Thierry Denoël

Di Rupo à Davos : fallait-il y aller ?

Thierry Denoël Journaliste au Vif

Il y a dix ans, le président du PS fréquentait le Forum social mondial de Porto Alegre, au Brésil. Aujourd’hui, le Premier ministre belge reçoit des chefs d’entreprises au Forum économique de Davos qui, pendant cinq jours, accueillera les maîtres du monde. Logique ?

La fonction fait l’homme. Personne ne contredira cet adage. Mais tout de même… Que de chemin parcouru depuis le début des années 2000 lorsqu’Elio Di Rupo, alors président du parti à la rose, s’envolait fièrement vers le Rio Grande do Sul pour rejoindre la grand messe altermondialiste de Porto Alegre. A l’époque, pour bien afficher sa différence, ce nouveau rassemblement se tenait en même temps que celui de la huppée station de ski des Grisons, en Suisse.

Tout sourire, le leader de la gauche belge se répandait alors dans la presse se réjouissant que le Forum social mondial soit « le premier coup de boutoir contre la globalisation triomphante ». Il considérait aussi que les partisans du libéralisme n’avaient pas leur place à Porto Alegre. « Il suffit d’observer la réunion de Davos qui consiste à sauvegarder une richesse détenue par une infime minorité de la population mondiale », lançait-il même dans La Libre Belgique.

Aujourd’hui, dans le village suisse fréquenté par nombre de chefs d’Etat et de gouvernement, de puissants businessmen et d’ONG triées sur le volet, le même Elio Di Rupo invite à un petit déjeuner des chefs d’entreprises mondiales (Nestlé, Solvay, Intel, Volvo, LVMH, Lufthansa, Heineken…). Il accordera une interview au Wall Street Journal et aux médias de Bloomberg. Il s’entretiendra en tête-à-tête avec les patrons de Johnson&Johnson et de Novartis.

Les détracteurs de Davos y verront évidemment une faute de goût, voire un retournement de veste, d’autant que le président français François Hollande et son Premier ministre Jean-Marc Ayrault, eux aussi socialistes, ont décidé de bouder le rendez-vous des élites mondiales, laissant à Pierre Moscovici, ministre de l’Economie, le soin de les représenter discrètement. Faut-il pour autant jeter la pierre à Di Rupo ?

Cet as de la communication a toujours aimé surfer sur les vagues les plus hautes, comme celle de Porto Alegre il y a dix ans. Entretemps, il a enfilé son noeud papillon, plus serrant, de Premier ministre. Son discours s’est arrondi et a pris des accents flamands appuyés (depuis qu’il est ministre-président, Kris Peeters, lui, ne rate jamais Davos). Face à la crise, le pragmatisme est devenu son leitmotiv. Le style du Forum économique mondial s’est également lissé, depuis la chute du secteur bancaire : on y entend même des critiques à l’égard du libéralisme…

Mais, si le fondateur du meeting de Davos – l’économiste Klaus Schwab – fait tout pour en atténuer l’image de club de riches, son forum demeure une cible de choix pour les altermondialistes, qui se réuniront à Tunis en mars, et pour une partie de la gauche. De cela, le pragmatisme d’Elio Di Rupo devra aussi tenir compte. L’exercice est délicat. Ses déclarations sont attendues.

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