Peter Mertens
Comment la N-VA est devenue un parti de la classe supérieure
Qu’il s’agisse de politique intérieure, de politique européenne ou de négociations autour de l’accord de libre échange transatlantique (TTIP), c’est à un rythme accéléré que Bart De Wever a fait de son parti, qu’il dit populaire, un parti de la classe ultra supérieure. Il pourrait avoir l’honnêteté de le reconnaître.
Le 23 mai dernier, dans L’Echo, Bart De Wever racontait : « Aujourd’hui, nous approchons de l’heure de vérité pour ceux qui disent qu’ils veulent surtout faire contribuer les riches. Car la vraie question est : comment ? Je vous l’affirme : il n’y a pas de réponse à cette question. Et j’irai même plus loin : toute proposition qui fera contribuer le 1 % des plus riches sera appuyée par la N-VA. Sans réserve et avec enthousiasme. Seulement, je ne les ai jamais vues, ces propositions, car elles n’existent pas. »
Voilà de bien grands mots prononcés par le Premier ministre de l’ombre. Je peux comprendre que le président de la N-VA ait oublié notre entretien du 28 mai 2014. De Wever était alors informateur, et c’est dans ce cadre qu’il avait reçu le PTB. Je lui ai donc expliqué que le PTB mettait fortement l’accent sur la taxe des millionnaires. En effet, il y a exactement un an, nous présentions notre dossier fiscal et expliquions que nous voulions une taxe des millionnaires qui ne s’adresserait qu’aux 2 % des plus riches, et précisément pas la classe moyenne. C’est aussi l’une des grandes différences avec toutes les autres propositions d’impôt sur les bénéfices de la fortune, qui concernerait entre 10 et 15 % de la population.
La N-VA soutiendra-t-elle la proposition de loi en faveur de la taxe des millionnaires ?
Il se peut que le Premier ministre de l’ombre ait oublié notre entretien. L’homme remplit déjà tellement de fonctions. Le fait reste toutefois qu’il existe une proposition étayée, élaborée de manière scientifique et qui ne touche que les super-riches. C’est nécessaire, et c’est logique. La crise des finances publiques n’est, en effet, pas due au fait que les citoyens auraient puisé trop d’argent dans les caisses de l’État ; le problème se situe bien davantage dans les cotisations plus que minimes payées par la couche supérieure de la finance, celle qui a justement profité le plus de la crise. Et donc, comme le dit De Wever, l’heure de vérité approche. Nos spécialistes fiscaux ont élaboré une proposition en faveur de l’application concrète de la taxe des millionnaires dans notre pays. Les députés fédéraux Marco Van Hees et Raoul Hedebouw introduiront la proposition de loi pour le PTB. Nous pouvons donc espérer que la N-VA soutiendra cette proposition de loi « sans réserve et avec enthousiasme ». Nous prenons le président de la N-VA au mot.
Parti du peuple ou parti de la classe supérieure ?
Une autre possibilité est que le bourgmestre d’Anvers connaisse bien la proposition de taxe des millionnaires, mais qu’il soit plutôt préoccupé, en tant que stratège, de faire passer les seules finalités de ce gouvernement. Que, pour lui, il ne s’agisse que de faire entrer le message suivant dans les têtes des citoyens : « Nous voulons bien faire payer les super-riches, mais ce n’est tout simplement pas possible. » Cette position viendrait bien à point pour le Premier ministre de l’ombre, car la critique affirmant que la N-VA se mue de plus en plus vite d’un parti populaire en un parti élitiste se fait entendre de plus en plus fort. Et c’est une image qui ennuie très fortement les nationalistes flamands. En effet, lors de la soirée électorale du 25 mai 2014, Bart De Wever n’avait-il pas proclamé que la N-VA était « le parti même du peuple » de la Flandre ?
Avec sa politique dénuée d’inspiration, le parti autoproclamé du peuple a bien vite dû affronter une énorme dynamique venue d’en bas. Une vague de résistance sociale a submergé le pays, avec les syndicats comme épine dorsale. Et on a assisté à une collaboration sans précédent de plus d’un millier d’organisations sociales du monde associatif, réunies au sein du mouvement citoyen Hart boven Hart / Tout Autre Chose. Le 14 décembre, Bart De Wever déclarait dans l’émission de la VRT De Zevende Dag : « Ils veulent créer l’image que mon parti serait celui du 1%, de ces super-riches qui échappent à tout. Cette image n’est pas juste. Nous faisons ce qu’il est nécessaire de faire. » Le Premier ministre de l’ombre annonçait alors une grande campagne médiatique et, fin avril de cette année, celle-ci sortait ses « helfies » (contraction de « helpen », aider, et « selfie ». La main est le symbole du progrès, dans cette campagne). Coût de l’opération : 1 million d’euros de l’argent du contribuable, pour venir clamer que la N-VA n’est pas le parti de la classe supérieure, mais bien « le moteur du progrès » (sic).
Une politique du deux poids deux mesures
Entre-temps, les dizaines de milliers de mains des citoyens sont effectivement devenues les « helfies » de la nouvelle politique gouvernementale. La paume tendue, ils paient cette crise. Depuis la femme qui travaille à temps partiel et qui perd son allocation de chômage de 240 euros aux parents pour qui la crèche va être bien plus chère, en passant par la famille qui, en vingt ans, perdra 34 000 euros à cause du saut d’index.
Au même moment, l’État perd des milliards d’euros qui vont dans les poches des familles belges les plus riches, des holdings et entreprises qui, via l’optimalisation fiscale, échappent à l’impôt au Luxembourg et en Suisse. Les dossiers « leaks » se succèdent, mais la volonté de s’y attaquer fermement brille par son absence. En revanche, on redouble d’efficacité lorsqu’il s’agit de contrôler la consommation d’électricité des chômeurs – histoire de traquer l’éventuel cohabitant non déclaré. Le mois dernier, le juge d’instruction Michel Claise, l’un des principaux magistrats de notre pays, mettait le doigt sur la plaie : « Il est incompréhensible qu’on veuille sanctionner des chômeurs par des amendes qu’ils ne peuvent pas payer, alors qu’on ne met même pas un seul programme en place pour combattre la grande criminalité fiscale. » Et, donc, la N-VA n’arrive pas à se libérer de cette image de parti-du-1-%…
Il y aura un tax-shift ; puis, il y aura peut-être un tax-shift ; enfin, il n’y aura pas de tax-shift du tout
Le 6 novembre 2014, quelque 120 000 personnes défilaient dans les rues de Bruxelles pour réclamer une politique budgétaire équitable. L’un des revendications clés était l’instauration d’un impôt sur les fortunes, un tax-shift équitable des épaules des travailleurs vers celles des super-nantis. En décembre, le gouvernement se retranchait encore derrière l’introduction d’un minuscule impôt sur les fortunes. Ensuite, l’idée était reportée au contrôle budgétaire de mars et, fin mai, Michel Delbaere, de l’organisation patronale Voka, faisait savoir au quotidien Le Soir qu’en ce qui le concernait, un tax-shift n’était pas nécessaire…
Il n’y a pas que l’absence d’un impôt sur les fortunes qui peut compter sur la grande satisfaction du Voka. Les autres mesures gouvernementales contentent également l’organisation patronale. « Au moins douze des dix-sept revendications principales du Voka ont été reprises dans l’accord du gouvernement flamand. Et huit des principales revendications du Voka ont été entièrement ou partiellement reprises dans l’accord du gouvernement fédéral », se réjouit le Voka dans son magazine de ce mois-ci. A l’inverse, le président de la CSC Marc Leemans l’expliquait fin avril dans l’hebdomadaire Humo : « Le saut d’index. Le relèvement de l’âge de la pension. Le détricotage des droits sociaux. L’érosion de la sécurité sociale. Oui, ce gouvernement persévère dans l’horreur sociale. Pour les travailleurs, sa politique signifie une régression substantielle. Et cela n’a rien d’un discours équilibré affirmant que les avantages et les inconvénients seront équitablement répartis, car, en contrepartie, il n’y a rien. » Le moins qu’on puisse dire, c’est que les recommandations des autres partenaires sociaux de ce pays, en l’occurrence la CSC et la FGTB, n’ont pas pu compter sur le même accueil de la part de ce gouvernement. Ainsi, la N-VA est-elle devenue de plus en plus un parti du Voka, et non plus du peuple, et ce ne sont pas ses « helfies » à un million d’euros qui y changeront quoi que ce soit.
La taxe « Carats » et la taxe « Caïman » taillées à la mesure des fraudeurs fiscaux
Comme alternative au tax-shift, le nouveau gouvernement a tenté de faire passer la taxe Caïman et la taxe Carats pour des formes de taxes imposées aux riches. « Il existe une sorte de perception qu’il y a une caste qui ne paie rien. C’est un problème de perception, et non pas la réalité. Nous prenons des mesures comme la taxe Caïman et comme la taxe bancaire », clamait Bart De Wever le 11 décembre à l’émission Terzake. Le rideau de fumée ainsi jeté par le Premier ministre de l’ombre se levait toutefois rapidement puisque, dans les faits, les deux impôts n’étaient rien d’autre qu’une formule bon marché pour couvrir la grande fraude fiscale. Devant la Commission des Finances de la Chambre, les professeurs Michel Maus (VUB) et Denis-Emnanuel Philippe (ULg) ont qualifié la taxe Caïman de « mesure pour rien ». Les contribuables qui paient une taxe Caïman ne peuvent en effet plus faire ensuite l’objet de contrôles fiscaux supplémentaires. Lorsqu’ils ont payé une fois un impôt modeste sur une partie de leurs avoirs, ils échappent du coup à de possibles contrôles supplémentaires. Voilà qui ressemble de façon suspecte à une amnistie fiscale décrétée d’avance.
C’est la même chose pour la taxe Diamant, ou taxe Carats qui, soulignons-le, a été concoctée à la demande du secteur diamantaire lui-même. Les sociétés diamantaires ne seraient plus imposées sur leurs bénéfices, mais sur base d’un 0,55 % forfaitaire de leur volume d’affaires. En d’autres termes, la taxe Carats aboutirait à une exemption définitive qui ferait que les contrôleurs fiscaux ne pourraient plus aller fourrer leur nez dans toutes sortes de formes de fraude fiscale ou d’activités potentiellement délictueuses (ne pensons qu’au dossier Omega Diamonds). Après la critique du Conseil d’État, le gouvernement a toutefois dû battre en retraite : provisoirement, il n’y aura pas de taxe Carats. Reste que l’opération est claire : au lieu de mettre en place un tax-shift s’adressant à l’élite financière, ce gouvernement s’affaire bien davantage à créer un tax-shift à la mesure des diamantaires et des fraudeurs fiscaux.
Courir aussi vite que possible derrière Wolfgang Schäuble
Que, dans notre pays, la N-VA opte pour une politique issue de la cuisine du Voka et des importants groupes financiers est une chose. Une autre chose est de savoir si, au niveau européen, là où tout se joue vraiment, le parti est partisan d’une autre politique. En son temps, sur le marché des transferts de la politique, la N-VA avait racheté Johan Van Overtveldt à l’hebdomadaire économique Trends. « Mon choix est dans une certaine mesure un pari, avait déclaré Van Overtveldt à l’époque. Car je ne connais en fait les milieux politiques que depuis la ligne de touche. » C’est cependant depuis cette même ligne de touche que le rédacteur en chef de Trends a été parachuté d’un coup au poste de ministre des Finances. Et, à peine six mois plus tard, le nouveau venu en politique faisait donc également partie de l’Eurogroupe, le cercle restreint qui réunit les ministres des Finances. Quand, cinq ans après la faillite de Lehman Brothers, la zone euro elle-même se cramponne à sa stérile politique d’austérité, Van Overtveldt s’efforce, quant à lui, de courir aussi vite que possible derrière les basques de Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des Finances. « Si nous abondons maintenant dans le sens des revendications de la Grèce, d’autres pays ne se sentiront plus non plus tenus de respecter les accords », a expliqué notre ministre des Finances à De Zevende Dag (7 juin 2015). « La Grèce doit s’en tenir au programme convenu. Il est impensable que, tout d’un coup, nous choisissions une autre voie », a poursuivi Van Overtveldt à la VRT. Et de conclure : « Nous restons disposés à négocier, mais dans le cadre du programme, comme c’était précédemment convenu. »
« Nous sommes disposés à négocier, mais uniquement s’il y a un accord à propos de notre programme »
Pour le ministre Van Overtveldt, l’univers politique se résume aux directives contraignantes du Memorandum of Understanding de la Troïka, fixé tel une enclume au cou du pays de la mer Égée et qui a fait plonger l’économie grecque dans une récession dénuée de toute perspective. Interdit de penser en dehors de cet univers-là. Au bout du rouleau, entre amères humiliations et colère toujours plus grande, les Grecs ont, avec l’élection de Syriza, crié « stop » à la politique de la Commission et des marchés, des banques et du FMI.
L’Union européenne et les ministres des Finances auraient pu tirer parti de ce signal démocratique pour adapter quelque peu la très dure politique d’austérité de l’Europe. C’est le contraire qui s’est produit. L’Union s’est figée dans une sorte de crispation, et c’est en tant que Monsieur Loyal de cette crispation que notre ministre est passé ce 7 juin sur la chaîne nationale néerlandophone, pour asséner que, si on mettait fin à l’étranglement de la Grèce, il n’y aurait plus aucune limite. Effectivement, si c’était le cas, il serait enfin possible de penser en dehors de la pensée politique existante, il pourrait y avoir à nouveau de l’espace pour une politique sociale et écologique, et le gouvernement grec pourrait enfin appliquer le programme pour lequel il a été élu.
Ici aussi, ce sont les intérêts des tout gros lobbys de Francfort, Paris et Bruxelles qui priment. Pas question de concéder le moindre espace démocratique, et un peuple qui indique que les paramètres imposés ne sont plus supportables sur le plan économique, social et humanitaire se voit ravir sa souveraineté. L’époque où, au nom de la Volksunie, la députée européenne au caractère bien trempé Nelly Maes déchaînait ses foudres au Parlement européen contre ce type de politique européenne néo-aristocratique semble définitivement révolue pour la N-VA. Les nationalistes flamands ont adapté leur gabarit à la trajectoire néolibérale dominante. Ce qui tombe en dehors de la « normalité » bien balisée est carrément rejeté comme « populiste » ou « d’extrême gauche ». Ce qui, par contre, sort du bac à sable de la politique d’austérité est encensé avec des qualificatifs comme « raisonnable », « intelligent », « de bon sens »…
Le lion flamand a limé ses crocs : désormais, la norme, c’est le TTIP
« Ce soir, nous écrivons l’histoire d’une Flandre qui marche la tête haute, d’une Flandre qui, consciente d’elle-même, choisit son propre avenir », a déclaré Bart De Wever dans son discours de victoire, le soir du 25 mai 2014. Au Parlement européen, après quelques hésitations, les nationalistes flamands n’ont pas opté pour la fraction des régionalistes européens (EVA), mais pour la fraction ultra-conservatrice et euro-critique ECR (Conservateurs et réformistes européens) du Premier ministre britannique David Cameron. La Flandre marcherait tête haute et ses députés européens devraient faire en sorte qu’il en soit ainsi.
Il s’avérera rapidement que, selon la N-VA, la Flandre ne peut pas marcher toute seule, et l’Union européenne encore moins. Selon Sander Loones, député européen et vice-président de la N-VA, l’Union européenne a besoin d’un déambulateur. Et ce déambulateur, c’est l’Accord de libre échange transatlantique, mieux connu sous son abréviation TTIP. De la « Flandre consciente d’elle-même », il n’est plus du tout question. Les intérêts européens, et ceux de la Flandre aussi, doivent être associés aux intérêts américains. Il fut un temps où ce genre de position proaméricaine aurait suscité de nombreux grincements de dents au sein du mouvement flamand. Mais voilà, même le lion flamand a limé ses crocs et, désormais, la norme, c’est le TTIP, tout le reste n’étant plus qu' »alarmisme de gauche » (sic).
Avec le TTIP, l’Union européenne va ouvrir la porte du poulailler aux renards
Entre-temps, près de deux millions d’Européens ont signé la pétition citoyenne qui demande l’arrêt du mandat européen dans les négociations. Cela n’empêche pas la N-VA de continuer à s’efforcer de balayer de la table les préoccupations justifiées des citoyens, agriculteurs et autres Européens qui se demandent ce qu’on est en train de leur mijoter en coulisse. Non non, il ne se passe rien du tout, affirme le parti, dans un dossier qui souffre de l’omerta de ses gestionnaires. « Le TTIP ne touche pas au service public dans l’enseignement ou dans les soins de santé, le principe européen de précaution reste entier, et personne ne doit craindre que la viande aux hormones ou les poulets au chlore n’envahissent bientôt notre marché européen », affirmait Sander Loones la semaine dernière dans un communiqué de presse.
Ce discours a cependant déjà été infirmé des dizaines de fois. La semaine dernière encore, une tribune très intéressante de Sacha Dierckx, du groupe d’études progressiste Poliargus, expliquait dans De Standaard : « La Commission prétend que l’accord offre la possibilité de donner le ton au niveau mondial pour aller vers des normes élevées. Il est toutefois extrêmement improbable que les États-Unis adaptent leurs normes aux réglementations européennes. Il ressort de documents rendus publics que l’on n’a même pas tenté d’obtenir une harmonisation vers les normes les plus élevées. Comment, dans ce cas, le TTIP pourrait aboutir à une « règle d’or » mondiale sur le plan de l’environnement, de la sécurité alimentaire, de la sécurité au travail et de la protection des consommateurs… est une grande énigme. »
Le TTIP aura sans doute aussi des conséquences sur les conditions de salaire et de travail de notre pays et de l’Union européenne, dont les travailleurs vont désormais entrer en concurrence directe avec « les travailleurs américains qui, souvent, ont des syndicats moins puissants, moins de conventions collectives de travail, moins de protection sociale et un salaire minimum légal bien plus bas ». Avec le TTIP, l’Union européenne va ouvrir la porte du poulailler au renard. C’est une décision politique. On peut affirmer à coup sûr que, d’ici quelques années, cette décision sera annoncée comme « une loi naturelle », comme une sorte de mesure sacro-sainte contre laquelle il n’y aura rien à faire. Nous avons connu les mêmes effets pervers lorsque le secteur financier a été libéralisé. Aujourd’hui, nous pouvons encore empêcher le TTIP.
La N-VA choisit sans gêne aucune le camp du « big business », c’est-à-dire celui des Américains
Plus encore, dans l’hémicycle européen, la N-VA, qui se gargarise tant de l’autonomie des peuples, défend également avec enthousiasme le mécanisme de l’ISDS. Ce sont les banques privées et leurs flopées d’avocats d’affaires qui pourront régler les différends entre les multinationales américaines et les États européens (et inversement). Ce qui hypothèque la légitimité démocratique de chaque gouvernement. « Qu’est-ce qui empêchera une entreprise américaine de poursuivre un pays européen parce que, par exemple, celui-ci augmente le salaire minimum, en recourant à l’argument qu’une telle mesure met ses bénéfices sous pression? », interrogeait récemment la chercheuse Susan George sur Levif.be. Ne serait-ce que pour échapper à des procès particulièrement onéreux, il se pourrait très bien que des gouvernements évitent de façon préemptive certaines législations sociales et écologiques.
Dans ce dossier aussi, le « parti du peuple flamand » choisit sans sourciller le camp du « big business », c’est-à-dire celui des Américains. Le 28 mai dernier, la N-VA a fait ce qu’ont fait tous les partis traditionnels : elle a joyeusement voté pour l’introduction des tribunaux privés de l’ISDS. Seuls les groupes européens de la gauche conséquente (GUE.NGL, avec laquelle collabore le PTB) et les Verts (avec Groen et Écolo) ont voté contre. Dans son communiqué de presse, la N-VA a souligné, par la voix de Sander Loones : « Les socialistes européens abandonnent enfin la chasse aux sorcières populiste. Je me réjouis qu’ils s’inscrivent désormais dans un débat constructif. J’espère que le sp.a et le PS suivront également l’exemple de leurs collègues et que cela signifiera la fin de tout cet alarmisme déplacé. »
Un discours martelé, ou le reflet de la politique menée ?
« On nous l’a bien martelé, ce discours des super-riches qui échappent à tout, et surtout, que c’est aussi ce que veut cette coalition, en particulier la N-VA », déclarait Bart De Wever le 26 décembre à NewsMonkey. Peut-être ce « discours ressassé » n’est-il après tout que le reflet de la politique menée ? Car, qu’il s’agisse de politique intérieure, de politique européenne ou de négociations sur l’accord de libre-échange transatlantique, Bart De Wever transforme en un temps record son parti, au départ populaire, en un parti de la classe supérieure. Ce qui est évidemment son bon droit. Mais il pourrait avoir l’honnêteté de l’admettre tout simplement, au lieu de se cacher derrière un énième truc de communication.
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