Ettore Rizza
Diana dans l’impasse de la Croisette
La nuit de dimanche à lundi, impasse de la Croisette à Châtelineau, une mère a étranglé puis découpé sa fillette de 4 ans, la petite Diana, avant de conserver ses restes dans un congélateur. Mardi, sur la Croisette de Cannes, un cinéaste belge récoltait un succès critique pour son film « librement inspiré » d’un quintuple meurtre d’enfants commis par leur mère, Geneviève Lhermitte, en 2007 à Nivelles.
Il y a des semaines ainsi où le tumulte chaotique de l’actualité semble se charger d’un sens profond que l’on peine à déchiffrer. Comme les voyageurs devant une énigme du Sphinx.
Décidément, tout nous ramène à la tragédie et aux mythes anciens lorsque survient un crime monstrueux. Nous n’avons pas échappé aux parallèles avec Médée, dont la légende veut qu’elle tua ses deux enfants pour punir l’infidélité de son mari Jason. Et pourquoi ne pas pousser les comparaisons symboliques un cran plus loin ? Cette machine à laver qui, tombant en panne, n’a pu nettoyer les vêtements ensanglantés de l’enfant, ce sont les taches de sang sur les mains dont Lady Macbeth ne parvenait à se débarrasser. Ou la clé sanguinolente du conte Barbe Bleue. Ce corps découpé, celui du dieu égyptien Osiris.
Foutaises. Intellectualisme. Et pourtant, on ne peut empêcher ces réflexions oiseuses de trotter dans nos têtes. Confrontés à l’incompréhensible, on cherche un sens, forcément. On ne le trouve jamais. Les journalistes et les juges auront beau interroger tous les psychiatres de la planète, le geste fou de Juliana Santana Duran risque de demeurer à jamais un mystère. Des mois d’enquêtes et deux semaines de procès n’ont guère réussi à expliquer celui de Geneviève Lhermitte, si ce n’est de manière superficielle.
Cinq ans plus tard, un long métrage tente de nous éclairer en plongeant dans la tête de cette mère infanticide, ou plutôt d’une autre, fictive mais « librement inspirée » de l’originale. Il paraît que le résultat tient la route. Peut-être les Grecs anciens avaient-ils raison : seule l’imitation artistique, la mimésis, peut donner un sens au réel et purger ainsi les émotions du spectateur.
Juliana Santana Duran et la petite Diana n’auront sans doute jamais droit à un film. « Trop tard, Coco, c’est du déjà vu », répondra tout producteur. Pour les spectateurs involontaires que nous sommes, et qui cherchons une issue à ce drame, c’est peut-être cela, l’impasse de la Croisette.
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