Florence Hainaut

Confiné.e.s, épisode 4

Florence Hainaut Journaliste

Vous n’avez aucun avis sur la 5G. Vous ne faites pas de pain. Ni de masque en tissu, d’ailleurs, vous ne savez pas coudre. Vous avez la nette impression de passer à côté de votre confinement. La dernière fois que vous avez été si déprimé.e c’était en regardant la cérémonie des Magritte.

Tout le monde semble s’être reconverti en virologue, infectiologue ou épidémiologiste. Des gens qui, hier, connaissaient à peine la différence entre abscisse et ordonnée partagent compulsivement des courbes comparatives des morts, ventilées par pays. Ça vous rassure qu’ils se penchent sur le sujet car ça vous exonère de lire tout ce qu’Internet produit de solutions-miracles : le temps venu, il y aura toujours bien un mécanicien auto ou un comptable pour vous expliquer comment vous administrer votre chloroquine.

Le reste de la population se lance visiblement dans la boulangerie-pâtisserie. Impossible de trouver de la farine ou du beurre au supermarché. Les gens errent comme des âmes en peine dans les rayons en marmonnant « levure« , les yeux dans le vide. Votre fil Facebook est rempli de pains.

On pensait tous que si on devait mourir demain on ferait l’amour et du vélo les cheveux dans le vent. Finalement on fait du levain et on s’engueule sur Twitter sur le nombre de victimes.

Vous réalisez soudainement que dans ce contexte si particulier, vous ne servez à rien. Vous ne savez ni faire du feu, ni décrypter le morse. Vous fouillez la bibliothèque pour retrouver votre vieux « Copain des bois« . Vous vous endormez dessus.

Vous faites un rêve érotique avec Marius Gilbert. Il vous mordille le lobe de l’oreille en susurrant « FFP2« . Vous éclatez d’un rire cristallin, il happe vos postillons en jappant. Vous vous réveillez en sueur. Vous prenez votre température.

Dans le groupe Whatsapp que vous avez créé avec vos amis, votre pote qui vous a fait des cuisses de grenouille le mois dernier trouve que c’est barbare du manger du pangolin. Déjà que vous avez bloqué les parents d’élèves et votre amie d’enfance qui vous a invité.e à une séance de méditation collective nocturne afin d’éradiquer le Covid-19 et la 5G, vous prenez sur vous et vous ne dites rien. C’est le dernier lieu où vous avez un semblant de vie sociale.

Pour vous calmer, vous faites du pain avec un reste de poudre de châtaignes et le fond d’un vieux paquet de farine périmée depuis 2011 dont vous enlevez discrètement deux blattes lyophilisées. Vos enfants le trouvent mauvais. Vous leur dites de mettre du ketchup dessus. Oui, et du Nesquik aussi, s’ils veulent.

Plus le temps passe, plus vous trouvez que les fruits de vos entrailles agissent comme des adultes bourrés, mais en miniature. Un sondage de la Ligue des familles vous apprend que 8 parents sur 10 n’arrivent pas à bien télétravailler en cette période. Vous soupçonnez les 2 autres d’être pédiatres. Ou sourds. Ou admirateurs de Xavier Dupont de Ligonnès. Vous vous servez un gin tonic dans un mug, ils seraient encore capables de vous dépeindre comme une vieille éponge dans la rédaction post confinement qu’on leur demandera très certainement un jour. Vous appelez votre fille par le prénom du chien. Ça lui va pas mal, Farfouille, notons. Vous vous endormez sur le fauteuil.

Vous faites un rêve érotique avec Didier Raoult. Il vous enfonce des cotons-tiges dans les narines en vous demandant d’un air coquin si vous avez été vilain.e. Vous vous réveillez en vous demandant de quoi cette redistribution des hiérarchies érotiques est le signe. Vous en faites un statut Facebook. Emmanuel André le like.

Vos enfants se hurlent dessus, mais heureusement vous vous êtes acheté.é un casque anti-bruit avec ce qui reste de leur compte épargne. L’appartement sent le poney. Vous réalisez qu’ils ne se sont pas lavés depuis trois jours. Vous les aspergez de Febreze. Ça devient un peu long, non ?

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