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Comment Namur s’est imposée comme smart city
Depuis une dizaine d’années, Namur mise sur les technologies de l’information et de la communication. Pour son bourgmestre et les nombreux acteurs impliqués, cette stratégie ne consiste pas seulement à installer des outils technologiques dans la capitale wallonne, mais à y créer attractivité, retombées économiques et cohésion.
On connaît de Namur sa citadelle, son centre historique ou ses événements culturels comme le Fiff (Festival international du film francophone) et ses Fêtes de Wallonie. Beaucoup, même parmi ses citoyens, ignorent en revanche que la capitale wallonne a acquis une renommée et une expertise internationales en tant que smart city.
Namur fait par exemple partie des villes fondatrices du Réseau francophone numérique avec Bordeaux, Montréal et Québec. Elle a également signé un protocole d’entente avec la ville indonésienne de Bandung pour collaborer sur des projets dans divers domaines, dont ceux de la ville intelligente et des technologies. La cité mosane accueille aussi chaque année le Kikk, un festival des cultures digitales internationalement reconnu, et de nombreux étudiants sortant des filières infographiques de la haute école Albert Jacquard sont rapidement embauchés à l’étranger, tant l’établissement est renommé dans ce domaine…
On ressent une volonté de plus en plus importante des citoyens d’être acteurs de leur ville.
Tout cela n’est pas le fruit du hasard. A côté des initiatives privées ou associatives, les autorités locales développent en effet depuis 2012 une stratégie visant à faire de Namur une ville intelligente. On en doit l’initiative au bourgmestre Maxime Prévot (CDH) qui, par son parcours académique et son passé professionnel, avoue avoir toujours eu une sensibilité par rapport aux enjeux des développements technologiques. Transformer Namur en smart city était cependant moins une envie personnelle qu’un véritable projet stratégique pour positionner et développer la capitale wallonne. « Ma réflexion est notamment partie du fait que, contrairement à d’autres villes, Namur n’a pas un lourd passé industriel, explique Maxime Prévot. Son défi n’est donc pas celui de la reconversion des friches. Par contre, nous avons sur notre territoire un écosystème très dense orienté sur les nouvelles technologies et on doit pouvoir capitaliser dessus pour être une locomotive du développement socio-économique de la Région. »
Namur a ainsi pour avantage d’accueillir sur son territoire l’Agence wallonne du digital, de multiples entreprises ou écoles actives dans les nouvelles technologies et reconnues internationalement. Au niveau académique, c’est le cas de la haute école Albert Jacquard et de l’UNamur qui compte des centres de recherche, propose des formations et des services orientés vers les TIC (technologies de l’information et de la communication) et l’innovation.
En choisissant de jouer la carte de la ville intelligente, Maxime Prévot a donc vu pour la capitale wallonne « une opportunité de positionnement stratégique, de retombées économiques locales et de motif à mobiliser les forces pour retravailler la cohésion du territoire ».
Des moyens au service des citoyens
Afin de devenir une ville plus intelligente, Namur s’est notamment dotée d’un guichet en ligne pour réaliser diverses démarches administratives, de réseaux wifi dans divers lieux publics, d’une plateforme OpenData ou encore d’un système de transport intelligent. Selon Maxime Prévot, ces éléments plus palpables sont nécessaires, sinon « on s’enferme dans de la rhétorique qui ne permet pas aux citoyens de mesurer l’intérêt de notre approche ».
Le bourgmestre estime toutefois que « la technologie ne peut jamais être une finalité » et que, « paradoxalement, si le concept de smart city commence à être de mieux en mieux compris par les citoyens, il est déjà un peu désuet pour celles et ceux qui évoluent dans le développement de l’intelligence des territoires. On parle plus aujourd’hui de villes reliantes, de villes sensibles où l’enjeu de cohésion territoriale et de cohésion sociale s’appuient sur les moyens technologiques. Je continue malgré tout à parler de smart city car il a fallu des années pour que les citoyens ne rejettent pas le concept et mesurent l’intérêt de faire ce virage technologique destiné notamment à accroître les services à la collectivité. »
Une manière de repenser la gouvernance
Des acteurs comme le Bureau économique de la Province (BEP) se sont rapidement alignés et associés à cette philosophie. « Nous considérons que le digital est important, mais aussi qu’il est nécessaire de le penser d’une certaine manière, souligne Renaud Degueldre, directeur général du BEP. Nous avons choisi d’envisager la smart city comme une manière de repenser la gouvernance via l’accélération que permet le digital dans l’interactivité citoyenne. On ressent une volonté de plus en plus importante des citoyens d’être acteurs de leur ville et de son développement. Le digital est un moyen positif de les y associer, plutôt par exemple que de les laisser subir au travers des réseaux sociaux. »
Nous sommes désireux de nous inscrire dans des démarches et réseaux internationaux.
Couvrant tout le territoire de la province de Namur, le BEP accompagne les communes de son territoire pour les aider à installer cette approche de la ville intelligente. Il s’est notamment associé à la Ville de Namur et à l’université pour l’élaboration et la réalisation du portefeuille de projets Namur Innovative City Lab. Celui-ci rassemble diverses actions visant à positionner Namur comme une ville intelligente et son inscription dans le cadre de l’appel à projets Feder 2014-2020 lui a permis de recevoir plusieurs dizaines de millions d’euros de subsides régionaux et européens – du jamais-vu dans la capitale wallonne.
« Avec ce positionnement, l’idée est de montrer que Namur n’est pas qu’une capitale administrative, mais aussi un lieu d’évolution de la gouvernance, où il y a de la connectivité entre les grands acteurs qui composent le territoire, déclare Renaud Degueldre. Le but était aussi d’attirer des entreprises, des acteurs culturels, des événements qui pensent de cette façon. Bref, jouer de l’attraction à ce niveau. Et c’est plutôt réussi : dans ces milieux, Namur n’est plus perçue comme une belle endormie mais comme une ville où il y a de l’animation, qui bouge. »
Prendre le pas de l’intelligence artificielle
En devenant conceptrice ou alliée des initiatives innovantes sur son territoire, Namur a réussi en quelques années à atteindre plusieurs objectifs de son positionnement comme ville intelligente. « On a pu développer notre territoire au gré d’opportunités en misant sur cette thématique, et l’écosystème académique et économique a pu se densifier de manière vertueuse », analyse Maxime Prévot. Il reste cependant d’autres défis à relever, et pour lesquels l’approche smart city et les nouvelles technologies devraient apporter des solutions. C’est le cas du traitement des déchets, du développement de la filière du réemploi, du vieillissement de la population. Un parc d’activités dédié à cette dernière thématique va d’ailleurs voir le jour prochainement à Bouge et le pôle santé de la ville sera impliqué dans les projets en lien.
Les autorités locales ont aussi la volonté de consolider sur leur territoire une expertise et des activités dans le domaine de la vidéo, afin que les talents formés par la haute école Albert Jacquart puissent exercer à Namur et soient moins incités à s’expatrier. Enfin, Maxime Prévot souhaite que sa ville s’inscrive dans le tournant de l’intelligence artificielle, mais se veut réaliste : « Namur seule ne pourra pas travailler de manière isolée dans le cadre d’une thématique aussi importante. Par contre, nous sommes désireux de nous inscrire dans des démarches et réseaux internationaux. »
Un outil OpenData très complet
Dans le cadre de sa stratégie de ville intelligente, Namur a lancé en 2018 une plateforme OpenData innovante en Wallonie. Cet outil en ligne rassemble d’innombrables informations en libre accès sous forme de cartes, statistiques et données brutes. Les renseignements disponibles concernent des thèmes aussi variés que le sport, la culture, l’urbanisme, l’éducation, l’environnement, la santé… Une mine d’informations pour beaucoup d’acteurs, qu’ils soient simples citoyens ou professionnels. « C’est un outil qui permet à chacun d’être dûment informé ou, s’il le veut, de croiser des données pour recréer de nouveaux services ou des plus-values », relève Maxime Prévot.
On peut par exemple consulter sur la plateforme les chiffres namurois du Covid-19, les aménagements cyclables de la ville, les limites de ses localités, les emplacements des bulles à verre ou même d’anciennes photos géolocalisées. La Ville a aussi réalisé une thermographie aérienne de l’ensemble de son territoire et l’a modélisée en 3D. Celle-ci permet aux citoyens d’obtenir une indication de l’état d’isolation de leur toiture, mais aussi d’évaluer les opportunités d’installation de panneaux photovoltaïques.
L’outil est en évolution constante. Cette année, il intégrera l’inventaire complet des trente cimetières namurois avec la localisation des concessions, la nature de la tombe ou encore l’état d’entretien. Certaines informations seront accessibles au public et d’autres serviront à améliorer la gestion des cimetières.
Par Marie-Eve Rebs.
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