Didier Reynders, l’homme assiégé
Kazakhgate, Arabie saoudite, cumuls dans son cabinet, tensions au sein de la suédoise : le vice-Premier MR est pris pour cible et vit des moments très difficiles. Mais cet animal blessé pourrait mordre en retour. Enquête.
C’est l’histoire, digne d’un roman, d’un ténor, au sommet de la politique belge depuis plus de vingt ans, qui entame son déclin – du moins, certains l’espèrent-ils. Didier Reynders, un des rares » seigneurs » du milieu, selon le terme d’un proche, vacille dans l’adversité – mais contre-attaque aussitôt et risque de mordre plus fort encore en 2018 et 2019. Car la vengeance est un plat qui se mange froid. Toujours. Et encore plus chez lui.
En vingt ans, Didier Reynders en a avalé des couleuvres : il a été victime en 2011 du putsch de Charles Michel au sein du MR, il a essuyé des attaques à répétition du CD&V en tant que ministre des Finances, il a raté le Graal du 16, rue de la Loi à deux reprises, en 2007 et 2014, avant de voir le CD&V, encore lui, lui » voler » une désignation promise à la Commission européenne. Chaque fois, il a rendu coup pour coup à ceux qui lui cherchaient noise. Le voilà qui traverse une nouvelle zone de turbulences, alors qu’il préparait en douce sa revanche. On cherche à l’atteindre à travers le Kazakhgate, l’Arabie saoudite, les conflits d’intérêts au sein de son cabinet ou sa loyauté de vice-Premier. Cela fait beaucoup…
En ce début mai 2017, Didier Reynders accuse le coup, même des proches le concèdent. Ses cheveux ont complètement blanchi. Il perd patience lorsqu’on l’interpelle au Parlement. » Il est dans les cordes, mais il faut avouer qu’il prend de nombreux coups, commente un libéral qui le connaît bien. En interne, au MR, on se disait que cela passerait. Mais là, avouons que l’on atteint la cote d’alerte. » L’homme est à ce point brillant, et conscient de l’être, qu’il suscite bien des animosités et des volontés de le faire tomber. » Enfin « , murmurent ses adversaires. Mais les siens mettent en garde : » On remplace une Galant ou un Jamar, pas un Reynders. S’il était menacé, c’est le gouvernement qui tomberait. » Protégé par une garde de fer, le Sphinx est aujourd’hui un animal blessé qui dénonce des opérations » purement politiques « . Et il prépare les représailles, promettent déjà ses proches. Car » Didier est plus sensible qu’on ne le caricature, et il n’oublie rien « .
Le Kazakhgate inquiète le MR
Les derniers ennuis en date de Didier Reynders commencent en novembre 2016, avec l’accord sur la création d’une commission d’enquête parlementaire sur le Kazakhgate. Jusque-là, l’affaire, qui concerne une présomption d’influence extérieure sur l’adoption à la hussarde de la loi belge sur la transaction pénale, le 17 juin 2011, avait vivoté au rythme des révélations de la presse, dont Le Vif/L’Express. Mais fin de l’année dernière, les progrès de l’enquête judiciaire française, les révélations à répétition de la presse et le travail de sape de l’opposition belge commencent à porter leurs fruits. Le dossier est, il est vrai, loin d’être banal : l’Elysée serait intervenu via des intermédiaires pour faire modifier la loi belge et permettre à un trio kazakh autour du milliardaire Patokh Chodiev, avec lequel il devait faire commerce, d’échapper à des poursuites judiciaires pour corruption. » Un scandale d’Etat « , répète à l’envi le député Georges Gilkinet (Ecolo).
L’étau se resserre depuis le début autour d’Armand De Decker, ancien président du Sénat, bourgmestre MR d’Uccle et proche du Palais royal. Plus que jamais, il apparaît des dernières révélations que celui-ci a joué un rôle central, entre Paris et Bruxelles : recruté par l’avocate française Catherine Degoul pour » défendre » Patokh Chodiev, avec des honoraires supérieurs à 700 000 euros, il a exercé un lobbying important pour obtenir » l’adhésion » de trois ministres à l’adoption de la transaction pénale. Quel aura été le rôle précis dans cette histoire du ministre Didier Reynders, proche d’Armand De Decker ? C’est désormais ce qui préoccupe les membres de la commission d’enquête parlementaire. Selon des pièces de l’enquête révélées par Le Vif/L’Express et De Standaard (voir Le Vif/L’Express du 28 avril), le vice-Premier libéral et son bras droit Jean-Claude Fontinoy auraient bien eu des contacts avec deux protagonistes clés du Kazakhgate, l’avocate Catherine Degoul et Etienne des Rosaies, homme de l’ombre du président français d’alors, Nicolas Sarkozy.
Les évolutions du dossier suscitent des frissons quasiment existentiels au sein du MR, qui a définitivement lâché Armand De Decker. Si Didier Reynders devait être impliqué dans ce scandale, le séisme serait d’une tout autre nature. Selon nos informations, le Premier ministre Charles Michel, lui-même, ne serait pas complètement rassuré. » L’inquiétude grandit parce qu’on ne maîtrise pas l’évolution de l’enquête française, explique un ténor du parti. Et en Belgique, il y a quand même une commission d’enquête parlementaire, ce n’est pas rien. Jusqu’ici, nous étions confiants, on se disait qu’il était impossible que Didier soit touché. Mais on se demande aujourd’hui jusqu’où Armand a pu aller. On le savait superficiel, homme de salon, légèrement mythomane sur les bords, mais on le découvre intrigant. Et quand on voit comment il se présente aux autres, en France, on est en droit de s’inquiéter… » Le courrier de Mme Degoul dévoilé par Le Vif/L’Express présente en effet Armand De Decker comme » Monsieur le ministre d’Etat auprès du ministre des Affaires étrangères et ministre d’Etat en charge des Relations spéciales avec le Palais royal » (sic). A-t-il impliqué d’autres à leur insu ? Au MR, on s’interroge : » Cela préoccupe Didier, prolonge ce député. La pression monte, c’est normal : il ne sait pas ce qu’Armand a pu faire en s’appuyant sur son statut. Et nous, on se demande dans quelle mesure Didier était au courant… »
Parmi les proches du vice-Premier, on respire un peu depuis l’audition de l’ancien ministre français de l’Intérieur, Claude Guéant, devant la commission d’enquête, le mercredi 3 mai. S’il a confirmé une note qui accable Armand De Decker, Claude Guéant a par contre » blanchi » Didier Reynders. » ll n’y a pas eu de contact avec des responsables politiques belges, a-t-il affirmé, sous serment. Je n’ai jamais eu monsieur Reynders au téléphone de ma vie. Je suis catégorique. » » Avec cette déposition, un grand pas a été fait vers la vérité, souligne Jean-Luc Crucke, vice-président du MR et reyndersien notoire. Certains, comme les députés Dirk Van der Maelen (SP.A) et Georges Gilkinet, avaient annoncé une tornade, ils en sont pour leurs frais. C’est bien la preuve que ces accusations sont le fruit d’une opposition pure et dure. »
L’audition de Claude Guéant a toutefois conforté la crédibilité d’un personnage clé, Etienne des Rosaies, que d’aucuns présentaient comme un affabulateur et qui, dans ses mails révélés par la presse, disait que De Decker avait réussi à sensibiliser Reynders concernant l’affaire des Kazakhs. Vendredi 5 mai, un nouveau tournant dans cette affaire a accentué l’inquiétude au sein du MR : Chris Delaere, ancien conseiller du Premier ministre Yves Leterme (CD&V) a confirmé que le cabinet du vice-Premier Didier Reynders, alors aux Finances, avait mis le projet de transaction pénale sur la table du kern, le 31 janvier 2011, en parallèle avec le texte sur la levée du secret bancaire. Un agenda qui épouse de façon troublante l’évolution de l’affaire Chodiev devant la justice. Par ailleurs, d’autres documents pointent du doigt le soutien apporté, dès la fin 2010, par le cartel CD&V/N-VA à cette transaction pénale sous la pression du lobby diamantaire anversois.
Résultat politique ? MR et CD&V se renvoient aujourd’hui les accusations. Une bataille à couteaux tirés sur fond d’inimitiés de plus en plus fortes entre les sociaux-chrétiens flamands et Didier Reynders, qui leur voue une haine tenace depuis les attaques subies aux Finances et, à l’automne 2014, leur pied de nez au moment de la désignation du poste de commissaire européen. Contacté par nos soins, Didier Reynders a confirmé qu’il réserverait ses premières déclarations publiques sur le Kazakhgate pour la commission d’enquête. La date de son audition n’a pas encore été fixée.
Le couac de l’Arabie saoudite
Pour le ministre MR des Affaires étrangères, c’est une série noire. Généralement souverain dans sa maîtrise des dossiers, il a failli payer très cher un moment d’inattention dans un dossier symbolique concernant l’Arabie saoudite. Le vote positif de la Belgique pour l’intégration de ce pays à la commission onusienne sur le statut des femmes a suscité un émoi médiatique important et des expressions courroucées dans l’opinion publique. Une décision » inacceptable « , dixit l’opposition, alors que ce pays bafoue les droits des femmes dans toutes les dimensions. PS, Ecolo, DéFI et le CDH ont été jusqu’à demander la démission du ministre.
» Cette histoire de l’Arabie saoudite, il ne l’a pas vue venir, confie un député libéral. C’est bien la preuve qu’il est préoccupé par autre chose. » Celui-ci s’inquiète aussi de son manque de pugnacité au Parlement : » Didier n’a pas donné le nom des fonctionnaires ou des diplomates qui ont laissé passer cette énormité. On peut considérer qu’il a fait preuve de grandeur d’âme. Mais on peut aussi se dire que s’il ne l’a pas fait, c’est parce qu’il sait qu’une riposte des personnes concernées n’est pas à exclure. » Autrement dit : il était peut-être au courant et aurait sous-estimé l’impact symbolique du vote. Certains au sein du parti ont encore été frappés par le fait que Charles Michel » ne l’a pas raté » au Parlement, lançant lors des questions d’actualité à la Chambre : » Si c’était à refaire, le gouvernement aurait plaidé pour qu’il n’y ait pas le soutien, il n’y a aucune ambiguïté là-dessus. » » Le Premier ministre a défendu son vice-Premier avec moins de vigueur qu’un CD&V ou que Francken « , ironise-t-on.
Alain Destexhe, éternel trublion du MR, vole au secours de Didier Reynders : » Cette affaire est absolument ridicule. Ce bazar de l’ONU ne sert à rien. Il y a une hypocrisie folle : ce sont les mêmes qui sont coupables de la montée du salafisme en Belgique qui s’étranglent de cette décision. » Jean-Luc Crucke complète, narquois : » Pour ceux qui plaident le modèle de gouvernance scandinave, je tiens à faire remarquer que la Suède, elle, n’a pas communiqué son vote à l’ONU. »
Didier Reynders, grand fan de football, a depuis longtemps fait sien un adage bien connu : la meilleure défense, c’est l’attaque. Il a rebondi en lançant un » grand débat » sur les relations de la Belgique avec l’Arabie saoudite. En ligne de mire : des liens commerciaux et, singulièrement, les ventes d’armes wallonnes. » Certains se sont peut-être dit qu’ils allaient avoir la peau de Reynders, prolonge Jean-Luc Crucke. Mais ils doivent faire attention de ne pas jouer avec le feu. Rappelons que pour la FN, c’est un marché important… » Le ministre-président Paul Magnette a déjà répondu que toute forme d’embargo sur la vente d’armes ne pourrait être décidée qu’au niveau européen. Mais le ministre MR fédéral a atteint son objectif : détourner le débat pour » mouiller » les Régions. Pour sortir de l’ornière par le haut, en fin stratège.
Son entourage, pour le meilleur et le pire
L’implacable machine du ténor libéral à gouverner et à détruire l’adversaire est pourtant grippée. C’est indiscutable. Bien sûr, on cherche à lui nuire. On vise l’homme et les siens, comme s’il s’agissait de mettre des bâtons dans les roues de celui qui, en reprenant complètement la main sur la fédération bruxelloise du parti, en décembre 2016, avait exprimé son appétit de reconquête. Mais il y a autre chose…
» Didier a les idées claires, c’est un des rares seigneurs de la politique belge, souligne, admiratif, un de ses anciens collaborateurs. Il a mis en place autour de lui une organisation sans faille qui est une de ses forces. » Sa garde rapprochée est, aussi, un gilet pare-balles pour parer les coups de ses agresseurs. » Mais, paradoxalement, poursuit notre interlocuteur, cet entourage peut aussi devenir une de ses failles. Car à force de vouloir le protéger, on lui cache des choses. Certains voient le mal partout, développent une paranoïa incroyable et se comportent d’une manière telle qu’ils créent des inimitiés féroces. » Pour ceux qui ont la mémoire courte, rappelons que c’était déjà pour cette raison que le » clan Michel » avait mené une cabale contre Reynders président de parti, en 2011. Concernant le Kazakhgate, certains au MR tremblaient à la perspective de l’audition de Jean-Claude Fontinoy, proche des proches, devant la commission d’enquête : » C’est son âme damnée, l’homme des coups fourrés, celui qui avait organisé le repas secret de Reynders avec De Wever chez Bruneau, fin 2010. »
Aujourd’hui, cette garde rapprochée inquiète autant qu’elle rassure. Régulièrement, au MR, on interroge d’ailleurs les journalistes à son sujet, l’air de rien. » Le départ à la SNCB de son chef de cabinet, Olivier Henin, début 2015, joue un rôle non négligeable dans cette période moins favorable, précise ce proche du vice-Premier. C’est lui qui tenait la baraque. Le cabinet a perdu en qualité. Alexia Bertrand, qui lui a succédé, a moins de maîtrise. En outre, ses cumuls poseraient problème, s’ils venaient sur la place publique… » La semaine dernière, Le Vif/L’Express s’interrogeait précisément sur le » dérangeant cumul » d’Alexia Bertrand, restée administratrice rémunérée dans la société de son père, Luc Bertrand, le holding Ackermans & Van Haaren. Une position sensible : ce holding est impliqué dans la délicate discussion sur le développement de l’éolien en mer et a fait de… l’Arabie saoudite un marché important pour son développement.
Les agissements du clan Reynders en ont irrité plus d’un au sein du parti au cours de sa longue carrière, ce n’est pas nouveau. Une autre preuve ? Le Vif/L’Express a appris qu’un ancien membre du parti, Olivier Hamal, président du Syndicat national des propriétaires, a déposé, début 2017, un dossier auprès du procureur du roi liégeois, Christian De Valkeneer, pour dénoncer une série de pratiques douteuses au sein du MR liégeois, dans les années 2009 – 2010. Celles-ci concernent surtout Georges Pire, l’ancien vice-président du conseil provincial aux multiples cumuls, emporté par l’affaire Publifin. Selon Olivier Hamal, les documents transmis à la justice illustreraient le fait que Didier Reynders, lorsqu’il était encore l’homme fort du MR liégeois, était au bout de la chaîne de commandement, à titre personnel ou, à tout le moins, par l’intermédiaire de ses proches collaborateurs. Y compris en ce qui concernait alors Tecteo/Nethys.
Le président du Syndicat national des propriétaires avait d’ailleurs claqué la porte du parti en avril 2011 avec ces mots, à l’encontre du » clan Reynders » : » Je dois malheureusement constater au niveau du MR, à tout le moins liégeois, des évolutions qui, depuis un certain temps déjà, me laissent particulièrement dubitatif et que d’aucuns semblent considérer comme relevant d’un comportement politique normal. Que des pratiques de ce type soient l’usage dans d’autres formations est leur problème, mais cela ne devrait pas être le cas au niveau du MR. » » Prémonitoire « , dit-il aujourd’hui. Devenu président de parti en janvier 2011, Charles Michel avait alors » pris acte » de la démission d’Hamal, une » décision personnelle « .
Un vice-Premier trop absent
Dans la tourmente, Didier Reynders irrite encore au sein de son parti en raison de sa tendance à privilégier son agenda personnel et ses missions internationales, sans toujours s’investir corps et âme en faveur du projet réformateur au sein de la suédoise. On a en effet connu le vice-Premier plus pugnace dans la défense des thèses libérales en tant que vice-Premier ministre du gouvernement. Charles Michel est chargé d’arbitrer les conflits entre les trois partis flamands de la majorité (CD&V, Open VLD, N-VA), mais manque singulièrement de la percussion de son vice-Premier pour que le MR pèse davantage. En retour, Reynders confiait au Soir, l’été dernier, que le Premier » ne faisait pas souvent appel à lui « . » C’est dire son amertume « , constate un ancien proche.
Ce sentiment d’un duo fragile grandit depuis que la suédoise est présentée comme étant » en affaires courantes « , incapable de mener de nouvelles réformes ambitieuses en raison des tensions internes. » Nous avons raté une occasion de réformer davantage, notamment en responsabilisant les syndicats et les mutuelles, dit l’un. Cela aurait été possible si Didier avait davantage épaulé Charles. Le Premier lui en veut, secrètement. » » Dans le dossier de l’Arabie saoudite, Charles Michel n’a pas mis de gants, dit l’autre. Il n’a même pas essayé de protéger Didier Reynders. Mais le 1er mai, il l’a fait applaudir à Court-Saint-Etienne. »
Officiellement, le Premier et son vice-Premier se parlent, se respectent et collaborent. Officieusement, c’est une » paix des braves » dictée davantage par l’opportunité du moment que par la franche camaraderie. La méfiance demeure. C’est dire si ce vieux briscard scrute l’évolution actuelle avec un zeste d’inquiétude : » Tout le monde est conscient, du plus petit militant au Premier ministre, que le retour d’une guerre fratricide serait la pire des choses qui puisse nous arriver. On peut s’en sortir aux élections de 2019 si l’on peut défendre un bon bilan, pas si l’on se désunit. »
Attention, nitroglycérine. C’est le salaire de la peur. Un proche de l’Ucclois prévient : » Pour l’instant, Didier Reynders reste loyal, mais sans plus. Il considère toujours que Charles Michel n’est pas légitime là où il se trouve parce qu’il a fait un coup d’Etat au MR. C’est lui, Reynders, qui aurait dû être Premier ministre. Il éprouve une haine sans pareil pour les Michel père et fils qui l’ont harcelé, quand il était président, pour le faire craquer. Le moment venu, il va tuer ! A mon avis, son besoin de vengeance est tel qu’il préférera être Premier ministre en Belgique en précipitant l’échec de Charles Michel que de partir au FMI. »
Rien n’est plus dangereux qu’un Reynders blessé. Si on le mord, il mord en retour. » Il faudra encore compter avec lui, jure Jean-Luc Crucke. Je le sens déterminé. Et c’est un homme qui a une bonne mémoire. Ceux qui essaient de jouer au plus malin avec lui en seront pour leurs frais. » Cela vaut-il pour ses collègues de la majorité qui le soutiennent du bout des lèvres ? » Pour qui que ce soit ! Sa mémoire n’est pas à géométrie variable. » Lorsque l’on demande en retour à un proche de Charles Michel s’il craint une volonté de revanche de la part de Didier Reynders, il a ces mots assassins : » Je crois que ce qui se joue actuellement pour Didier est d’une tout autre dimension… »
C’est dit : les deux hommes ont la rancune tenace.
Lorsqu’il a témoigné devant la commission d’enquête parlementaire belge, l’ancien ministre français de l’Intérieur a affirmé n’avoir jamais entendu ni vu Didier Reynders à propos du trio kazakh. Message bien reçu, mais attendu. Claude Guéant a, toutefois, reconnu devant les députés qu’il était intervenu personnellement pour régler le problème de rémunération des avocats de Patokh Chodiev. Cela, il pouvait difficilement le nier, alors qu’il était confronté aux multiples documents révélés par Le Vif/L’Express et De Standaard (nos éditions du 28 avril et du 5 mai). « Oui, j’ai demandé à Damien Loras(NDLR : ex-conseiller diplomatique de l’Elysée) de veiller à ce que les avocats soient payés vu que j’avais été informé qu’il y avait des problèmes. » Cet aveu donne encore davantage de crédibilité à la lettre du 4 avril 2012 de Catherine Degoul, dans laquelle l’avocate se plaint du non-règlement de ses honoraires par Chodiev, avant d’évoquer une réunion qui « ne pourra se dérouler hors la présence d’une haute personnalité du royaume de Belgique ». Elle envoie sa missive en copie à trois personnalités politiques, dont deux belges : Armand De Decker, Claude Guéant et Didier Reynders. A De Decker, c’est logique : ils ont collaboré pour que Chodiev bénéficie d’une transaction pénale. Guéant ? Il ne s’est pas souvenu avoir reçu la lettre mais, en reconnaissant s’être préoccupé de ses problèmes d’honoraires, il confirme la logique de Degoul d’indiquer son nom sur le courrier. Reste Reynders. Pourquoi l’avocate s’adresse-t-elle au ministre MR des Affaires étrangères et pas à un autre ? Difficile de ne pas y voir de cohérence de la part de l’avocate, ici aussi, alors que pour les deux autres destinataires, la logique est bien établie.
Th. D.
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