Comment l’idée des visites aux maisons de repos est devenue un problème politique
Ce devait être une petite idée surprise pleine d’humanité. Cela s’est transformé en piège pour la Première ministre, attaquée de toutes parts par ceux qui sont censés la soutenir.
Ce devait être une petit idée pleine d’humanité en cette période sombre, l’une des seules surprises, au fond, de la communication faite par la Première ministre Sophie Wilmès (MR) à l’issue du Conseil national de sécurité, mercredi soir. Permettre des visites très limitées de la famille (une personne, désignée à l’avance) aux personnes âgées laissées à leur sort dans des maisons de repos devenues des mouroirs avec la crise du coronavirus, qui aurait pu s’y opposer? Pourtant, celle-ci est revenue comme un boomerang au visage du gouvernement fédéral.
Le secteur a émis immédiatement des craintes. Le CD&V a coincé à l’échelon flamand, alors qu’il avait pourtant approuvé la mesure au fédéral et son président, Joachim Coens Coens, a été contraint d’intervenir : « Cette mesure fédérale doit être lue comme la création d’une possibilité, c’est une ouverture humaine, mais pas encore praticable ». Mais dans la foulée, le CDH s’est lui aussi cabré à vitesses variables, son président, par ailleurs bourgmestre de Namur, interdisant même les visites aux maisons de repos dans sa ville. Et la ministre wallonne de la Santé Christie Morreale (PS) de ponctuer : « Nous devons travailler avec le secteur. Notre volonté, pour le moment, c’est de poursuivre le testing. Puis de mener une concertation avec les acteurs de terrain pour définir les modalités concrètes permettant la reprise de ces visites. » Bref, les visites ne seront pas pour demain!
Sous le feu des critiques à la Chambre, la Première ministre s’est défendue : « Le Conseil National de Sécurité a pris cette mesure en accord avec les Ministres-Présidents des Régions et des Communautés. Tous ont marqué leur accord sur cette proposition. » Puis elle a annoncé l’organisation d’un Comité de concertation, vendredi, pour tenter d’accorder les violons entre le fédéral et les entités fédérées. En attendant, la petite idée est devenue révélatrice de ces soutiens qui s’affaiblissent au fur et à mesure de la crise.
Un débat fiévreux à la Chambre
Les oreilles dela Première ont bourdonné en séance plénière, y compris et surtout de la part des paris qui soutiennent le gouvernement de l’extérieur. Catherine Fonck (CDH) : « Tous les Belges ont compris que dès lundi ils pourront aller voir leurs parents. Ce sont les maisons de repos qui vont devoir refuser. Je trouve cela terrible. Vous avez convoqué un Comité de concertation, il faut trouver des solutions. Votre gouvernement doit davantage écouter le terrain. »
Patrick Prévot (PS) : « Je comprends ce souci d’humanité mais j’ai été inondé d’appels de soignants, de directeurs, de familles. Ouvrir les maisons aux visites dans ces conditions, c’est ouvrir la boîte de Pandore. Depuis ce matin, les téléphones n’arrêtent pas de sonner dans les institutions. Ce sont des familles qui s’inquiètent des conséquences. Certes, c’est difficile. J’ai des proches en maisons de repos, parce que je les aime, je n’irai pas les visiter. Il faut faire confiance au personnel soignant. La première étape, c’est le testing massif. La deuxième, c’est la concertation. J’espère que vous pourrez revenir sur cette décision, cela vous grandirait, je sais que vous en êtes capable. »
Georges Gilkinet (Ecolo) : « Les visites autorisées dans les maisons de repos sont positives pour le moral des résident·es, mais nous partageons aussi l’incompréhension de celles et ceux qui sont épuisés et qui manquent entre autres toujours de matériel. Ce débat nous montre la nécessité de concertation avec les acteurs concernés et aussi qu’ils ont besoin de temps pour s’adapter, comme pour prévoir les modalités pour ces visites. Le matériel et le testing sont les deux priorités absolues pour les maisons de repos. C’est l’avis des soignant·es et c’est aussi le nôtre. Et je pense que dans la séquence, le Conseil National de Sécurité l’a oublié ; Cette lutte contre le coronavirus, elle se poursuit comme un marathon. Pour réuussir un marathon, il faut de la méthode. »
N’en jetez plus. Florence Reuter, députée MR et bourgmestre de Waterloo, est intervenue pour arrêter le massacre : « Je regrette cette récupération politique d’une crise sanitaire sans précédent. Il est normal que l’on s’adapte. Pour les maisons de repos, comment comprendre que des militaires ou des volontaires puissent y venir et pas des membres de la famille. Il faut faire preuve de bon sens. Ce qu’a fait le gouvernement. » Mais la bronca est repartie pour un tour…
Seule, une fois n’est pas coutume, la… N-VA adopté un ton plus mesuré, dans le chef de son pourtant très cynique chef de groupe, Peter De Roover. : « Votre décision est une bonne intention. Pour les personnes dans les maisons de repos, la solitude est totale ; C’est un problème humain, pas un problème politique. Si vous cherchez des solutions, je vous soutiens. Mais vous avez peut-être mal communiqué. Il faut que les institutions puissent le faire dans les circonstances correctes. »
Comme elle l’avait fait le matin à la radio, la Première ministre aura glissé au cours de sa réponse : « Un gouvernement qui a, en son sein, une majorité parlementaire, est nécessaire. » On comprend mieux pourquoi. Et ce pourrait être révélateur de mouvements politiques dans un futur proche.
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