Carte blanche
Cyclistes du quotidien, soyons fort.e.s. Nous sommes l’avenir
1 mars 2019, 8h23, à un feu rouge bruxellois. Des gouttes ruissellent sur mon pantalon de pluie et mes surchaussures. Il doit faire quelques degrés.
Bien placé devant une file de voitures, j’attends sagement que le feu repasse au vert. Dans cette sombre météo hivernale, je clignote comme un sapin de noël pour être le plus visible possible.
Vert. Je m’élance en essayant de garder un oeil sur toutes les voitures potentiellement dangereuses pour moi. Je rejoins la piste cyclable en face et je pousse comme un gamin sur ces pédales magiques. Je souris bêtement. Cette météo a beau être abominable, je me dis que pour rien au monde je ne voudrais retourner de l’autre côté de la ligne blanche tracée au sol, dans cette file de voitures quasiment à l’arrêt.
J’ai fait un choix. Un choix difficile, mais important. Un choix pour une mobilité différente, non polluante et active. Je veux qu’on respecte ce choix, car il n’a rien de criminel, car il n’a rien d’offensant. Et pourtant, quand je remonte sur la chaussée en l’absence de piste cyclable, le bras de fer commence. Je prends ma place, je n’hésite pas. Si je ne colle pas à droite, c’est pour éviter tout risque d’ « emportiérage » avec un distrait. Légitime non ? Pourtant je dérange, je le sens. Ça s’énerve derrière.
Cela tourne en boucle dans ma tête. Je me remémore les derniers échanges virulents sur internet avec des gens qui déversent leur rage contre ‘ces fous de cycliste, ces dangers ambulants’. Cette haine, je ne la comprends pas… Elle me révolte. Je ressasse cette pensée en boucle.
Au feu suivant, j’aperçois un autre cycliste qui, comme moi un quart d’heure plus tôt, conduit son fils à l’école, sourire aux lèvres. Nous échangeons un regard complice. J’ai envie de les serrer dans mes bras. Je reste un émotif chronique.
Voilà… j’arrive au boulot et je m’ébroue. Après m’être débarrassé de mes oripeaux cyclistes, je tombe sur ma chaise et retrouve mon pc, mon café. Il est 8h48 et j’ai déjà une petite tranche de journée derrière moi. Une activité physique légère. Un peu de stress quand même. Mais pas de CO2, ni d’embouteillage…
Petit bout de quotidien… Notre quotidien, celui des cyclistes urbains quotidiens, pionniers d’une mobilité différente dans une ville pensée quasiment exclusivement pour les voitures. Une ville où il est presque plus facile pour les travailleurs d’acquérir une voiture de société qu’un abonnement de transports en commun. Une ville qui peine lentement à offrir un salutaire espace partagé plus équitablement entre les différents moyens de transport.
Cette multitude de pensées qui m’habitent quand je roule à vélo, cette frénésie un peu angoissée, elle débouche sur cette conclusion univoque :
Amis cyclistes et aspirants cyclistes, nous devons croire au vélo à Bruxelles. Ne rien lâcher dans notre détermination.
Le vélo n’est pas un problème, mais une magnifique solution. Il constitue une réponse à une multitude de merdiers dans lequel notre ville est enlisée : saturation de tous nos axes (toutes les études le montrent), pollution de l’air, sédentarité toxique, épuisement des ressources…
Nous ne sommes pas des enfoirés de bobo utopistes… mais des offreurs de solutions.
Ne soyons pas naïfs. Bien sûr que les connards à vélo existent. Bien sûr que le civisme ne s’apprend pas automatiquement quand on monte sur une selle. Il faut éduquer. Il faut dialoguer. Respecter le Code de la route sans se l’approprier librement. En tout temps, il faut se remettre en question pour mieux respecter les autres occupeurs de l’espace public, peu importe le moyen qu’ils utilisent pour se mouvoir.
Mais non, ne nous excusons jamais d’être cyclistes.
Nous devons rester forts. Visibles. Civiques, surtout.
Prendre notre place avec fierté.
Oui nous sommes beaux dans nos sacs poubelles fluorescents.
Chaque jour plus nombreux.
Nous sommes l’avenir.
Antoine Collard, cycliste quotidien à Bruxelles
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