20150520 - BRUSSELS, BELGIUM: Minister of Mobility Jacqueline Galant pictured as this evening the RTBF French-speaking public television broadcast an intervieuw of Prime Minister Charles Michel, Wednesday 20 May 2015. BELGA PHOTO ERIC LALMAND © BELGA

Critiques de Jacqueline Galant envers la RTBF: “Une stratégie d’intimidation des journalistes”

Sylvain Anciaux

Sur X, Jacqueline Galant a critiqué une publication de la RTBF et a émis de recommandations sur la ligne éditoriale du média public. « Du jamais vu », d’autant plus pour une ministre des Médias.

C’est un petit texte publié sur X (ex-Twitter) samedi soir qui a allumé la mèche. Jacqueline Galant (MR), ministre des Médias, n’a que très peu goûté à un épisode d’une série de témoignages publiée par le média de la RTBF « Vews » où la militante antiraciste Estelle Depris expose le fait que la société est encore empreinte de biais racistes desquels aucun individu n’est imperméable. Pour la libérale, il est étonnant que le média public publie une opinion «culpabilisante, susceptible d’attiser les divisions entre les composantes de la société».

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Cette sortie de Jacqueline Galant, fraîchement nommée ministre des Médias, a fait réagir de nombreux internautes, dont Ricardo Gutierrez, secrétaire général de la Fédération européenne des journalistes. «Ce sont des choses que j’ai vues en Hongrie ou en Italie. On est dans de la provocation, la nouvelle Ministre des Médias montre qu’elle est capable de dire et de maintenir ces choses-là. C’est une stratégie d’intimidation des journalistes. […] Cela doit être une pression terrible pour les journalistes qui ont écrit l’article.»

«Pas de souvenir d’une intervention si forte»

Du côté du Boulevard Reyers, on assume avoir accueilli le tweet de la ministre sans lui donner trop d’importance, et que celui-ci ne changera rien à la manière de travailler de l’équipe éditoriale. Mais on s’étonne quand même. «On n’a pas souvenir d’une intervention si forte d’un ministre en charge des Médias sur nos choix éditoriaux», soupire un journaliste. D’autant plus que la sortie de la ministre s’inscrit dans un climat tendu. Ces derniers mois, plusieurs journalistes du service public ont désactivé leur compte X (Twitter) ou réduit leurs publications suite à des critiques incessantes et violentes sur une orientation politique qui leur est imputée. «On ne peut plus rien faire sur les réseaux sociaux. Si je tweete « bonjour » je me prends une shitstorm.» Selon une étude menée par le Conseil de l’Europe en 2017 auprès de 1.000 journalistes, la pression psychologique est d’ailleurs la première cause d’autocensure dans le milieu.

Si ni Ricardo Gutierez, ni les journalistes de la RTBF avec qui Le Vif s’est entretenu suite au tweet de Jacqueline Galant ne se sont dit inquiétés par la sortie de la ministre, il nous revient tout de même que la mise en garde de la libérale est dans les têtes, boulevard Reyers. Ce lundi encore, quelques questions se sont posées sur la visibilité à donner à l’article sur le site. A bonne source, on apprend que la publication n’aurait tout de même pas gardé une place visible sur le site de la RTBF ce lundi car il en a bénéficié tout le week-end, mais l’ombre du commentaire de Jacqueline Galant plane donc bel et bien. La RTBF assure cependant (et à raison, selon Ricardo Gutierez) avoir «fait avec cet article comme ce qu’elle aurait fait avec n’importe quel autre».

Des instances saisies

La semaine dernière pourtant, Jacqueline Galant s’était rendue dans les bureaux du média de service public pour une rencontre qui s’est si bien déroulée que la libérale avait allongé sa visite d’une heure. Ce changement de comportement laisse donc les journalistes dubitatifs, ne reconnaissant pas le style et la plume de la libérale dans son tweet de samedi soir. «On a l’impression que c’est un premier ballon d’essai d’un processus commandité par on-sait-qui», poursuit cette source interne, sous-entendant une intervention du président de parti de la ministre, Georges-Louis Bouchez. «D’autant plus que ça se fait dans un contexte d’économies et de pression interne où l’on sait que le budget de la RTBF ne sera pas indexé de la même manière», ajoute Ricardo Gutierrez.

Est-il permis, dès lors, de critiquer la presse ouvertement ? Oui, selon le secrétaire général de la Fédération européenne des Journalistes, mais en tant que citoyen, non comme ministre. «Elle peut saisir le CSA, comme tout citoyen peut le faire. Il existe des organes, utilisons-les.» C’est d’ailleurs ce que la Fédération européenne des journalistes fait en saisissant la Plateforme pour renforcer la protection du journalisme et la sécurité des journalistes» du Conseil de l’Europe. Le gouvernement belge devra se justifier dans les trois mois à venir.

Contacté, le cabinet de la ministre n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet ce lundi.

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