Emmanuel Gervy
Commentaires et conséquences
Suite à la décision du Vif de fermer les commentaires sur ses pages, je voulais apporter une petite pierre au débat avec le point de vue du lecteur que je suis.
Je me souviens du film « Les ailes du désir » qui racontait l’histoire d’anges qui écoutent nos pensées et nous réconfortent mais ne ressentent rien, ni joie ni peine. Probablement pour ne pas souffrir de ce qui se passe dans nos têtes.
Aujourd’hui nous sommes comme ces anges, nous entendons sans cesse les pensées de nos concitoyens : les commentaires sont trop souvent les pensées brutes de leurs auteurs, sans filtre. Pour beaucoup d’intervenants, écrire un commentaire c’est « écrire ce que je pense comme je le pense ». Parfois pour le meilleur, souvent pour le pire.
Mais contrairement aux anges du film, nous, lecteurs, ressentons des émotions. Ces commentaires nous infligent quotidiennement une grosse dose de médiocrité humaine. Les anges n’en souffrent pas, nous oui !
N’en déplaise aux extrémistes de la liberté d’expression qui exigent de pouvoir afficher leurs pensées partout, même sur les murs des autres, beaucoup de lecteurs aimeraient voir leurs médias libérés de ces zones de commentaires. Zones où on s’exprime mais ne communique pas, où on assène mais n’écoute pas, où on détruit souvent, construit rarement.
Ces lieux où tout changement d’avis, toute excuse et toute humilité semblent impossibles. Ces lieux qui permettent de diminuer les autres pour se sentir plus grand, et de vider la frustration dont on ne sait que faire.
Ces lieux où on ne cherche surtout pas à connaître l’autre, réduit à quelques pixels. Où on lui répond sans connaître son contexte personnel. On suppose et on fait des procès d’intention.
Alors oui, peut-être qu’à la source du problème il y a un peu de ceci : « Individualisme, narcissisme et consumérisme se substituent à l’engagement, à l’intérêt général et aux idéaux ». (Lydia Guirous)
Mais au final, quelle qu’en soit la cause, la mauvaise ambiance des commentaires fait souffrir tout le monde. Et donc, les déplacer ailleurs qu’en pleine page des médias est une bonne décision. Il y a plein d’autres endroits plus appropriés pour cela.
Et puis, il y a une autre conséquence possible à la médiocrité dans les commentaires. Plus drôle celle-là. On parle beaucoup d’intelligence artificielle ces derniers temps mais il faut savoir qu’en fait d’intelligence, c’est surtout d’apprentissage automatique qu’il s’agit. Et il faut d’énormes quantités de données pour alimenter ces algorithmes qui apprennent à nous imiter. Des acteurs comme Facebook ou Google qui stockent toutes nos interactions sont évidemment avantagés.
L’intelligence artificielle en cours de développement par Facebook par exemple est « éduquée » sur base de ses données : nos likes, nos discussions, nos commentaires écrits sous les articles des médias via Facebook, etc. Et donc, à force de laisser trop de place à la médiocrité, on va se retrouver avec des intelligences artificielles à cette image. Vous imaginez le résultat ?
Bon, je l’avoue, je me fiche un peu de Facebook, c’est leur problème. Mais tout de même, pour ça et surtout pour le bien-être commun, comportons-nous en adultes responsables. Montrons le meilleur de l’Homme, pas le pire. S’il vous plaît.
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