Comment un licenciement peut vous mettre sur le droit chemin
Après un licenciement, se traiter de looser ou vouer son patron aux gémonies ne vous fera pas progresser. Un jour, il faudra retourner postuler et « alors il vaut mieux savoir quel job est fait pour vous », déclare Rilla Lysens, auteur du livre « Hoera, ontslag ! »
Fin 2015, la filiale louvaniste du fabricant de pastilles de menthe Frisk annonce une procédure de licenciements collectifs. Responsable RH, Rilla Lysens est chargée du licenciement et de l’accompagnement de ses collègues et perd elle aussi son emploi. Après cette expérience violente, elle décide d’écrire un livre pour montrer qu’un licenciement peut aussi marquer le début d’un bouleversement positif.
Elle a également saisi l’opportunité pour lancer son entreprise. Baptisée Bloom Coaching & Development, elle s’associe avec Make me Fly!, une organisation qui souhaite donner plus de plaisir de travail aux gens.
Vous écrivez: en cas de licenciement collectif, les gens ne réagissent pas comme on pourrait s’y attendre
Rilla Lysens: Je pensais que les gens seraient tristes et en colère. Mais juste après l’annonce, beaucoup d’employés étaient dans une phase de négation. Ils partaient du principe que tout n’était pas perdu, que les syndicats négocieraient. La prise de conscience n’a eu lieu que plus tard. Ensuite, j’ai vu toutes les phases connues : colère, stress, chagrin.
Avant, vous aviez déjà dû licencier du monde. Votre approche a changé quand vous avez perdu votre emploi ?
Oui, je comprends encore davantage la gamme d’émotions qui l’accompagnent. Perdre son job, c’est vraiment merdique. Souvent, un licenciement entraîne des problèmes financiers et des tensions dans le couple, ce qui augmente encore le stress. Même si j’avais un salaire d’appoint comme coach, ça a été très dur. J’essayais d’être rationnelle, mais je n’ai pas dormi pendant des nuits entières. J’étais très déçue et stressée. Chez moi, je me sentais vide. Je ne pouvais pas supporter grand-chose, de la part mes enfants non plus. Après un licenciement, il n’y a plus rien qui vous donne encore de l’énergie. C’est comme si on vous avait rangé avec les déchets. Mes collègues ont perdu leur réseau social. Ceux qui avaient des difficultés chez eux perdaient le havre de paix qu’était le travail. Certains ont dû mal à reprendre le fil de leur vie.
Et la honte de ne pas donner satisfaction ? C’est aussi un sentiment qui touche beaucoup de gens ?
C’est un sentiment qui joue moins pour les licenciements collectifs, mais au cours de mon coaching de carrière, j’ai vu des gens qui n’osaient pas dire à leurs amis qu’ils avaient été licenciés. Un homme a fait croire à sa femme pendant une semaine qu’il allait travailler, alors qu’il allait boire du café toute la journée. Il a dû rassembler son courage pour le raconter, car il était aussi le seul soutien de la famille.
Cette honte n’est pas nécessaire. Je souhaite aider les gens à changer leur regard. Un licenciement est l’occasion d’apprendre pourquoi on ne fonctionne pas dans une certaine culture ou pourquoi certaines tâches vous conviennent moins. L’art, c’est de découvrir ce qui fonctionne pour vous. Et ce n’est pas facile. Certaines personnes ont travaillé des années dans un environnement toxique et ont perdu toute leur assurance. Elles ne savent plus qui elles sont, ce qu’elles représentent et ignorent quelles sont leurs qualités.
Y a-t-il des gens qui ont plus de mal à accepter un licenciement que d’autres ?
Cela dépend fort. Il y a des gens qui cherchent la cause tout à fait en dehors d’eux. Ils prétendent que l’entreprise est corrompue, que le patron est un imbécile ou que ce sont les collègues qui gâchent tout. D’autres cherchent la cause de leur échec en eux. Ils se sentent plus visés et étudient leur propre responsabilité. Pour eux, le licenciement est plus dur, mais ils en sortent grandis, car ils y réfléchissent plus. En revanche, ceux qui cherchent la raison de leur licenciement en dehors d’eux-mêmes grandissent moins. Après, ils se heurtent au même problème, et quand ils sont à nouveau licenciés, le chef est à nouveau un imbécile.
Mais parfois c’est de la faute du patron ou des collègues?
Certainement, mais pour en sortir plus fort, c’est le juste milieu : il y a toujours des facteurs externes, mais il faut également oser s’interroger sur son apport. Sinon, on ne progresse pas.
Vous écrivez que c’est une condition pour transformer le licenciement en quelque chose de positif. Mais chacun en est-il capable ?
Non, il faut prendre suffisamment de temps pour laisser décanter la nouvelle. C’est un processus très émotionnel. Après, vous avez le choix. Soit vous restez fâché et amer et vous allez postuler du bout des lèvres parce que vous partez du principe que c’est pareil partout. Soit vous acceptez ce licenciement, vous faites de l’introspection et vous essayez de découvrir quel emploi et quelle culture d’entreprise vous conviennent. Quand vous allez postuler, il est important de savoir qui vous êtes et ce que vous représentez. Des études ont montré qu’un candidat ne doit correspondre qu’à 60% de l’offre de l’emploi pour être engagé. Les 40% restants dépendent de votre attitude, de votre motivation et de qui vous êtes.
Manifestement, très peu de gens connaissent leurs qualités intrinsèques. Pourquoi ?
Nous n’avons jamais appris à analyser nos qualités intrinsèques. Lors d’un entretien d’embauche, on énumère souvent trois points appris par coeur adaptés à l’offre d’emploi, mais sans y avoir vraiment réfléchi. Ces qualités intrinsèques sont votre « ADN » : votre attitude naturelle quotidienne. Des traits de caractère qui sont tellement évidents que vous ne les remarquez même plus. C’est comme quelqu’un qui est poli et ponctuel et trouve ça normal – jusqu’à ce qu’il soit confronté à quelqu’un qui est toujours en retard ou qui communique brutalement. Si vous connaissez votre propre « ADN », vous pouvez éviter les conflits au travail, mais aussi chercher un emploi plus adéquat. Beaucoup de gens ont un emploi qui leur demande de se plier dans tous les sens. Tôt ou tard, ils s’en mordront les doigts.
Mieux vaut faire un plan pour sa vie que de s’intégrer dans le plan d’un autre. Vous trouvez qu’on n’y réfléchit pas assez.
Une fois qu’on a terminé ses études, on cherche un emploi qui correspond à son diplôme. Après on court, sans réfléchir à la destination. Pourquoi planifier ses vacances jusque dans les moindres détails, et pas sa vie? Souvent, on ne s’y arrête que quand quelque chose ne va pas – en cas de licenciement, de maladie ou de divorce. Pourquoi ne nous demandons pas plus tôt si cet emploi correspond bien à nos valeurs ? Je vois tant de gens choisir un emploi parce qu’il correspond à leurs études ou parce qu’ils veulent une grande villa, mais qui entre-temps crèvent de misère. Ils ont un diplôme de master, mais rêvent de tenir un café.
À quoi faut-il se fier quand on choisit un emploi ?
Il faut se fier à soi, car aujourd’hui c’est la seule certitude qui vous reste. Sur le marché du travail, rien n’est sûr, tout change. Même à l’état. Il faut se recycler en permanence, rester flexible. Et surtout se connaître. Je suis convaincue que quelqu’un de flexible et prêt à se recycler n’aura pas trop de mal à trouver un emploi.
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