Dix conseils pour bien préparer votre succession
Donations, fondations, planification, assurances décès, assurances obsèques… La succession n’est plus un sujet tabou, les Belges ne craignent plus d’y penser de leur vivant. Pour mieux l’organiser. Objectif : éviter à leurs héritiers une fiscalité trop élevée. Mais aussi leur permettre de profiter plus tôt de leur héritage. Petit guide pratique de la planification successorale.
1. Peut-on choisir ses héritiers ?
S’il n’y a pas de testament, la répartition des biens suit un ordre de succession légal. En premier lieu viennent les enfants et autres descendants du défunt, puis les parents et frères et soeurs, les ascendants autres que le père et la mère et, enfin, les collatéraux non privilégiés (oncles, tantes, cousin(e)s…). Le conjoint survivant a également droit à une part de l’héritage qui varie selon le régime matrimonial et la composition familiale. » L’ordre de succession prévu par la loi correspond généralement à la volonté des gens, le plus simple est donc de ne rien faire, constate Olivier Beauduin, notaire à Waremme. Mais je recommande de prendre conseil auprès d’un notaire pour connaître les différentes possibilités, surtout dans des cas plus complexes comme ceux des familles recomposées ou de l’absence de proches. »
Le testament reste en tout cas l’outil adéquat pour organiser sa succession et éventuellement introduire un héritier qui ne serait pas automatiquement inclus. Par exemple, un(e) concubin(e) avec lequel le testateur n’est pas marié et n’a pas le statut de cohabitant légal. La loi impose toutefois certaines obligations envers les héritiers dits » réservataires » : le veuf ou la veuve ainsi que les enfants ou – le cas échéant – les parents. Ceux-ci auront droit à une part de la succession appelée » réserve « . Si le défunt a, par exemple, deux enfants, chacun aura droit à un tiers de l’héritage. Un conjoint seul reçoit, lui, l’usufruit de la moitié de la succession, ainsi que celui de l’habitation familiale. S’il y a présence d’enfants et d’un conjoint, les parts réservataires devront être combinées. Le reste, le testateur peut en disposer librement. C’est la » quotité disponible « .
Malgré ces obligations envers les héritiers réservataires, le donateur garde la possibilité d’avantager certains proches ou de décider de l’attribution de certains biens. Faut-il en parler de son vivant pour éviter les conflits ? » Lorsque la succession reste dans la famille, les donateurs ont tendance à prévenir leurs proches, témoigne Olivier Beaudouin. Mais j’ai déjà eu affaire à une personne qui voulait inclure sa femme de ménage dans son héritage et elle a préféré le tenir secret pour ne pas modifier leur relation. C’est une décision qui doit se prendre au cas par cas. »
2. Faut-il rédiger un testament ?
Ce n’est pas une obligation, la loi déterminant, le cas échéant, les héritiers et la part d’héritage qui leur revient. » Mais les héritiers désignés par la loi ne sont pas nécessairement ceux que le défunt aurait indiqués dans son testament. Et tout le monde n’a pas forcément d’héritiers désignés par la loi (NDLR :auquel cas le patrimoine revient à l’Etat belge). Donc, même si ce n’est pas une obligation, il est préférable de rédiger un testament « , souligne Dave van Moppes, avocat fiscaliste.
Le testament permet aussi de répartir les biens entre héritiers, précise le notaire Olivier Neyrinck, de simplifier la succession. Exemple : le propriétaire de deux maisons peut, par testament, en transmettre une à chacun de ses héritiers. Cela leur permettra d’éviter, après son décès, de devoir signer entre eux un acte de cession – et de payer des taxes au passage.
Il y a deux façons de rédiger un testament. On le fait soi-même : c’est le testament holographe. Pour être valable aux yeux de la loi, le document doit être écrit à la main, daté et signé. Ou on confie la rédaction à son notaire, qui pourra veiller à la clarté et à la légalité de son contenu et en assurer la conservation. Dans tous les cas, le testament peut être modifié ou révoqué à tout moment. Le pacte successoral, en revanche, est interdit en Belgique. Il s’agit d’un contrat écrit où le futur défunt définit avec ses héritiers comment ses biens seront partagés entre eux après son décès. Autrement dit : c’est un pacte sur la succession de quelqu’un qui est toujours en vie. Potentiellement délicat…
3. Comment faire profiter ses héritiers de son vivant ?
La solution la plus courante est la donation de son vivant. » En transmettant son patrimoine avant son décès, on évite des droits de succession souvent élevés « , souligne Grégory Homans, du cabinet d’avocats Dekeyser & Associés. » Les donations mobilières peuvent être exonérées d’impôts, sauf si le donateur décède dans les trois années qui suivent. On peut se prémunir de ce risque en soumettant le don à des droits d’enregistrement au taux réduits de 3 à 7,7 %. Les donations immobilières sont, elles, d’office soumises aux droits d’enregistrement à un taux progressif mais elles demeurent intéressantes, notamment parce qu’il est possible de les étaler dans le temps pour lisser le taux d’imposition. En outre, donner dès à présent permet d’éviter des droits de succession sur la prise de valeur de l’immeuble entre le jour de la donation et le décès du donateur. »
Même s’il cède une partie de son patrimoine alors qu’il est toujours en vie, le donateur peut conserver des droits et garanties sur le patrimoine donné. Dans le cas d’un immeuble, il pourra ainsi y résider ou en percevoir les loyers jusqu’à la fin de sa vie. » Pour le patrimoine financier, le donateur pourra continuer à le gérer comme il le souhaite et à percevoir les revenus qu’il produit (intérêts, dividendes voire plus-values). Il est également possible de s’organiser pour que le donateur puisse continuer d’utiliser le capital donné « , précise Grégory Homans.
Autre solution : la création d’une fondation familiale. » Ça permet de « mettre en jachère » une partie de son patrimoine et d’en faire profiter plusieurs générations, précise Me Homans. Un de ses atouts, en plus de l’avantage fiscal, est que le donateur peut décider que les fonds soient débloqués à des moments clés de la vie des héritiers – comme leur mariage – ou soient dédiés à un rôle particulier comme l’éducation des générations futures. »
4. Comment être sûr de ne pas léser son concubin ?
Tout dépend du climat familial, estime le notaire Olivier Neyrinck. » Bien souvent, en matière de succession, il s’agit de choisir entre donner plus à son conjoint ou à ses enfants. Imaginons que des parents ne s’entendent plus avec leur enfant et qu’ils craignent qu’au décès de l’un d’eux, leur fils ou fille demande sa part d’héritage. Pour éviter cela et se protéger un maximum, ils peuvent modifier leur contrat de mariage. En optant par exemple pour un nouveau contrat qui comprend la clause « au survivant tous les biens » « . Mais ce choix peut entraîner une double imposition de la succession, précise Dave van Moppes : » Les biens sont imposés dans leur ensemble une première fois au décès du premier conjoint, et une seconde au décès du survivant. »
En revanche, si le couple opte pour un partage entre les enfants et le conjoint survivant, en cédant aux premiers la nue-propriété et au second l’usufruit, les droits de succession seront moins élevés. » Il faut donc trouver un équilibre entre la protection du couple et le coût de cette protection, indique Olivier Neyrinck. Mais le droit belge protège bien le conjoint survivant. Il bénéficie en général de l’usufruit sur l’ensemble de la succession. Le logement familial est aussi protégé : on ne peut pas déloger un conjoint survivant. »
5. Comment éviter ou réduire les droits de succession ?
En théorie, jamais le fisc ne sera votre héritier. Dans la pratique, il prélève toujours une partie de ce que reçoivent vos héritiers. Ces impôts s’appellent les droits de succession. Des abattements existent, mais leur importance dépend de la Région, du montant de l’héritage et du lien de parenté avec le défunt. Plus ce lien est ténu, plus les droits de succession sont élevés. Ainsi, à Bruxelles, pour les héritiers en ligne directe, le taux varie entre 3 et 30 %, tandis que pour les frères et soeurs, les droits de succession peuvent aller jusqu’à 65 %. Les abattements les plus intéressants sont prévus pour les petits héritages : les enfants de moins de 21 ans qui héritent d’un parent et ceux qui héritent de leur conjoint alors que leurs enfants ont moins de 21 ans.
En principe, aucun héritier n’échappe à cet impôt sauf si le conjoint survivant ou cohabitant légal hérite de l’habitation familiale. Ce cadeau n’est valable qu’en Régions flamande et de Bruxelles-Capitale. Et il reste soumis à une condition : les cohabitants de fait doivent vivre officiellement ensemble depuis au moins trois ans. Conséquence bizarre de la sixième réforme de l’Etat, en Région wallonne, les successions de moins de 250 000 euros sont exemptées de droits de succession lorsque le décès est la conséquence d’un acte exceptionnel de violence, comme un attentat.
L’alternative au testament, c’est la donation. Depuis le 1er janvier 2016, faire une donation en ligne directe de biens meubles (une somme d’argent, des titres ou une voiture) coûte moins cher aux contribuables. Il n’y a rien à payer, à condition que le donateur reste en vie trois ans après le don. Des droits de donation ne sont dus que si la donation est enregistrée par le biais d’un acte notarié belge. Dans ce cas, les Régions appliquent un taux linéaire fixe : 3 % à Bruxelles et en Flandre, 3,3 % en Wallonie.
Autre solution : le legs en duo. Une partie de l’héritage revient à un membre de la famille, l’autre à une association philanthropique. Comme les droits de succession sont nettement moins élevés pour les asbl et les fondations – 7 % en Wallonie et 12,5 % à Bruxelles -, l’organisation qui peut émettre des attestations fiscales acquitte de tous les droits de succession dus. Cette solution reste soumise à quelques précautions : aucune asbl n’accepte l’exécution d’un testament sans garantie de conserver quelque chose. Par ailleurs, l’administration fiscale pouvant se montrer très méfiante envers les legs en duo » inversés « , il est conseillé de répartir l’héritage à 50/50 entre le bénéficiaire et l’asbl.
Le legs en duo a moins de sens pour régler les droits de succession sur des immeubles. Car dans le cas où une fondation doit céder une maison à un proche, les sommes à payer au fisc s’avèrent encore plus conséquentes : il est généralement préférable qu’elle procède à une vente. Enfin, un legs en duo est révocable à tout moment. Il suffit de modifier le testament.
6. Comment transmettre un bien immobilier sans devoir le vendre ?
Pour la donation d’immeuble (terrain, maison, appartement), la visite chez un notaire reste obligatoire. Ce qui entraîne des frais d’honoraires, recherches et de formalités administratives, en plus des droits de donation. Cette taxe, compétence régionale, est déterminée en fonction du domicile fiscal du donateur, peu importe la Région où se situe l’immeuble. » L’idéal est de transmettre le bien immobilier en nue-propriété, avec réserve d’usufruit au profit de son conjoint survivant, explique Priscilla Peeters, avocate chez Compta Plan. Le donateur n’est donc plus juridiquement le propriétaire de l’objet, mais il peut continuer à l’occuper ou à le louer jusqu’à sa mort, tout en conservant les revenus des biens donnés. » Dans tous les cas, le survivant récupère sans frais l’usage de la propriété quand survient le décès du conjoint. Sauf stipulation contraire, l’usufruit est viager, il prend fin par le décès de l’usufruitier.
Mais une donation d’un immeuble avec réserve d’usufruit entraîne la perception de droits, calculés comme s’il s’agissait d’une donation de pleine propriété. Le gain fiscal est donc nul par rapport à une donation de pleine propriété. » Les tarifs des droits de donation sont progressifs, ce qui signifie qu’ils augmentent en fonction de la valeur totale du don. Une technique très couramment utilisée, mais qui nécessite une planification à moyen ou long terme, consiste donc à procéder à des donations par tranches tous les trois ans, note Priscilla Peeters. Fiscalement, ça permet d’éviter de monter dans l’échelle des taux. » Concrètement, les droits de donation précédemment payés viennent en déduction des droits de succession. Ils seront considérés uniquement comme une avance sur ces droits. Et si le conjoint usufruitier décède avant le donateur ? Deux solutions : révoquer la donation ou faire jouer une clause dite de retour conventionnel, que le notaire a inscrite dans l’acte de donation.
7. Comment éviter de léguer des dettes ?
Comme le précise Grégory Homans, » nul n’est obligé de recevoir une succession. Chaque héritier à trois possibilités : la renonciation, l’acceptation et l’acceptation sous bénéfice d’inventaire. » La première solution est généralement choisie si la succession est déficitaire. Seconde possibilité : l’acceptation pure et simple de la succession. » La personne voit alors son patrimoine confondu avec celui du défunt ; si les dettes de ce dernier sont plus importantes que ses actifs, les créanciers peuvent se retourner vers l’héritier « , précise Grégory Homans.
» Si l’on a des doutes sur la situation financière du défunt, il est plutôt conseillé de recourir à l’acceptation sous bénéfice d’inventaire qui permet de préserver une étanchéité entre le patrimoine du donateur et celui de l’héritier. Ce mécanisme prévoit aussi la réalisation d’un inventaire complet des actifs et passifs du défunt. S’il reste des actifs une fois les éventuelles dettes réglées, l’héritier pourra les recueillir en payant bien évidemment des droits de successions, explique Me Homans. Si, à l’inverse, il y a davantage de passif, la séparation entre les patrimoines du défunt et de l’héritier empêchera que celui-ci soit poursuivi par les créanciers. «
8. Comment transmettre une entreprise familiale ?
Les droits de succession demandés aux héritiers d’une entreprise familiale peuvent être très importants. Notaires et experts fiscalistes conseillent dès lors de bien préparer la transmission, en se renseignant sur les conditions requises pour obtenir un taux réduit sur les droits de succession, chaque Région ayant en outre un régime différent. Les taux peuvent descendre très bas (7 %, 3 % ou même 0 %), moyennant le respect de critères très stricts. La Wallonie et la Flandre appliquent dans certains cas un taux de 0 %, Bruxelles ne descend jamais en dessous de 3 %.
Ensuite, entre en compte le mode de transmission de l’entreprise familiale. Deux scénarios sont possibles : la succession (après le décès) ou la donation (avant). A Bruxelles et en Wallonie, ce critère n’est pas déterminant. En Flandre par contre, la donation permet d’obtenir un taux de 0 %, la succession limitant le taux à 3 % pour les héritiers en ligne directe et à 7 % pour la ligne indirecte. L’objectif est d’inciter les entrepreneurs à transmettre leur société de leur vivant.
Quelle que soit la Région, l’entreprise doit être familiale pour obtenir un taux réduit. Cela se détermine notamment sur la base du pourcentage du droit de vote détenu par le défunt ou le donateur en assemblée générale (10 % au minimum en Wallonie et à Bruxelles). L’entreprise familiale doit aussi exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale ou agricole. Une façon d’éviter que certaines holdings bénéficient d’un avantage fiscal lors de leur transmission…
Vu la complexité de la transmission d’une entreprise familiale, par donation ou testament, il est » absolument nécessaire de se rendre chez le notaire, insiste Dave van Moppes. Il est aussi possible de demander aux Régions si une entreprise remplit les critères pour obtenir un taux réduit. »
9. Est-il intéressant de recourir aux assurances vie ?
Lorsque vous souscrivez une assurance vie, vous stipulez dans le contrat qui en sera le bénéficiaire. Une personne, une institution caritative ou une fondation. Ainsi les assurances sur la vie sont de plus en plus utilisées dans le cadre de la planification successorale. Avantages : vous avez la possibilité d’adapter le contrat jusqu’à votre décès et vous conservez donc le contrôle de votre patrimoine. En outre, votre argent peut encore engendrer un rendement. Et libre à vous de privilégier un héritier par rapport à d’autres.
On utilise dans ce cas une assurance décès, qui vise à verser, au décès de l’assuré, une somme d’argent à un ou plusieurs bénéficiaires. En théorie, ceux-ci devront payer des droits de succession : la police d’assurance dont les avantages sont payables à une personne autre que le preneur d’assurance doit être reprise dans l’actif de la succession. Mais si la souscription de l’assurance est précédée d’un don, le capital peut être transmis sans droits de succession – ou moyennant des droits de donation réduits.
Il suffit de faire un don financier à la personne que l’on souhaite privilégier. Cette personne placera intégralement l’argent reçu dans une assurance décès souscrite sur la tête du donateur en se désignant elle-même comme bénéficiaire. Elle est donc à la fois le preneur d’assurance et le bénéficiaire, le donateur étant l’assuré. On parle de » clause au profit de soi-même « . Après le décès, le capital sera intégralement versé à l’héritier qui ne devra pas acquitter de droits de succession, pour autant qu’il se soit écoulé au moins trois ans après le don.
10. Comment léguer ses biens à une oeuvre d’utilité publique ?
La démarche doit être notifiée dans un testament. Par oeuvre d’utilité publique, on entend les fondations, les ONG, les asbl, les mutualités, les unions professionnelles, les intercommunales et les établissements publics provinciaux et communaux. Si une personne souhaite léguer son patrimoine à une oeuvre d’utilité publique qui n’existe pas encore, elle peut le faire en créant sa propre fondation, qui doit être approuvée par le ministère de la Justice. » Le parent d’un enfant autiste peut, par exemple, créer une fondation orientée sur l’autisme et y léguer une partie de son patrimoine. La fondation aura la charge de s’occuper de l’enfant autiste, une fois le parent décédé « , explique Olivier Neyrinck.
Léguer son patrimoine à une oeuvre d’utilité publique est fiscalement plus avantageux que de le faire à sa famille ou à ses amis. 8,5 % de droits de succession en Flandre ; entre 5,5 % et 7 % en Région wallonne ; entre 6,6 % et 25 % à Bruxelles. » Contre 60 % à 70 % quand on lègue tout à un tiers « , compare Olivier Neyrinck.
Un dossier de Philippe Berkenbaum, Catherine Joie, Dorian Peck et Marie-Eve Rebts
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