Didier Reynders, un acteur central de 20 ans de politique belge
Didier Reynders a reçu le poste européen qu’il ambitionnait depuis 5 ans. Pendant deux décennies, il a été l’un des acteurs centraux de la vie politique belge, que ce soit au gouvernement fédéral ou à la tête des libéraux francophones. Si sa maîtrise des dossiers a toujours été saluée, son style parfois grinçant et peu consensuel ne lui a pas valu que des amis.
Né à Liège le 6 août 1958, Didier Reynders est licencié en droit de l’Université de Liège. Ses rencontres avec François Perin et Jean Gol seront déterminantes. Le second, homme fort des libéraux francophones jusqu’à son décès en 1995, sera son mentor et lui confiera ses premières responsabilité publiques. En 1986, Didier Reynders est ainsi nommé à la présidence du Conseil d’administration de la SNCB, un mandat qu’il exercera jusqu’en 1991.
Le PRL ayant rejoint l’opposition, il se retrouve sur les bancs de la Chambre où il a été élu pour la première fois en 1993. En 1995, même s’il est considéré comme le dauphin de M. Gol, il doit s’effacer devant Louis Michel pour la présidence du parti. Il devient alors chef de groupe à la Chambre. Il mène la vie dure au gouvernement Dehaene-Di Rupo dont il pourfend la « rage taxatoire ».
C’est en 1999 qu’il devient ministre des Finances lorsque les libéraux font leur retour au pouvoir après plus de dix ans d’opposition. A ce poste, il se fait connaître par la réforme fiscale du gouvernement arc-en-ciel et le passage à l’euro qu’il pilote en tant que président de l’Eurogroupe. Retrouvant son portefeuille des Finances en 2003, son deuxième mandat est marqué par la poursuite de la réforme fiscale et l’instauration de la Déclaration libératoire unique (DLU), qualifiée aussi d' »amnistie fiscale ».
En 2004, le PS relègue le MR dans l’opposition dans les Régions et Communautés au profit d’une alliance avec le cdH. Pour éviter d’être mis en minorité dans son parti, M. Michel rejoint la Commission européenne. M. Reynders prend la place de vice-Premier ministre avant de décrocher la présidence du MR le 11 octobre 2004. Il devient le leader tout puissant des libéraux francophones. En 2007, face à un PS secoué par des scandales politico-judiciaires, le MR remporte les élections. Cette victoire permet aux libéraux de devenir, à la Chambre, la famille politique la mieux représentée.
Commence alors l’aventure de l' »orange-bleue » sous la houlette d’Yves Leterme, figure de proue du CD&V et futur Premier ministre, et Didier Reynders… potentiel Premier ministre. Cette coalition sans les socialistes ne verra jamais le jour. Elle se fracasse sur la revendication d’une réforme de l’État voulue par le CD&V, alors en cartel avec la N-VA, et sur le choix de la présidente du cdH, Joëlle Milquet, de ne pas laisser tomber les socialistes. Les relations entre la démocrate humaniste et l’homme fort du MR en sortiront détériorées irrémédiablement.
Dans le gouvernement Leterme, Didier Reynders rempile pour la troisième fois aux Finances. Ce sera sans doute son mandat le plus éprouvant. A la fin 2008, le système financier mondial traverse une crise sans précédent. Le gouvernement doit sauver les banques belges, en commençant par Fortis qui sera absorbée par les Français de BNP Paribas. Didier Reynders et Yves Leterme sont en première ligne pour piloter l’opération, non sans susciter certaines questions. Une commission d’enquête sera mise sur pied pour déterminer si des cabinets ministériels, notamment celui de M. Reynders, ont fait pression sur la justice dans ce dossier.
En 2009, le MR mène à nouveau une campagne tambour battant contre le PS. Didier Reynders lâche alors l’épithète d' »infréquentable » à l’adresse des socialistes. Les résultats ne sont pas au rendez-vous, le PS sauve la mise et Ecolo remporte les élections. Une coalition Olivier se met en place, sans le MR. La double casquette de Didier Reynders, à la fois vice-Premier ministre et président du MR commence à être sérieusement contestée au sein du parti.
En juin 2010, les libéraux perdent les élections que remportent socialistes au sud du pays et nationalistes de la N-VA au nord. Ils sont d’abord écartés des discussions mais, alors que la Belgique traverse la crise politique la plus longue de son histoire, ils reviennent dans le jeu au printemps 2011.
Entre-temps, la contestation a pris de l’ampleur au sein du MR, orchestrée par le groupe « Renaissance » organisé autour de Charles Michel. Didier Reynders doit se résoudre à quitter la présidence du Mouvement à laquelle accède Charles Michel en janvier 2011. Le changement de présidence et la conclusion d’un accord institutionnel jugé trop faible pour les francophones entraîne le départ du FDF des sphères du MR.
Dans l’équipe Di Rupo, Didier Reynders conserve le poste de vice-Premier ministre et reçoit le portefeuille des Affaires étrangères. Ses prédécesseurs libéraux, Louis Michel et Karel De Gucht, s’étaient distingués par quelques déclarations fracassantes. Reynders préfère la prudence. En janvier 2012, il quitte Liège pour s’installer à Bruxelles où les libéraux sont en manque d’une forte personnalité. Il se présentera aux élections communales à Uccle et mènera la liste MR aux élections législatives.
Didier Reynders était promis à la Commission européenne lors de la formation du gouvernement fédéral en 2014 mais le revirement du CD&V, qui renonce au poste de Premier ministre pour le poste de Commissaire, bouleverse son plan de carrière. Le MR hérite du poste de Premier ministre qui va à Charles Michel, président du parti et formateur. Didier Reynders rempile aux Affaires étrangères. L’habitué des phrases choc dans les interviews se fait plus discret sur la scène nationale. Il sillonne le monde pour promouvoir la candidature belge au Conseil des sécurité des Nations unies.
Son mandat sera également marqué par une crise diplomatique avec le Congo. En Europe, il se fait l’obstiné défenseur d’une mécanisme de surveillance des droits de l’homme et, vis-à-vis de la Russie, prône infatigablement la doctrine Harmel qui mêle fermeté à l’égard du grand voisin tout en maintenant des canaux de dialogue.
L’affaire du Kazakhgate viendra ébranler la réputation du vice-Premier ministre MR à l’automne 2016. L’un de ses proches, Armand De Decker, est accusé de s’être servi de ses fonctions parlementaires au profit d’un trio d’hommes d’affaires kazakhs. Le dossier débouche sur la constitution d’une commission d’enquête parlementaire et l’ouverture d’une instruction judiciaire. Aucun fait n’implique toutefois M. Reynders.
En juin 2019, un poste international européen lui échappe une nouvelle fois. Il briguait le secrétariat général du Conseil de l’Europe mais l’assemblée parlementaire de l’institution lui préfère la croate Marija Pejcinovic Buric.
Malgré ses ambitions internationales, Didier Reynders n’a pas encore abandonné la scène nationale. Au lendemain des élections du 26 mai, il est désigné informateur par le Roi aux côtés de Johan Vande Lanotte. Son nom était également cité pour prendre le poste de commissaire européen qui lui avait échappé en 2014. Cette fois-ci aura été la bonne.
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