Crise de l’accueil : pourquoi d’autres expulsions sont inévitables
Des dizaines de personnes occupent illégalement un bâtiment fédéral. Soutenus par des associations et des membres de la société civile, les demandeurs d’asile laissés sans place d’accueil sont sur place depuis dimanche 12 mars. Avec une plainte pour intrusion déposée, ils craignent une nouvelle expulsion.
A deux pas de la gare du Nord, des policiers et policières encerclent le bâtiment qui hébergera le futur centre de crise en 2024. Depuis dimanche après-midi, des centaines de personnes occupent illégalement le rez-de-chaussée, rue Georges Matheus à Saint-Josse-ten-Noode. Parmi elles, des sans-papiers et des sans-abris, mais aussi au moins 60 demandeurs d’asile sans place d’accueil qui redoutent une quatrième expulsion en un mois.
Crise de l’accueil : des demandeurs d’asile laissés sur le carreau
D’abord, ils squattaient à la Rue des Palais. Mais après la découverte d’un corps sans vie, la commune de Schaerbeek les avaient évacués de l’appartement en leur offrant une solution d’hébergement au Crossing. Là, des centaines de demandeurs d’asile s’étaient retrouvés sur le carreau et avaient dû dormir à la rue. Leurs tentes s’étaient ajoutées au campement déjà présent devant le Petit Château, le centre d’arrivée de Fedasil, au bord du canal.
Plusieurs solutions avaient été présentées par différentes instances, dont celles des containers ou des plateformes portuaires, deux idées de Nicole de Moor, secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration (CD&V), mais aucun accord entre les différentes entités n’avait été trouvé. Après trois semaines à la rue, les demandeurs d’asile ont finalement été évacués de ce campement par la police, la plupart d’entre eux ont eu un hébergement. Mais, une fois n’est pas coutume, des dizaines n’ont pas été pris en charge. Leurs tentes et affaires avaient été saisies par la police pour destruction : elles étaient infectées pour la plupart. La soixantaine de demandeurs d’asile s’était réfugiée dans l’ancienne « Allée du Kaai », avant d’être à nouveau expulsée le vendredi 10 mars.
Le futur centre de crise, un symbole
Des activistes, notamment des membres du réseau ADES et le collectif Stop à la crise d’accueil, se sont unis pour aider ces demandeurs d’asile. Ils ont donc décidé d’occuper un bâtiment fédéral : le futur centre de crise, une action « hautement symbolique », d’après un collectif sur Instagram.
Des centaines de personnes se sont donc abritées dans le prochain centre de crise, un bâtiment en chantier, acheté par l’Etat. Les personnes sur le terrain craignaient une expulsion ou du moins, une intervention policière. Mais personne n’a été expulsé pendant la nuit. Les quelque cent personnes sur place ont fêté l’occupation en dansant.
Pendant la nuit, la police empêchait des personnes de rentrer dans le bâtiment ou d’accéder à des vivres. « Ordres de la commune », justifie la responsable de la communication de la zone. D’après elle, « les agents sont déployés pour s’assurer que tout se passe dans le calme (…), il a été décidé en fait que nous gelions la situation. Aucune décision n’a été prise de la part du propriétaire. » Dans la journée, un accord a été trouvé avec les associations. Les demandeurs d’asile ont accès à de la nourriture et d’autres biens depuis cette après-midi. La police communale n’a pas le droit de rentrer dans ce bâtiment « privé » (qui est, en fait, la propriété de l’Etat, NDLR) sans décision judiciaire, d’après Emir Kir, bourgmestre de Saint-Josse.
Un bâtiment privé mais public…
Et le propriétaire de ce bâtiment, c’est la régie des bâtiments. D’après Laurent Vrijdaghs, l’administrateur général de la régie des bâtiments : « Quand on a appris, hier soir, qu’il y avait une intrusion dans le bâtiment, la moindre des choses c’était de déposer une plainte. »
Cependant, les différentes autorités concernées ont l’air de vouloir dénouer la situation, sous l’impulsion du Bourgmestre Emir Kir. « La gestion de l’accueil est une compétence fédérale, le bien occupé appartient au Fédéral et nous voulons bien aider à sortir de l’impasse. La question du ravitaillement des personnes à l’intérieur doit être tranchée rapidement, de même que la situation des personnes qui devront en sortir et être relogées si elle entrent dans les conditions. Sans cela, c’est une chaîne sans fin que nous n’avons pas à subir« , a annoncé le Bourgmestre par communiqué de presse.
L’administrateur général de la régie des bâtiments, Laurent Vrijddaghs, explique qu’une réunion « de crise » réunissant Fedasil, le chef de corps de police de la zone Nord, la commune et Fedasil avait lieu cet après-midi à 14h pour discuter de la situation.
En parallèle, plusieurs associations, dont le Ciré et le Samusocial, ont témoigné de leur inquiétude vis-à-vis de cette situation lors d’un point presse, organisé en dernière minute. Ces ONG réclament des solutions pérennes, un plan fédéral pour gérer cette crise et trouver un logement pour ces soixante demandeurs d’asile qui squattent le bâtiment en travaux dans l’attente d’une place d’accueil. D’après Sotieta Ngo, directrice du Ciré, sans plan fédéral, ces demandeurs d’asile risquent des expulsions constantes. « S’il n’y a pas de réquisition de site, cette situation va se reproduire tous les jours » a-t-elle annoncé à Belga.
Zoé Leclercq
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