Communales 2018 : Linkebeek en transition démocratique
Lutte fratricide, majorité éclatée, nouveau venu qui s’invite dans le débat… Il n’y aura pas d’union francophone à Linkebeek. Mais trois listes concurrentes qui pourraient bien conduire à bouleverser la gestion future de la commune.
Avec ses 4 700 habitants, Linkebeek est la plus petite commune de la périphérie… mais celle qui fait le plus parler d’elle depuis douze ans. Pas pour sa gestion, mais pour ses problèmes communautaires. En 2006, le FDF Damien Thiéry s’était vu refuser la nomination comme bourgmestre de Linkebeek par la tutelle flamande. Motif : le non- respect de l’interprétation flamande des lois linguistiques pour l’envoi des convocations électorales aux francophones, qui représentent près de 90 % des habitants de cette commune à facilités.
Le carrousel. En 2012, la Liste du bourgmestre obtient près de 80 % des voix et son chef de file le score écrasant de 1 232 voix de préférence sur un total de 2 925 votes exprimés. Mais sa nomination sera à nouveau refusée trois fois sous le même prétexte. Passé entre-temps au MR et devenu député fédéral en 2014, Damien Thiéry n’a jamais ceint l’écharpe mayorale. Cela ne l’a pas empêché de diriger sa commune avec sa majorité soudée derrière lui, comme président du conseil et premier échevin, en charge des finances. Jusqu’à ce que cette belle unité vole en éclats voici quelques semaines…
Passons sur les péripéties qui ont renvoyé les Linkebeekois aux urnes en 2015, après la vaine tentative de la ministre N-VA de l’Intérieur Liesbeth Homans de nommer un bourgmestre néerlandophone. De guerre lasse, la majorité francophone a consenti à proposer l’échevin Yves Ghequière au poste de mayeur – à son tour recalé pour avoir laissé s’exprimer deux élus en français au conseil. Il faudra attendre juillet 2017 pour dégager un compromis, avec la nomination de l’échevine Valérie Geeurickx.
Enfin, l’apaisement ? La population, en tout cas, croyait pouvoir souffler. » Nous étions nombreux à espérer voir nos élus s’occuper enfin de la commune au lieu de s’épuiser dans de vaines guéguerres communautaires « , exprime un habitant. Las ! La trêve n’a pas duré longtemps. Mais cette fois, ce n’est pas la N-VA qui a rallumé la mèche, ni les extrémistes du TAK, coutumier des incursions dans la commune. Les Flamands n’y sont pour rien, les francophones n’ont pas eu besoin d’eux pour s’entre-déchirer.
Le schisme. Quoiqu’indirectement, peut-être… » Ce n’est pas la raison officielle, nous dit un élu. Mais le fait que Damien Thiéry soit passé chez les réformateurs, alliés de la NV-A au fédéral, n’y est certainement pas étranger. Beaucoup pensent que le MR n’est plus capable d’incarner la défense des francophones en périphérie. Personne ne doute du fait que si les nationalistes flamands rempilent en 2019, ils remettront les facilités en cause. Le MR pourra-t-il – ou voudra-t-il – encore les en empêcher ? » Dans le même ordre d’idées, le récent refus de Thiéry de permettre au conseil de voter une motion contre les visites domiciliaires imposées par Theo Francken a choqué ses plus proches alliés.
Toujours est-il que, comme l’a révélé Le Vif/l’Express, une majorité d’élus LB (13 sur 20, CPAS compris) a décidé de le lâcher pour présenter une liste dissidente aux prochaines communales. Exit, l’union des francophones ! » Je préfère parler de liste alternative, modère Yves Ghequière, qui la conduira. Nous ne sommes pas contre Damien mais nous ne supportons plus sa gestion autoritaire et ce n’est pas faute de le lui répéter depuis des mois. Nous lui avons proposé de rester unis pour autant qu’il ne soit plus tête de liste. Il a refusé. » L’intéressé hurle à la » trahison « , au » coup de poignard dans le dos « , invoque des » rancoeurs personnelles « . Yves Ghequière était un ami proche et l’un des autres frondeurs n’est autre que son frère Philippe, président du CPAS depuis 2001. Leur brouille date de la décision du conseil communal de réduire la dotation au CPAS depuis 2014 alors que celui-ci estimait avoir besoin de moyens supplémentaires pour faire face à de nouveaux besoins sociaux.
» Je dirige ma commune comme une PME, avec la rigueur et l’efficacité indispensables pour ne pas devoir augmenter les recettes, donc les impôts tous les trois ans « , se défend l’un. » Il faut choisir ses priorités et nous estimons que le social mérite plus « , rétorquent les autres. En toile de fond, la fusion administrative des CPAS (avec l’administration communale) dans les communes à facilités, voulue par la Flandre à partir de 2019, mettra fin à leur autonomie financière. Pour Philippe Thiéry, candidat à sa propre succession et que certains considèrent comme le premier instigateur de la fronde, c’est synonyme d’une perte quasi totale d’indépendance…
Officiellement, c’est pourtant la gestion de la commune qui a provoqué la rupture. Damien Thiéry reproche au collège une certaine légèreté, sinon de l’incompétence. » Il aurait pu prendre de la hauteur et respecter la fonction de bourgmestre alors que Valérie Geeurickx n’est qu’une marionnette à ses yeux, regrette Yves Ghequière. Le collège ne fonctionne plus, il n’y a aucun dialogue et la confiance est rompue. Pire, le conseil s’apparente à un tribunal pour certains… » Pour la bourgmestre, c’est devenu » l’enfer au conseil communal » !
La surprise. Deux listes francophones se feront donc face le 14 octobre. Celle que Damien Thiéry s’emploie à constituer en comptant ses amis, et celle des frondeurs conduite par Yves Ghesquière à la commune et Philippe Thiéry au CPAS. Valérie Geeurickx et le le troisième échevin Pasquale Nardone sont à leurs côtés avec des candidats de tous les partis, MR compris. Et elle est officiellement soutenue par DéFI.
Et l’opposition flamande ? C’est la surprise du chef : elle s’apprête à rejoindre une liste bilingue en cours de constitution par un traiteur francophone du cru, inconnu en politique, mais qui croit dur comme fer en ses chances de provoquer une véritable alternance à Linkebeek. Avec un programme axé » sur le développement économique de la commune et le respect de toutes les minorités « , résume son chef de file Mitra De Kempeneer. Rik Otten, l’un des deux élus flamands actuels, nous a confirmé son intention d’appeler ses concitoyens à soutenir cette liste qui se cherche encore un nom. Il ne devrait donc plus y avoir de liste 100 % flamande à Linkebeek.
L’enjeu. Trois listes concurrentes pour moins de 3 000 électeurs, avec des échevins élus directs dans les communes à facilités, cela risque de forcer les ennemis d’aujourd’hui à s’entendre demain, avec peut-être un nouveau venu en position d’arbitre. Pas sûr que cela aide à faire avancer les dossiers qui restent en rade mais que les uns ou les autres désignent comme prioritaires. Comme la création d’une maison des jeunes, le réaménagement de la place du village et le développement de ses commerces, la mobilité et la sécurité, le développement durable et la participation citoyenne, le social et l’accueil des migrants… Et la défense des francophones ? » Ce n’est pas le monopole de Damien Thiéry « , martèlent ses concurrents.
Résultats 2012
LB 79,1 % (13 sièges)
PROLINK 20,9 % (2 sièges)
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici