A Gand, la Ville a retiré la statue de Leopold II. © belga

Déboulonnage des statues, où en est la décolonisation de nos espaces urbains ?

Un an après le débat – parfois houleux – sur les figures historiques problématiques et leur représentation dans l’espace public, où en est-on ?

La ville de Richmond en Virginie vient de descendre de son piédestal la statue du général Lee – ancien commandant sudiste et symbole raciste La ville a attendu l’aval de la cour suprême pour descendre la statue de 12 mètres qui trônait depuis 130 ans dans la ville. Alors que dans le sud des Etats-Unis ces disparitions de statue se font en toute discrétion, le gouverneur du l’Etat a souhaité donner un retentissement national à ce déboulonnage. Un symbole fort donc, puisque le personnage de Lee est dénoncé comme un symbole raciste par une partie de la population.

Il y a quelques jours c’était le Mexique qui annonçait qu’une statue de Christophe Colomb serait remplacée par celle d’une femme indigène. « Ce sont précisément les femmes indigènes qui ont peut-être eu le plus grand poids dans l’histoire du Mexique et qui ont été le moins reconnues » a notamment justifié la maire de Mexico, Claudia Scheinbaum. Les autorités avaient retiré la statue de l’explorateur en octobre 2020 après la diffusion d’un appel sur les réseaux sociaux visant à la faire tomber, en « hommage aux millions d’indigènes et de descendants d’Africains massacrés » après la découverte de l’Amérique.

Le Mexique n’est pas le premier pays à faire cette utilisation de son espace public. Au Danemark, en 2018, la ville de Copenhague avait érigé une statue en hommage à Mary Thomas, connue pour être la cheffe de file de la plus grande émeute ouvrière dans les Antilles danoises, ancienne colonie du pays. Le but de cette oeuvre était de « remettre en question la mémoire collective du Danemark et de la changer » avait déclaré La Vaughn Belle, la sculptrice.

Et ces exemples ne sont pas anecdotiques, de nombreuses statues à travers le monde ont été retirées. En Allemagne, les monuments en hommage à Hermann Wissmann, explorateur ayant tué un grand nombre de nombreuses personnes en Afrique, ont été enlevés. En Martinique des statues de colons ont aussi été aussi soustraites par la mairie de Fort-de-France, dont celle de l’impératrice Joséphine qui était née sur l’île. Plus récemment, la Banque d’Angleterre a retiré de ses murs les portraits de 17 de ses directeurs car ils étaient liés à l’esclavagisme.

Un an après les mouvements Black Lives Matter et leur remise en question de l’utilisation de l’espace public comme lieu de mémoire, force est de constater que le débat à fait bouger les lignes dans certains pays et villes. Ce sont maintenant les communes qui se chargent elles-mêmes de retirer les statues jugées problématiques par les citoyens.

La question en Belgique

En Belgique, ce débat a aussi mis en lumière une remise en question de certaines des figures historiques du pays, comme Léopold II. On peut constater que les manifestations qui ont suivi le mouvement BLM ont changé l’espace urbain de plusieurs villes. Notamment dans la partie flamande du pays. A Louvain par exemple, la ville a décidé de retirer une statue de l’ancien roi de la niche de son hôtel de ville. L’échevin du Patrimoine immatériel

louvaniste, Carl Devlies, expliquait « Nous prenons soin de notre passé et de notre patrimoine mais nous souhaitons les présenter dans la bonne perspective ». A Gand, le déboulonnage du buste de l’ancien roi a été décidé à la suite de la demande d’un groupe de travail qui étudie le passé colonial de la ville. A côté, à Anvers, la commune a retiré une statue de Léopold II, en juin dernier, pour la nettoyer et la restaurer. Cependant elle n’a pas été remise à se place, dans le quartier d’Ekeren.

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Pour Yasmina Zian, historienne et membre d’un groupe de réflexion sur la présence des symboles coloniaux dans l’espace public, ces changements sont le résultat « d’une visibilisation de revendications qui sont formulées depuis longtemps ». Cependant, elle souligne qu’au niveau fédéral aucune démarche allant vers un espace plus représentatif n’a été faite.

A Bruxelles, aucune statue de Léopold II n’a pour l’heure été retirée. Mais le secrétaire d’Etat chargé de l’Urbanisme et du Patrimoine à la région, Pascal Smet a créé en novembre dernier un groupe de travail chargé de proposer des éléments de réflexion quant à l’attitude à prendre par le Gouvernement sur les symboles coloniaux. « Ce qui est sûr, c’est que ces manifestations ont provoqué des débats et ont amené la constitution d’un groupe de travail. » analyse Yasmina Zian, « A travers la vulgarisation de ces recherches et de cette thématique, on peut apercevoir une appropriation de la question par un plus large public. En ce sens, le projet d’appropriation de l’espace public est réussi même s’il n’aboutit pas à une solution qui convienne à tout le monde. »

Marine Andrieu

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