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Dix ans d’instruction et toujours pas de procès: pourquoi Franco Dragone ne sera pas jugé de sitôt

David Leloup Journaliste

Le dossier Dragone tarde à atterrir. Une audience a eu lieu le 14 février dernier mais, dix ans après sa mise à l’instruction, aucune date n’est fixée pour un procès en correctionnelle. Si le risque de prescription semble écarté, le dépassement du délai raisonnable apparaît, lui, bien réel.

Dès le mois de juin 2011, avant même la mise à l’instruction du dossier à Mons pour fraude fiscale et blanchiment, les enquêteurs avaient découvert que le groupe Dragone était constitué d’une quinzaine de sociétés offshore qui « semblent dirigées depuis la Belgique ».

L’analyse d’e-mails et de transactions bancaires les conduisait déjà à conclure que « la trésorerie du groupe entier semble être gérée à La Louvière ». Et que toutes ces sociétés ayant pour la plupart leur siège dans des paradis fiscaux devaient être considérées, en réalité, comme des sociétés belges et leurs bénéfices soumis à l’impôt des sociétés.

Tous les éléments d’une « fraude fiscale internationale grave et organisée » et d’un blanchiment de cette fraude étaient présents dès la gestation du dossier. Pourtant, plus de dix ans plus tard, aucune date n’est encore fixée pour un procès. Le juge d’instruction Blondiaux a considéré que son enquête était bouclée fin 2019, après une série de devoirs réalisés à l’étranger sur le tard, au Canada, en Suisse et au Luxembourg.

En avril 2020, le ministère public a « tracé » son réquisitoire et réclamé le renvoi de six personnes en correctionnelle – dont Franco Dragone et la banque ING – pour fraude fiscale et blanchiment de près de vingt millions d’euros. Il y a bientôt deux ans… Et on est encore très loin d’un procès. Car avant, il y a ce qu’on appelle le « règlement de la procédure » devant la chambre du conseil. Le « match » entre le procureur et les avocats des inculpés – un interminable feuilleton procédurier – s’y déroule à huis clos, secret de l’instruction oblige.

La première audience était fixée le 10 décembre 2020, plus de sept mois après le dépôt du réquisitoire du procureur. Mais elle a été reportée : en dernière minute, les avocats de Dragone et ING ont demandé des devoirs d’enquête complémentaires. Le parquet en a accordé six – des auditions et une traduction, principalement – et refusé cinq. L’avocate de Dragone, Me Hirsch, en avait réclamé pas moins de dix.

20 minutes d’audience

Fin juin 2021, tous ces devoirs complémentaires étaient achevés. Ce 14 février 2022, la chambre du conseil s’est à nouveau réunie. Mais, quelques semaines plus tôt, Me Hirsch et d’autres avocats avaient demandé un report de l’audience afin d’avoir davantage de temps pour rédiger leurs conclusions. Ce à quoi le ministère public ne s’est pas opposé. La séance de lundi n’a donc duré qu’une vingtaine de minutes. La chambre du conseil a décidé que les conclusions devront être remises le 2 mai. Les plaidoiries auront lieu le 2 juin. Courant juillet, la chambre du conseil devrait – enfin – rendre son ordonnance de renvoi en correctionnelle.

Mais les avocats et/ou le procureur pourront interjeter appel devant la chambre des mises en accusation. Puis, éventuellement, se pourvoir en cassation… Ensuite, ce sera à la chambre fiscale du tribunal de Mons de fixer la date du procès. Ouverture de celui-ci avant l’été 2023 ? « Ça ne me paraît pas déraisonnablement optimiste », se hasarde Damien Verheyen, substitut du procureur du roi de Mons. Si tel est le cas, ce sera douze ans après les premiers devoirs d’enquête et trois ans et demi après la fin de l’instruction. Pour des faits présumés qui remontent à 2006 pour les plus anciens…

Enquête réalisée avec le soutien du Fonds pour le Journalisme en Fédération Wallonie-Bruxelles.

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