«DéFi et le PTB à côté de la plaque, Les Engagés dans le bon»: quel parti propose la meilleure pension?
Compte pension, plan Tandem, retraite à 65 ans… Dans leur boule de cristal, les partis francophones imaginent l’avenir de votre pension après les élections. «Certains continuent de vouloir raser gratis», déplore Pierre Devolder (UCLouvain), expert du financement des pensions. Qui évalue le don de voyance des six formations, et demande aux futurs responsables d’engager une vraie réforme. «Karine Lalieux? Elle n’a fait que coller des sparadraps.»
Les pensions. Un thème abordé en long et en large au cours de la législature politique passée, mais qui se fait plus discret lors de cette presque terminée campagne électorale. Le PS, avec les mains de la ministre fédérale Karine Lalieux sur le volant des retraites, estime avoir obtenu plusieurs avancées avec sa réforme, enfin votée au printemps dernier après des mois de pourparlers. Dès le 1er juillet, les personnes en âge d’être pensionnées qui souhaitent continuer à travailler accéderont à un bonus pension. La pension minimum a été revalorisée, à hauteur de 1.640 euros net pour une carrière complète. Et les années de travail à temps partiel seront davantage prises en compte dans le calcul de la pension. Bref: «Un projet fort pour un système de pensions durable», affirment les socialistes.
“Karine Lalieux? Elle n’a fait que coller des sparadraps”
Pierre Devolder (UCLouvain)
«Ce n’est pas une réforme, contrecarre l’expert du financement des pensions Pierre Devolder (UCLouvain). Karine Lalieux? Elle n’a fait que coller des sparadraps, comme le bonus pension, qui n’est qu’un gadget. Il faut une réflexion plus profonde sur la soutenabilité du système.»
Jadis membre de la Commission de réforme des pensions 2020-2040, aujourd’hui membre du Conseil académique en matière de pensions, le chercheur, avant de juger les mesures que proposent les partis dans leurs programmes électoraux, pointe deux priorités. «Il faut arrêter de baser le système sur un âge fixe de départ à la retraite. C’est la durée des carrières que l’on doit utiliser comme critère. L’autre urgence? Permettre aux travailleurs de partir plus tôt/tard à la retraite dans des conditions réalistes. Reculer l’âge de la pension sans aménager les fins de carrières augmentera le nombre de malades de longue durée.» Un mal belge, puisqu’environ 500.000 personnes seraient dans ce cas, contre un peu moins de 300.000 citoyens au chômage.
Le Vif a présenté les mesures principales des partis francophones en matière de pension à Pierre Devolder. Résultat? «DéFi me semble être complètement à côté de la plaque, tout comme le PTB. Au contraire des Engagés – qui proposent un compte pension – et des partis qui souhaitent mieux tenir compte des durées de carrière.»
Les piliers de pension (re)vus par les partis
Pour rappel, le système de pension belge se constitue de trois piliers: celui de la pension légale, celui de la pension complémentaire et celui de l’épargne-pension. «Avec le vieillissement de la population, le coût du premier pilier risque d’exploser», alerte le fin connaisseur des pensions. Pour y remédier, Ecolo et le PS veulent tous deux renforcer la pension légale, via plus de solidarité entre les hautes et les basses pensions. Le MR, de son côté, fait du développement des pensions complémentaires sa priorité. «L’accord de gouvernement ouvrait la porte à une généralisation du second pilier. Il est temps de rendre cela obligatoire», explique le spécialiste du financement des pensions.
“Je comprends leur volonté d’économiser, mais DéFi rase gratis, et ne fait que déplacer le problème”
Pierre Devolder (UCLouvain)
Le PTB veut porter la pension minimum à 1.850 euros net. La formation marxiste souhaite que la pension légale des salariés et des indépendants atteigne progressivement «75% du salaire moyen ou du revenu professionnel». Les Engagés proposent un compte pension, afin que tous les travailleurs obtiennent une pension minimum de 1.500 euros net. Le système a justement été développé par Pierre Devolder et son collègue Jean Hindriks. Le compte pension est alimenté chaque année par un montant de pension égal au salaire brut individuel de l’année (plafonné) multiplié par un taux d’acquisition, à fixer chaque année. En cas d’inactivité, le compte est alimenté par un salaire imputé, équivalant aux périodes assimilées actuelles.
Enfin, DéFi souhaite faire passer le système de trois à deux piliers: une pension de base identique pour tous, financée par répartition, et un complément financé par une capitalisation collective obligatoire. Les amarantes désirent faire correspondre la pension minimale à un «bouclier social» de 1.300 euros net par mois. En entendant ce que proposent François De Smet et ses troupes, Pierre Devolder bondit: «Si c’est pour faire revenir notre système de pension dans le passé, allons-y. C’est beaucoup trop simpliste comme approche. Cela voudrait dire qu’on diviserait la pension des fonctionnaires quasi par deux. Si vous gagnez plus, vous avez droit à une meilleure pension du premier pilier. Je comprends leur volonté d’économiser, mais ici on rase gratis, ça ne fait que déplacer le problème.»
Aligner les pensions des salariés et indépendants sur celles des fonctionnaires?
C’était l’un des objectifs assumés de la ministre des Pensions Karine Lalieux: faire converger les pensions des salariés et indépendants vers celles des fonctionnaires. Son parti veut aligner le taux de remplacement des trois statuts. «En plus de ne pas être réaliste, une telle proposition coûte cher, commente Pierre Devolder. Les pensions des fonctionnaires sont trop élevées pour être harmonisées avec celles des deux autres régimes de travailleurs. En plus, une telle mesure aurait pour effet de relever la pension des personnes à plus hauts revenus.»
“Les pensions des fonctionnaires sont trop élevées pour être harmonisées avec celles des deux autres régimes de travailleurs”
Pierre Devolder (UCLouvain)
Le MR, en grand défenseur des indépendants, cherche à éliminer toute différence entre ces derniers et les salariés, et veut des pensions «qui récompensent le travail». Les Engagés refusent que les travailleurs indépendants reçoivent moins qu’un chômeur de longue durée.
La durée des carrières plutôt qu’un âge fixe pour la retraite
En 2025, l’âge légal de la retraite passera à 66 ans. Avant d’atteindre 67 ans cinq ans plus tard. Le rehaussement avait été entériné par le gouvernement Michel. PTB et PS sont les seuls partis qui demandent encore à reculer le curseur de la retraite à 65 ans. «Travailler jusqu’à 67 ans est injuste et irréalisable», estime la formation de gauche radicale dirigée par Raoul Hedebouw. En mai dernier, le Bureau du Plan a chiffré cette mesure présente dans le programme des marxistes. Reculer l’âge de la pension ferait – à situation inchangée – perdre 2,2 milliards d’euros de recettes à l’Etat belge d’ici 2029.
Militer pour un retour de la pension à 65 ans a quelque chose de délirant
Pierre Devolder (UCLouvain)
«Militer pour une telle mesure a quelque chose de délirant, réagit Pierre Devolder. Et de totalement irréaliste, au vu de l’allongement de l’espérance de vie. Il faut arrêter d’empoisonner le débat sur l’âge de départ à la retraite, qui n’est de toute façon pas le critère adéquat. En plus, dans la réalité, les travailleurs prennent leurs pension à 61 ou 62 ans.»
Le chercheur de l’UCLouvain salue en revanche la volonté des partis d’aménager les fins de carrière, notamment en fonction de la pénibilité des métiers. C’est d’ailleurs l’un des seuls points sur lesquels les six formations sont d’accord, même si le nombre d’années à prendre en compte avant l’accès à la pension anticipée et la définition de la pénibilité varie de l’un à l’autre. À ce titre, l’expert du financement des pensions salue le «plan Tandem» d’Ecolo, qui vise à réduire le temps de travail des travailleurs plus âgés.
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