Peloton dissous, information judiciaire ouverte contre 14 suspects : ce qu’il faut savoir du scandale au sein de l’armée belge
Un peloton du 4e bataillon de génie d’Amay a été dissous, a annoncé jeudi la ministre de la Défense, Ludivine Dedonder, au cours d’une conférence de presse aux côtés du Chef de la Défense (CHOD), Michel Hofman, et de l’inspecteur général de la Défense, Jan De Beurme. Une information judiciaire est ouverte et vise quatorze suspects, a indiqué de son côté le parquet de Liège.
Les infractions présumées demeurent imprécises à ce stade de l’affaire. La ministre a évoqué des comportements « inacceptables et déviants », des « faits graves » à caractère « structurel », des « pressions pour imposer le silence » et du « chantage ». Il ne serait toutefois pas question de faits de caractère sexuel, ni de racisme. La justice a quant à elle parlé de coups et blessures ainsi que de traitements inhumains et dégradants. Si un lien existe avec des armes et des munitions, il ne serait toutefois pas question de trafic d’armes, comme l’avançaient certains médias.
Un certain nombre de militaires ont d’ores et déjà été suspendus préventivement de leurs fonctions. Les faits concerneraient « quelques dizaines » de militaires, « pas seulement des jeunes recrues, mais aussi des militaires expérimentés », à la fois officiers, sous-officiers et volontaires, a expliqué le chef de la Défense (Chod) devant la presse. Certains sont acteurs, d’autres témoins et/ou victimes, a-t-il ajouté en évoquant un « problème structurel » au sein de ce bataillon et une dilution inquiétante des normes et des valeurs. Cette situation a justifié sa dissolution, soulignait-on à bonne source. Une décision « grave » et « probablement unique » dans l’histoire récente des forces armées belges, selon l’amiral Hofman.
Certains faits se sont déroulés durant plusieurs mois, voire années, lors de bizutages ou de rituels d’intégration, mais aussi lors d’entraînements ou en dehors des heures de service, avec parfois un rôle joué par l’alcool. Les plus anciens semblent remonter à 2021.
La ministre Dedonder mise au courant en novembre
Des enquêtes administratives interne et judiciaire sont en cours et pourraient mener à ses sanctions disciplinaires. Un certain nombre de militaires ont été suspendus à titre conservatoire. D’autres ont été mutés vers d’autres services de la Défense, a précisé Mme Dedonder (PS) sans révéler de chiffres précis. Mme Dedonder a indiqué avoir été personnellement informée en novembre dernier par des canaux externes – en fait un courriel envoyé par un membre d’une famille d’un militaire – de problèmes structurels au sein de cette sous-unité du bataillon caserné à Amay et qui regroupe différentes spécialités. Dès qu’elle a été mise au courant, elle a ordonné l’ouverture d’une enquête au chef de la Défense, qui l’a confiée à l’Inspecteur général et qui s’annonce « complexe ». Elle a également demandé que le département se porte partie lésée devant la justice.
La ministre a assuré que son département a fait tout ce qui était en son pouvoir pour soutenir les victimes.
« Dès mon entrée en fonction, j’ai indiqué qu’il n’y avait pas de place à la Défense pour des comportements déviants ou de l’extrémisme », a rappelé la ministre interrogée jeudi à la Chambre. « Force est de constater que certains ne veulent pas comprendre ».
Indignation à la Chambre
Le ton était à l’indignation à la Chambre où la ministre a été interrogée par le Vlaams Belang, les Engagés, l’Open Vld, Vooruit, le PTB, Ecolo-Groen et le PS. « Ce qui choque dans cette affaire, c’est autant la gravité des faits que leur durée, pendant des mois, voire des années« , a souligné Georges Dallemagne (Les Engagés).
Les Verts, rejoints par Vooruit et le PTB, ont réclamé la mise sur pied d’un point de contact extérieur pour permettre le signalement sans crainte de représailles. « Il est inacceptable que de tels abus soient restés sous le radar de la Défense pendant plusieurs années », a souligné Samuel Cogolati.
« C’est une véritable omerta qui a régné. Il faut que la politique du silence soit close définitivement au sein de l’armée », a demandé Christophe Lacroix (PS). Le CHOD a adressé un message à l’ensemble du personnel -militaire et civil- du département après la révélation de cette affaire.
« Bien que ces faits jettent une ombre sur l’engagement sans faille de la grande majorité de nos collaborateurs ainsi que sur notre image, ils restent heureusement des exceptions. En tant qu’organisation, nous ne pourrons jamais accepter de tels comportements ! À l’avenir aussi, je compte sur chacun d’entre vous pour condamner et dénoncer ces comportements via les canaux existants (la chaîne de commandement, les conseillers en prévention, les personnes de confiance ou les canaux de l’Inspection générale). Assumons ensemble cette responsabilité », y déclare-t-il.