Deux mois à creuser un tunnel: l’histoire de l’incroyable casse anversois
Voici un cambriolage des plus rocambolesques qui semble tout droit sorti d’un film hollywoodien. Récit d’un crime à l’ancienne, pour ne pas dire anachronique.
Deux mois à creuser pour parvenir dans la banque. C’est ce qu’il a fallu aux trois hommes pour rentrer par effraction dimanche dans une filiale de la banque BNP Paribas Fortis, à Anvers. Lorsque la police est appelée sur les lieux, les malfrats ont pris la poudre d’escampette depuis longtemps.
On ne sait avec exactitude quand les cambrioleurs ont frappé. La seule certitude, c’est que la compagnie de sécurité a donné l’alarme vers 13h30, ce dimanche. Dans la salle des coffres, derrière la porte de sécurité intacte, on a retrouvé un trou assez grand pour qu’un homme se faufile. Une fois sur place, la police ne peut que constater que plusieurs coffres ont été forcés. Nul ne connaît, pour l’instant, le montant ou la nature du butin, discrétion bancaire oblige.
Ce qui risque par contre de rester dans les annales, c’est la méthode utilisée. Tout semble indiquer que l’attaque a été minutieusement préparée depuis des mois.
Des tunnels dans les égouts
Les auteurs auraient loué, depuis fin novembre, un appartement en sous-sol situé à environ 400 mètres de la banque. Le propriétaire du lieu, Marijn Vercauteren, indique dans De Standaard que l’un des hommes « avait l’air juif et avait une (fausse ?) carte d’identité au nom de Marc Buchman ». Les hommes qui l’accompagnaient étaient présentés comme son frère et un ami. « Ils disaient venir du Moyen-Orient. Le loyer de décembre a d’ailleurs été payé par l’intermédiaire d’un compte dans un pays étranger », selon le propriétaire, qui précise que « les trois hommes étaient très chics ».
Lorsque la police débarque en force le dimanche dans l’appartement, ils ne retrouvent qu’un grand trou au milieu du salon. La terre a été entassée dans des sacs qui étaient eux-mêmes remisés dans la chambre à coucher. Les hommes ont creusé un tunnel d’environ huit mètres de long pour rejoindre le réseau d’égouts. Un réseau qui les menait au coin de la rue de la banque. Là, ils ont creusé, à l’aide de disqueuses (certains endroits des égouts disposent de l’électricité), un deuxième tunnel pour rejoindre la banque. Il se situe trois mètres sous la surface et mesure environ cinq mètres de long pour un mètre et demi de haut sur un mètre et demi de large.
Dans leur tunnel, se trouvait aussi un matelas. Il peut avoir été utilisé pour étouffer les bruits ou simplement pour s’asseoir plus confortablement pendant le travail. La terre excavée était placée dans des sacs disposés sur des planches en hauteur pour que l’eau puisse continuer à s’écouler.
Un véritable travail de titan selon les témoins. Un travail d’orfèvre, aussi. L’égout emprunté est relativement nouveau et pourtant ils savaient parfaitement où il passait. Ils connaissaient aussi l’emplacement exact de la salle des coffres. Autant d’indications montrant qu’ils n’avaient rien laissé au hasard.
L’opération aurait pourtant été assez périlleuse, selon l’ingénieur Els Liekens d’Aquafin, société flamande qui gère l’infrastructure de traitement des eaux usées. S’exprimant lundi matin sur les ondes de Radio 2, elle a indiqué que les tuyaux des égouts sont de taille très variable à cet endroit, ce qui veut dire qu’ils peuvent rapidement se remplir en cas de pluie, par exemple. Dans une telle situation, il aurait été dangereux d’y circuler, d’autant plus que des quantités dangereuses de gaz provenant des eaux usées peuvent s’y accumuler, selon elle. Le fait de creuser des tunnels depuis les égouts peut aussi causer des affaissements.
Trente coffres-forts sur mille
La salle des coffres de la banque contient entre sept cents et mille coffres forts et c’est l’une des rares banques du quartier à en proposer. On estime que vingt à trente coffres ont été vidés, tous proches les uns des autres. Le reste est apparemment resté intact. Les auteurs visaient-ils ces coffres forts en particulier ou n’ont-ils pas eu le temps d’en ouvrir d’autres ? Le mystère reste à l’heure d’écrire ces lignes entier tout comme la valeur des biens dérobés.
Les clients de l’agence indiquent ne recevoir que peu d’informations de la part de la banque. La fédération du secteur financier Febelfin a souligné que le manque d’informations ne découlait pas d’une décision de la banque, mais qu’il s’agissait de la procédure habituelle pour les assurances.
« Nous comprenons évidemment l’inquiétude des personnes qui louent un coffre dans la banque concernée. Mais cette dernière est obligée de suivre la procédure. C’est la même que celle qui s’applique en cas de vol, d’incendie ou de dégât des eaux. » Selon Febelfin, on doit d’abord déterminer quels coffres ont été forcés. La banque doit ensuite contacter tous les clients qui louent un coffre-fort afin de leur demander de déclarer sur l’honneur le contenu. Enfin, la banque prend contact avec les victimes effectives du cambriolage. »Afin de pouvoir informer sa clientèle dans les plus brefs délais, BNP Paribas Fortis a défini, en accord avec l’assureur, un périmètre restreint de coffres impactés. De ce fait, nous allons pouvoir rassurer une grande majorité des clients en leur annonçant que leur coffre se situe en dehors du périmètre touché », souligne le communiqué de l’entreprise bancaire.
Une curiosité presque anachronique
Avec l’aide des images des vidéos surveillances les enquêteurs espèrent en savoir davantage sur les auteurs qui sont toujours en cavale.
Si ce cambriolage ingénieux a tout d’un scénario hollywoodien, il semble, pour tout dire un peu démodé, en ces temps de cybercriminalité. Les braquages de banques ont connu leur apogée dans les années 1970, et en particulier avec le casse du siècle d’Albert Spaggiari à Nice (voir vidéo ci-dessous), mais c’est depuis devenu une curiosité.
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Ces dernières années, les braquages de banques n’ont pour ainsi dire plus jamais apporté de butin conséquent, de quoi plomber les motivations. Les chiffres de la fédération bancaire Febelfin le montrent bien. En 2008, il y avait encore 116 vols à main armée (ou tentatives de vol à main armée), alors qu’en 2018 on en compte à peine 2 : « Ce ne sont là que les chiffres des braquages », déclare sa porte-parole, Isabelle Marchand, dans De Morgen. « Nous ne communiquons même plus les chiffres sur les cambriolages, tant c’est marginal », explique encore Marchand. Selon Stefaan Pleysier, directeur du Leuven Institute of Criminology (LINC), toujours dans De Morgen, cela s’explique par le fait que le crime cherche toujours la voie qui lui offre le moins de résistance. « Les guichets des banques sont de plus en plus sécurisés et ont de moins en moins d’argent liquide. Ce qui explique aussi la recrudescence de l’explosion des distributeurs automatiques: 4 en 20171 contre 8 en 2018. »
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