« Le racisme reste du racisme »: les excuses de Conner Rousseau critiquées, Unia s’empare du dossier
De nombreuses personnalités politiques, y compris sein de Vooruit, ont réagi aux excuses présentées jeudi soir par Conner Rousseau pour ses propos « racistes », tenus début septembre sous l’influence de l’alcool. Vendredi, Unia s’est emparée du dossier.
Le président de Vooruit, Conner Rousseau, a présenté ses excuses pour les propos qu’il a tenus début septembre à des policiers de Sint-Niklaas alors qu’il avait trop bu.
Je suis un peu effrayé par moi-même. C’était une faute et je veux m’en excuser« , a-t-il déclaré au cours d’une conférence de presse tenue dans un café de la cité de Flandre orientale après son audition par la police judiciaire fédérale de Gand. Ces déclarations dans la nuit du 1er au 2 septembre ont donné lieu à l’ouverture d’une enquête judiciaire. Elles seraient de nature raciste envers la communauté Rom. Une accusation dont s’est défendu le socialiste flamand devant les médias.
Conner Rousseau n’a pas voulu donner le détail de ses dires mais a assuré que la discussion s’est déroulée dans une « ambiance amicale ». Il a expliqué avoir exprimé la frustration des habitants de son quartier devant « des intimidations, des nuisances et des dépôts d’immondice ». Il a néanmoins reconnu qu’il a incité les policiers à se servir de leur matraque contre des Roms pour leur apprendre le respect.
« Je rejette cette déclaration, même si c’est celle d’une personne ivre et que c’était pour rire. Il est clair sur les images (de la bodycam des policiers, ndlr) qu’il s’agissait de divagations d’une personne bourrée. Mais je prends mes distances avec ces propos car ils ont à mille lieues de ce que je suis« , a-t-il dit.
A entendre M. Rousseau, il ne peut être question de racisme dans son chef. Son parcours politique et les combats qu’il a menés pour l’égalité des droits en attestent: « Cela ne correspond pas avec ce que je suis. Toute ma vie, je me suis investi en faveur des jeunes, des gens vulnérables, je me suis battu pour l’égalité des droits et des chances, et je continuerai à le faire ».
« Pas de circonstances atténuantes »
« Le racisme reste du racisme. Il n’existe pas de circonstances atténuantes pour cela », a réagi, sur le réseau social X (ex-Twitter), la co-présidente de Groen, Nadia Naji.
Même son de cloche du côté de la ministre du Climat Zakia Khattabi (Ecolo), qui, sur le même réseau social, s’offusque de la défense de M. Rousseau. « Et donc on nous explique qu’un contexte peut servir de circonstances atténuantes à de tels propos: ‘Tu ferais mieux d’utiliser ta matraque plus souvent. C’est le seul moyen de gagner leur respect (celui des Roms, ndlr)’. Sérieusement, toutes les digues ont définitivement rompu ?! », s’interroge-t-elle, ajoutant que « parfois la solution (ici la ligne de défense) est pire que le problème ».
La ministre des Afffaires étrangères Hadja Lahbib (MR) a aussi taclé le président de Vooruit en rappelant que « le racisme pour rire, c’est du racisme. Le racisme ivre, c’est du racisme. Le racisme après excuses reste du racisme », dans un message posté en soirée sur cette plateforme.
Le président de Vooruit a saisi il y a quelques jours la justice en référé pour empêcher HLN et VTM de diffuser un article et un reportage reprenant des extraits du procès verbal de l’incident. Il a obtenu gain de cause, s’attirant de vives critiques, notamment de l’association flamande des journalistes. Il s’est justifié jeudi: à ses yeux, il n’était pas correct que toute la Flandre soit mise au courant de ce qu’on lui reprochait avant qu’il ait pu consulter le PV et voir les images de la police. « Dans ce pays, il y a trop d’allégations et de fausses accusations« , a-t-il affirmé. Il n’a pas porté plainte contre les fuites mais il se pose toutefois des questions, en particulier sur les onze jours qui ont suivi l’incident et la rédaction du procès-verbal.
Het Laatste Nieuws a, de son côté, profité des explications de M. Rousseau pour publier jeudi soir en ligne un article comprenant des informations issues du PV. Bien que l’interdiction de publication ne soit pas levée, le média considère qu’il peut désormais diffuser ses informations étant donné que le président de Vooruit a pu consulter le procès-verbal, a communiqué dessus et a pu donner sa version des faits.
Ce n’est pas la première fois que le comportement du socialiste flamand lui vaut des ennuis avec la justice. Jusqu’à présent, les dossiers ont été classés sans suite. M. Rousseau espère tourner la page mais entend continuer à se rendre dans les cafés. « L’équilibre est difficile à trouver là-dedans mais je veux rester moi-même et je serai un président sobre », a-t-il encore dit.
Conner Rousseau également critiqué au sein de son parti
Conner Rousseau conserve le soutien de la direction du parti mais plusieurs socialistes flamands se montrent particulièrement critiques. La cheffe de groupe au Parlement flamand, Hannelore Goeman, qualifie les propos du président de « terribles et complètement faux », écrit-elle sur le réseau X (ex-Twitter). « Cela ne doit plus jamais se produire », ajoute-t-elle. La secrétaire d’État bruxelloise Ans Persoons s’est également dite « choquée« .
L’échevine Vooruit à la Ville de Gand Astrid De Bruycker a, elle, indiqué que les excuses constituaient « une première étape importante » mais qu’il était désormais nécessaire de « restaurer la confiance », notamment envers la communauté rom concernée par les propos de Conner Rousseau.
« Ces déclarations sont fausses, en toutes circonstances. Point« , a de son côté réagi le député fédéral Joris Vandenbroucke, également sur X. « Et beaucoup sont en colère et déçus de cela. Cela a également été dit au bureau du parti. C’est pourquoi nous nous attendions à des excuses sincères qui sont arrivées hier. »
La députée européenne Kathleen Van Brempt a également qualifié les déclarations de son président de « fausses et indéfendables, dans quel contexte que ce soit ». « Les excuses ne sont qu’une première étape. La lutte contre la discrimination, le racisme et l’exploitation est dans l’ADN de notre mouvement. Nous devons le prouver chaque jour. En paroles et en actions », a ajouté l’eurodéputée.
Unia se saisit du dossier
Unia, l’ancien centre interfédéral pour l’égalité des chances, s’est saisi du dossier relatif aux propos racistes tenus par Conner Rousseau.
S’ils sont confirmés, ils peuvent tomber sous le coup de la loi Moureaux contre le racisme, a estimé le directeur d’Unia, Patrick Charlier, vendredi matin sur les ondes de La Première. « Si ces propos ont effectivement été tenus, il s’agit pour nous d’un exemple assez clair d’une incitation à la discrimination voire à la violence, puisqu’il est question d’usage de matraque, à l’égard d’une personne ou d’un groupe en raison de leur origine ou de leur ascendance », a-t-il dit.
Selon le directeur d’Unia, il reviendra à l’enquête de déterminer si ces propos sont punissables; « ce n’est pas à Conner Rousseau – qui se défend de tout racisme, NDLR – d’en décider ».
Une discussion « en toute sérénité » avec la communauté Rom
Le président de Vooruit Conner Rousseau aura prochainement une discussion « en toute sérénité » avec la communauté Rom. L’information divulguée par Het Laatste Nieuws a été confirmée vendredi par le parti socialiste flamand.
Le porte-parole de la communauté Rom à Saint-Nicolas (Sint-Niklaas), Imer Kajtazi, a déjà indiqué qu’elle acceptait les excuses de Conner Rousseau, à la condition qu’elles lui soient directement adressées. Le président de parti a présenté jeudi soir ses excuses pour des propos racistes tenus envers la communauté Rom début septembre à des policiers, soulignant qu’il avait alors consommé trop d’alcool.