivre!
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