César Botero González
Comment convertir un conservateur en progressiste… et vice versa
La radicalisation vers la droite et vers la gauche suscite le pessimisme. Devant tels perspectives, certains analystes vont jusqu’à prédire ou préconiser la fin de la Belgique ou tout au moins le commencement des incertitudes. Les neurosciences comportementales, ou psychologie biologique, pourraient-elles nous aider à éloigner ces perspectives et à la formation du prochain gouvernement fédéral ?
Au nord la droite et l’extrême droite ; au sud la gauche et l’extrême gauche. C’est ainsi que les Belges votent, bien que, selon les experts de cinq universités belges, les opinions politiques des Flamands et Wallons soient assez proches. « Sur une échelle de 0 (gauche) à 10 (droite), les Wallons se situent à 4,97 et les Flamands, à 5,56 ». Tout le pays serait au centre. Quoiqu’il en soit, les résultats électoraux du 26 mai passé compliquent la formation d’une majorité fédérale. L’échange de récriminations entre les deux communautés avive les passions et les rancoeurs, les exclusives et les méfiances. La radicalisation vers la droite et vers la gauche suscite le pessimisme.
Devant tels perspectives, certains analystes vont jusqu’à prédire ou préconiser la fin de la Belgique ou tout au moins le commencement des incertitudes.
Les neurosciences comportementales, ou psychologie biologique, pourraient-elles nous aider à éloigner ces perspectives et à la formation du prochain gouvernement fédéral ?
Les lignes suivantes sont ma traduction d’un article apparu dans « El País » d’Espagne, le 14 mai dernier : « Cómo convertir a un conservador en progresista… y viceversa »
« En général, nous savons distinguer une personne conservatrice d’une personne progressiste. Les conservateurs s’opposent à l’immigration, à l’avortement, aux taxes et au mariage homosexuel, et souhaitent plus de privatisations et des peines plus lourdes pour les criminels. Les progressistes sont favorables à l’augmentation des impôts sur les revenus les plus élevés, veulent des droits égaux, davantage de services publics et sont contre la peine de mort, par exemple.
Ce sont des idées différentes et parfois opposées, mais pouvons-nous dire qu’elles ont un cerveau différent ? Et si oui, un conservateur peut-il être converti en un progressiste ? Et l’inverse, convertir un progressiste en conservateur ?
Des scientifiques du monde entier ont étudié cette possibilité et ont découvert qu’il existait en réalité des différences très nettes entre le cerveau des conservateurs et celui des progressistes.
Avec un scanner IRM, il a été observé que les participants progressistes avaient plus de matière grise dans une zone appelée cortex du cingulaire antérieur. Ceci est la partie du cerveau qui détecte les erreurs, contrôle les impulsions, évalue socialement les autres et change d’avis. Au contraire, lorsque les volontaires étaient conservateurs, ils avaient développé l’amygdale, la partie du cerveau qui traite la peur et l’anxiété.
Les conservateurs ont eu des réactions plus intenses aux menaces, réelles ou imaginaires, et accordé plus d’attention aux choses négatives qu’aux positives.
Par exemple, dans une expérience on disait aux participants que, pendant l’épreuve, ils pourraient recevoir un choc électrique. En fait, rien ne leur a été fait. Ce qu’on a vu est que la simple menace fait que l’amygdale de plus conservateurs devenait plus hyperactive. Beaucoup plus que celui des participants progressistes.
Le piège de la peur
Les scientifiques savent depuis longtemps comment convertir les progressistes en conservateurs : il suffit de les effrayer.
Dans une expérience, on demande à des participants de remplir un questionnaire sur la façon dont ils voyaient leur propre mort. Un autre groupe n’a pas eu à répondre à ces questions.
Ensuite, tout le monde a été interrogé sur l’avortement et la peine de mort. Ceux qui avaient imaginé leur propre mort donnèrent des réponses beaucoup plus conservatrices que les autres.
Il n’est donc pas surprenant que, dans le monde entier, le discours conservateur se concentre sur la peur : peur des immigrants, perte du pouvoir d’achat, peur de ceux qui sont différents, peur des idées nouvelles.
Serait-il possible de faire l’inverse et convertir un conservateur en progressiste ? C’est l’expérience qui a eu lieu à l’Université de Yale. Dans cette étude, un questionnaire interrogeait les participants sur les questions difficiles telles que le mariage homosexuel, l’avortement, l’immigration, le féminisme. Cependant, on leur avait demandé avant de répondre à une autre question : quel super pouvoir aimeriez-vous ?
Pour y répondre, ils pourraient choisir entre le pouvoir de voler ou d’être invulnérables. Parmi ceux qui ont choisi comme superpuissance la possibilité de voler, il n’y avait pas de variations, mais les participants les plus conservateurs qui ont choisi d’être invulnérables sont devenus plus progressistes et plus tolérants, seulement se sentant plus en sécurité.
Cette réponse coïncide avec une étude antérieure, également de Yale, où des informations ont été données aux participants sur l’épidémie de grippe aviaire. Avant de répondre à des questions politiques, il a été offert à un groupe de participants du gel désinfectant pour les mains, et à d’autres non.
Ceux qui se sentaient en sécurité après avoir mis le gel avaient une attitude plus tolérante envers l’immigration. En fin de compte, les croyances politiques les plus radicales sont dictées par un instinct de survie et de réponse aux menaces.
C’est précisément pour cette raison que la confrontation ne semble pas être le meilleur moyen de faire changer d’avis ces personnes, car elles réaffirmeront davantage leurs convictions. Mais nous en reparlerons un autre jour. »
Il nous reste à savoir s’il est possible de refaire les expériences décrites ci-dessus sur des dirigeants politiques de chez nous. Comment les inciter ou les obliger à participer à quelques séances de rééquilibrage idéologique dans l’axe gauche/extrême gauche, droite/extrême droite.
Il ne s’agit pas de convertir Elio Di Rupo et Raoul Hedebouw en Bart De Weber et en Tom Van Grieken et vice-versa, cela ne changerait rien. (Nous avons déjà le cas d’un Michel De Maegd, ancien présentateur du JT-RTL qui se définit lui-même, à ses risques et périls, comme un « gauchiste de droite » sans nous dire ce que cela veut dire dans son cas pour autant qu’il le sache lui-même.) Il s’agit de droitiser un peu les premiers et de gauchiser un peu les seconds, entre autres, juste ce qu’il faut pour qu’ils se retrouvent au centre en parfaite communion avec Flamands et Wallons déjà au centre selon l’étude mentionnée.
Voilà donc une méthode pour faire régner la paix communautaire et faciliter la formation du prochain gouvernement fédéral.
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