Gérald Papy

Divorce à la grecque

Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Le temps de la politique n’est pas celui des marchés. En annonçant l’organisation d’un référendum national sur le plan de sauvetage de la Grèce, le Premier ministre Georges Papandréou a semé un vent de panique sur les Bourses.

Les marchés ne s’accommodent pas de l’incertitude qui entoure désormais l’application d’un programme laborieusement concocté par les 17 Etats membres de la zone euro, et dont le sort est suspendu à un verdict populaire attendu pour janvier 2012. « Si le peuple ne le veut pas, il ne sera pas mis en £uvre », a promis le chef du gouvernement grec.

Sa décision a provoqué l’étonnement et le ressentiment. Certes, le plan de sauvetage imposait une nouvelle cure d’austérité aux Grecs. Mais il prévoyait aussi une aide de 100 milliards et annulait, avec l’accord contraint des banques, 50 % de la dette du pays. La Grèce évitait la faillite et les marchés retrouvaient des couleurs, sans pour autant que tout spectre de rechute soit écarté. L’accord de sortie de crise restait précaire. L’annonce-surprise de Georges Papandréou lui a-t-elle donné le coup de grâce ?

Si, d’aventure, le référendum passe le cap du Parlement d’Athènes, auquel il est soumis ce vendredi 4 novembre, et de la survie du gouvernement, ce sont des trésors de pédagogie dont devra faire montre Georges Papandréou pour convaincre ses concitoyens de la justesse du plan européen et c’est un sens de la responsabilité – du sacrifice ? – hors du commun dont devra faire preuve le peuple grec. Pour son gouvernement, l’intérêt de la démarche de Georges Papandréou est évident. Conforté par le vote populaire, il aura les coudées « franches » – dans les limites du monitoring européen imposé – pour mener sa politique, et ses opposants, dans les travées du Parlement et dans la rue, auront perdu une grande part de leur légitimité à le critiquer. Mais, aujourd’hui, qui croit sérieusement à ce scénario ?

En attendant, l’Europe se trouve dans la tourmente et est la risée de ses partenaires du G 20 réunis en sommet à Cannes. Sa crédibilité ne peut être qu’ébranlée quand un des ses membres, sous un gouvernement de droite, trafique les comptes de sa dette et de son déficit pour convoler avec la zone euro, et quand le même, sous un gouvernement de gauche, dissimule son intention de recourir à la consultation populaire – ce qu’Athènes a démenti – pour faire adopter le plan censé le sauver de la banqueroute.

Malgré ces sombres perspectives pour les Grecs comme pour les Européens, il y a, paradoxalement, quelque chose de réjouissant, voire de salvateur, dans ce nouveau rebondissement. Plus des décisions, fussent-elles opportunes, donnent le sentiment d’être prises arbitrairement et dictées par un directoire de quelques dirigeants omnipotents, plus il est difficile de les faire appliquer. Qu’ont entrepris Angela Merkel et Nicolas Sarkozy depuis le début de la crise pour expliquer aux Grecs la gravité de leur situation et la nécessité d’y répondre par des mesures inédites ? Quelles perspectives de croissance les Vingt-Sept ont-ils développées lors de leurs multiples sommets pour raviver l’espoir d’un mieux-être futur ?

La crise du référendum grec est aussi une expression du divorce entre l’élite et le peuple. Aujourd’hui, c’est le berceau de la démocratie, la Grèce, qui rappelle à ses engagements démocratiques une Union européenne engoncée dans son fonctionnement technocratique. C’est peut-être plus qu’un symbole.

GÉRALD PAPY

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