Développement durable: voici les actions du nouveau plan fédéral
Délaissé pendant plus de dix ans, le Plan fédéral de développement durable (PFDD) est de retour sur la table du gouvernement. Le Vif a parcouru l’avant-projet en intégralité. Au menu, notamment: une mobilité plus verte, un système plus égalitaire et une société plus résiliente face aux crises.
L’obligation a beau figurer noir sur blanc dans une loi du 5 mai 1997, le gouvernement fédéral ne disposait plus d’un plan de développement durable (PFDD) depuis 2008. Cette feuille de route, censée engager chaque législature pour une durée de cinq ans, vise à définir les actions à entreprendre pour tendre vers les 55 objectifs de la Vision stratégique fédérale à long terme, qui esquisse la Belgique de 2050. Le 19 mars dernier, la ministre du Développement durable, Zakia Khattabi (Ecolo), a soumis l’avant-projet du PFDD au conseil des ministres. « Je rétablis ainsi une situation qui s’était historiquement perdue », soulignait-elle. Le texte doit à présent être examiné par les chambres législatives, les conseils et les gouvernements des communautés et des régions, avant d’être consultable par le grand public. Le Vif a pu le parcourir en intégralité.
Que contient ce plan ? Logiquement, la crise sanitaire et économique apparaît en filigrane de ses 97 pages. « Cette épidémie pose la question de la résilience de notre société face à une crise majeure et invite à repenser la manière dont celle-ci est organisée afin d’anticiper d’autres crises de même ampleur qui pourraient advenir dans le futur », indiquait déjà le Conseil fédéral du développement durable, dans un avis rendu en juin dernier. D’où l’ambition, affichée dans le PFDD, de mener une « politique de relance guidée par les objectifs de développement durable » (ODD). Ces dernier, au nombre de 17, ont été fixés en 2015 par les Etats-membres des Nations Unies. Le PFDD entend identifier les priorités fédérales sur ces questions d’ordre environnemental, social ou économique. Et, mission ô combien complexe dans notre machine institutionnelle, les coordonner avec les plans équivalents des 3 Régions du pays. « Certaines politiques se contrecarrent l’une l’autre ou ont des effets négatifs non anticipés, indique le document. Le développement durable requiert d’adopter une démarche transversale (notamment en concertation avec les entités fédérées) et une vision à long terme afin d’éviter ces effets négatifs. »
A l’image de ce passage, les intentions du texte apparaissent toutes louables, mais inégales dans leur degré de précision. Elles sont réparties dans dix grandes thématiques qui s’avèrent elles-mêmes vagues (« passer à l’action », « international ») ou plus segmentées (« renforcer la résilience face aux risques », « changer de modèle de mobilité »). Certains passages paraphrasent la déclaration de politique générale, tandis que d’autres la précisent ou la complètent. Dans de nombreux cas, l’effort à entreprendre est immense : « garantir des conditions travail optimales pour tous » (en abordant notamment la place que peut prendre le télétravail), « construire une plus grande cohésion sociale », « financer la transformation de l’économie belge » ou encore « transformer l’économie belge », via, notamment, l’économie circulaire et collaborative.
Mais le PFDD avance aussi des orientations politiques plus concrètes. Pour « renforcer le rôle d’exemple de l’Etat », le plan cite notamment sept mesures de fond pour promouvoir des pratiques durables dans les passations de marché publics. Afin de « faciliter à tous l’accès aux droits sociaux », et remédier ainsi à la problématique du non-recours à ceux-ci, il est prévu de créer « une plateforme belge de la protection sociale, de type guichet unique ». En matière de lutte contre les trafics en tout genre, un passage spécifique est consacré au bois et aux espèces animales. En matière sanitaire, le texte prévoit l’élaboration d’un Plan d’action national sur les perturbateurs endocriniens. Comme le prévoit l’accord de gouvernement, « le SPF Finances travaillera à la mise en place d’un cadre permettant le développement d’un budget mobilité octroyé par l’employeur pour les travailleurs ne disposant pas d’une voiture de société. » Pour ces dernières, le texte réitère la volonté de tendre vers la neutralité carbone en 2026, tout en évoquant une « possible adaptation de la fiscalité » et un régime plus précis pour les véhicules hybrides rechargeables, dont l’impact environnemental réel serait sous-estimé.
Au niveau environnemental et énergétique, il est notamment question « d’optimiser l’extraction de sable dans la partie belge de la Mer du Nord » (qui bénéficie essentiellement à la Flandre), d’étudier « les moyens de mise en oeuvre d’une taxe à l’embarquement et/ou au débarquement dans les aéroports » (qui bénéficierait à des projets de mobilité durable), ou encore de « lancer un projet pilote de double affichage du prix des produits énergivores« , plus complet et précis que les seules classes énergétiques. Sur le plan de la transition alimentaire durable, le PFDD mentionne la nécessité d’organiser un grand débat sociétal « basé sur la meilleure évidence scientifique », tout en mettant en place un soutien au secteur agricole et agroalimentaire, notamment via des « réformes réglementaires et fiscales ».
En dépit d’un contenu hétéroclite, qui s’apparente parfois à un catalogue de bonnes intentions peu concrètes, ce plan a le mérite de remettre au goût du jour les priorités de la précédente mouture, qui couvrait la période 2004-2008 mais qui avait été reconduit jusqu’en 2012, puisque le monde politique n’avait pu aboutir sur un nouveau texte à l’époque. Certains enjeux, en particulier la mobilité et la résilience de l’économie, ont en effet radicalement changé depuis lors. C’est à la task force Développement durable du Bureau fédéral du Plan qu’il incombera d’évaluer de manière constante les actions proposées dans ce plan fédéral du développement durable, pour en tirer, à nouveau, les leçons d’ici cinq ans.
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