Nicolas Baygert
Communales : l’Anvers du décor
Pari gagné. La N-VA, emmenée par son svelte président, dispose désormais d’un véritable fief symbolique. Un ancrage local presque devenu passage obligé dans la carrière de tout élu de premier plan. Épiphénomène ?
C’est ce qu’estima à chaud, ce dimanche 14 octobre 2012, Elio Di Rupo, (p)résident socialiste empêché à Mons, reconnaissant le succès des nationalistes, mais ne percevant pas de lien entre les élections locales et fédérales. Le générateur de réponses automatiques, propre à la « langue de coton » du Premier ministre (1), semblait pourtant quelque peu enrayé le soir des élections communales, illustrant cette absence de répartie caractéristique de la classe politique francophone face aux exigences dewéveriennes, perçues ici comme « hors-sujet ». Des politiques néanmoins visiblement décontenancés par l’armada jaune et noire sur qui toutes les caméras étaient braquées. Non sans raison.
Bart De Wever fut en effet le seul à développer une « histoire » pendant cette campagne : un scrutin local, certes, mais à dimension (con)fédérale. Tandis que d’autres furent occupés à inonder les réseaux de clips promotionnels décalés, « la machine à fabriquer des histoires et à formater les esprits » (2) de la N-VA veilla à garder le cap, avec le succès que l’on sait. « Le changement commence demain », stipule le nouveau slogan de la N-VA. Or, face au storytelling nationaliste, côté francophone, qu’a-t-on pu observer ?
La parole cadenassée propre au style Di Rupo semble avoir rejailli sur ces communales. Laboratoire de publicité politique 2.0 plutôt qu’agora politique. « Comm » léchée plutôt que débat d’idées, quoi de plus dirupien ?
Les nouvelles technologies ont en effet donné lieu à une spectacularisation et une « pipolisation » accrue du scrutin local, avec zéro contenu à la clé. Un flux ininterrompu de vidéos et de photoshopages ratés qui rendit toute discussion programmatique inaudible. Camisole du LOL pour tous, les médias ne tardant pas à mettre en exergue l’humour des candidats, qui n’eurent de cesse de repousser les limites du bon goût. Des médias qui préférèrent également traiter de l’épineuse question des bourgmestres empêchés et des rapports de force entre les quatre principales formations.
Et là où les arrangements entre partis s’avèrent politiquement déterminants (60 % d’accords pré-électoraux), le degré d’engagement civique demeure – lui – peu élevé. On notera quelques légères percées conjoncturelles du PTB ou du PP ci et là, mais pas de déferlante pirate comme à Berlin, pas de vague verte ou de Mélenchon belge et, dans l’ensemble, peu d’alternance politique autre que découlant d’une implosion de majorité ; la cuisine interne des partis, toujours.
Comme à L’Ecole des fans de Jacques Martin, tout le monde a plus ou moins gagné. Aucune leçon ne sera dès lors à tirer d’une élection confinée à sa dimension locale. Dans cet intermède pacifié, le thermomètre démocratique est resté au placard. Le Premier est, lui, redevenu simple citoyen montois en campagne.
Ainsi l’on peut ne pas suivre De Wever dans la nationalisation des enjeux du scrutin, mais force est de constater que, face au vide sidéral politique, portées par des conteurs talentueux, les bonnes histoires finissent toujours par s’imposer.
(1) La langue de coton illustre l’aspect flou, redondant, « ouateux » d’un argument. Cf. F.-B. Huyghe, La Langue de coton, Paris : R. Laffont, 1991.
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