Deuxième vague : « Nous avons jusqu’au 31 juillet pour intervenir »
Si nous n’intervenons pas avant la fin du mois, nous nous dirigeons vers une deuxième vague qui risque d’être plus puissante que la première. C’est ce que montre le modèle élaboré par le professeur de biostatistique Kurt Barbé (VUB).
Kurt Barbé a développé un outil statistique qui permet de prédire l’évolution de l’épidémie si rien ne change. Et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il est inquiétant. Le professeur avait déjà fait des projections à la mi-mai avec ses collègues Geert Molenberghs et Niel Hens sur ce à quoi pourrait ressembler une deuxième vague. « Je crains que les données soient conformes aux attentes pessimistes qui avaient été faites à l’époque », dit-il dans De Morgen. « Mon modèle maintient le facteur R actuel (le nombre de personnes infectant un patient, NDLR) à 1,2064 ». Pour Barbé, si rien n’est fait dans la semaine à venir, soit avant le 31 juillet, nous risquons de nous retrouver dans une seconde vague encore plus puissante que la première.
Selon le modèle de Barbé, la deuxième vague aurait déjà commencé. Aujourd’hui, le nombre de patients dans les hôpitaux augmente encore très progressivement, mais en septembre il augmenterait fortement, pour atteindre le nouveau pic début novembre avec 10.000 lits d’hôpitaux occupés, alors qu’au pire de la première vague on n’était « qu’à » 6.000. L’unité de soins intensifs afficherait le même mouvement.
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Publiée par Kurt-Nathalie Barbé-Limpens sur Mardi 21 juillet 2020
La croissance relative
Ce n’est pas la première fois que son modèle lui lance des signaux d’alerte. Les premiers frémissements datent même déjà du 24 juin. En particulier les indicateurs qui reprennent la croissance relative du taux d’occupation des lits d’hôpitaux (soit la différence entre le nombre de lits occupés aujourd’hui et hier). « La croissance relative est une chose qui est très peu reprise dans les médias : bien trop souvent, l’accent est mis sur les chiffres absolus. Personnellement je ne suis pas vraiment fan des chiffres absolus. Cela minimise la gravité de la situation. J’ai le même problème avec les chiffres normalisés, ou en divisant les chiffres absolus par la taille totale de la population. Cela rend la comparaison difficile et donne l’impression que les grands pays peuvent attendre plus longtemps avant d’agir ».
Barbé leur préfère donc de loin les modèles statistiques. « Grâce à leurs effets multiplicateurs, cela nous permet de détecter de petits indicateurs à un stade précoce ». Un élément clé dans une épidémie puisque celle-ci démarre lentement avant de basculer et de devenir incontrôlable.
« Selon mes prévisions, nous aurions atteint un niveau critique le 18 juillet. Or, semaine après semaine, nous avons vu le modèle reconfirmé. Début de cette semaine, il s’est soudainement écarté de sa trajectoire d’une façon non favorable. Je l’ai donc recalibré. Selon mes calculs la stabilisation n’est pas suffisante et nous avons seulement jusqu’au 31 juillet pour inverser la tendance. »
Un point sensible lorsqu’on sait que la politique a souvent besoin de plus de temps pour absorber et analyser les choses. D’autant plus que, quand les chiffres vont bien, il n’est pas facile, ni populaire, pour les décideurs politiques de croire des modèles qui prédisent que les choses iront mal un mois plus tard.
Pas un scénario irréaliste
Lorsque les premières simulations sur l’évolution du coronavirus sont apparues pendant le confinement, il y avait déjà un deuxième pic. Les scientifiques ont utilisé des modèles de plus en plus sophistiqués au fil des ans et qui sont basés sur la façon dont les épidémies se déroulent dans différents virus. Ils tiennent également compte des caractéristiques spécifiques du coronavirus : la période d’incubation, le taux de reproduction, les mesures prises pour contenir l’épidémie et le calendrier des stratégies de déconfinement. Ces simulations originales ont maintenant été adaptées à la situation actuelle par les biostatisticiens Steven Abrams (UAntwerpen, UHasselt), Philippe Beutels (UAntwerpen) et Niel Hens (UHasselt, UAntwerpen) dit De Standaard. Ils montrent que l’image de Barbé n’est pas un scénario irréaliste. Ils confirment également l’image selon laquelle le deuxième pic entraînera davantage d’hospitalisations plutôt que moins si nous ne respectons pas les mesures de sécurité.
Une tendance mondiale
Selon son collègue biostatisticien Molenberghs, la tendance est néanmoins mondiale. « Cette augmentation rapide est conforme à ce que nous voyons dans le reste du monde », a-t-il déclaré dans De Morgen. Par exemple en Australie on a longtemps cru que la situation était sous contrôle avant que celle-ci n’explose à nouveau.
Pour endiguer la seconde vague, les biostatisticiens préconisent des confinements locaux. À l’étranger, ces « verrouillages hyperlocaux » semblent fonctionner. Un avis partagé par Molenberghs, pour qui il est important que certaines régions ou certains quartiers de Belgique soient également temporairement fermés. « C’est aux politiciens de décider exactement comment cela doit être fait, mais le plus important est que les contacts entre les personnes soient temporairement restreints afin d’éviter toute nouvelle propagation du virus ».
Pour Barbé, il est aussi important de davantage tabler sur les soins de premières lignes qui connaissent mieux leurs patients et peuvent aussi suivre ceux qui ne sont pas à l’hôpital. « C’est aussi cela qui a manqué lors de la première vague : un meilleur suivi de tous ceux qui étaient malades, mais qui n’avaient pas de symptômes assez graves que pour se rendre à l’hôpital. »
Les contacts de loisirs seraient beaucoup plus déterminants pour l’évolution de l’épidémie que les contacts par l’école. Ce qui corroborerait l’hypothèse que les enfants sont moins contagieux et transmettent donc moins le virus aux adultes que les adultes entre eux. Les chiffres supposent toutefois un scénario catastrophe. Il est tout à fait possible qu’on n’en arrive pas là si nous intervenons maintenant et si jeunes et vieux respectent les mesures telles que la distanciation sociale, le lavage des mains, le respect du nombre de contacts et le port du masque buccal.
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