Corruption en politique : testez votre sens de l’éthique
L’agence Journalism ++ propose un jeu de rôle en ligne pour mieux comprendre les rouages de la politique et la corruption quotidienne auxquels les élus sont confrontés. Mettez-vous à leur place et testez votre sens de l’éthique.
Ces dernières semaines, les scandales se succèdent dans le monde politique : Penelopegate, Publifin, Nethys, Publipart, etc. Pour se défendre, les politiques clament qu’il ne faut pas faire d’amalgames, qu’il s’agit d’une minorité et qu’il ne faudrait pas « jeter le bébé avec l’eau du bain », comme l’a affirmé Joëlle Milquet ce matin sur les ondes de La Première.
Si ces affaires sont toutes plus choquantes les unes que les autres, et ont de quoi dégoûter les électeurs, elles ne sont pourtant pas les premières à défrayer la chronique. Est-ce la preuve qu’il faut remettre tout le système en question ?
La sortie du jeu « Le bon, la brute et le comptable » arrive donc à point nommé. « Cèderez-vous à la tentation de la corruption ? », interrogent les concepteurs. Le but étant de montrer que la corruption est bel et bien présente dans nos sociétés démocratiques.
Il s’agit d’un jeu de rôle dans lequel vous êtes la directrice de cabinet du maire d’une grande ville. Votre mission : équilibrer éthique, politique et corruption pour tenter de conserver votre job. Précision importante, tous les exemples du jeu sont tirés de faits réels (documentation à l’appui).
Première partie : 100 % clean
Nous lançons donc le jeu, avec pour objectif de rester honnête dans le but de servir au mieux les intérêts des citoyens. La partie commence en 1993, lorsque nous nous faisons engager par la maire de la ville qui nous avertit déjà que certains pensent que la ville est corrompue, mais que c’est faux. « Soyez prudente », nous prévient-elle quand même.
Ensuite arrive le premier avertissement : il ne faut pas froisser les amis du maire. Les propositions de pot-de-vin et d’arrangement illégaux s’enchaînent, mais nous restons de marbre. L’éthique avant tout. Cependant, nos jauges des « risques politiques » et de « méfiance des industriels » grimpent rapidement. Néanmoins, nous ne prenons aucun risque légal et nos gains (illégaux) sont nuls.
Notre avocate nous propose également de créer une société à notre nom. Nous refusons catégoriquement. On ne mélange pas fonction publique et société privée.
Les chantiers s’enchaînent dans la ville, mais même en tentant de rester honnête en choisissant les meilleures offres, des enveloppes atterrissent sur notre bureau… Nous jouons le jeu de la corruption malgré nous. L’aventure s’arrête en 2004, à cause d’un industriel, ami du maire, duquel nous avons refusé plusieurs pots-de-vin. La maire nous mute aux Parcs et Jardins. Nous avons amassé 2000 euros en 11 ans.
Deuxième partie : jouons le jeu
Lors de la deuxième partie, nous décidons de prendre notre revanche et de tenter d’amasser un maximum d’argent sur le dos du contribuable. Nous choisissons donc de faire plaisir aux amis du maire lorsqu’ils font des appels d’offres pour des chantiers de la ville. Ils ont monté un cartel pour que cela reste discret (raison pour laquelle nous avions participé, malgré nous, à leurs magouilles dans la première partie). Nous touchons notre part de ce montage illégal.
Premier cadeau, une BMW flambant neuve. Ce n’est pas très discret, nous avertit notre avocate. Nous acceptons divers bakchichs. Notre jauge du « risque légal » augment ostensiblement, mais nos gains aussi : déjà 20.000 euros en à peine 3 ans.
Avec l’aide de notre avocate, nous créons une société-écran aux Seychelles. C’est plus discret. On nous propose une carte de crédit, mais nous n’en ferons rien. C’est trop risqué. La maire approuve notre décision, elle ne veut pas de scandale.
Les années suivantes, nous rénovons une rue qui n’existe pas, nous réaménageons notre bureau avec des produits de luxe… Nos gains atteignent déjà 171.000 euros.
Nous continuons le jeu de la corruption et au bout de 20 ans, bingo ! Nous recevons une proposition de job très alléchante de la part du secteur privé. En attendant, nous avons engrangé 166.000 euros dans la fonction publique de manière frauduleuse.
Grâce à ce jeu, l’agence Journalism ++ montre à quel point les politiques sont confrontés au quotidien à la corruption. « Politiques et administratifs cherchent toujours à minimiser les affaires de corruption pour en faire des cas isolés », explique Nicolas Kayser-Bril, une des trois personnes à l’origine du jeu, au journal Le Monde. « Or, dès qu’on met le nez dedans, on s’aperçoit qu’il ne s’agit jamais de cas isolés, mais bien de systèmes qui sont mis en place, soit au niveau d’un territoire, soit au niveau d’un service au sein d’une organisation. »
À vous de tenter de jouer…
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