Comment Bruxelles touche le jackpot grâce à l’Europe
Longtemps ignoré, voire décrié par le politique et par ses habitants, son statut de capitale de l’Europe est pourtant le moteur de la prospérité bruxelloise. Emploi, tourisme, notoriété, retombées financières… Voici comment Bruxelles touche le jackpot.
Quelles sont les » marques » les plus citées au monde ? Apple, Google, Microsoft, Coca-Cola, Amazon… et Bruxelles. C’est ce qu’affirme Patrick Bontinck, le patron de l’agence touristique bruxelloise, études à l’appui. Visit.brussels axe depuis quelques années toute sa communication sur le statut de » capitale de 500 millions d’Européens » de Bruxelles, histoire de lui donner un visage plus humain. Mais c’est bien la présence d’une soixantaine d’institutions européennes, internationales et intergouvernementales qui est devenue, ces dernières années, le moteur de son économie.
» Si Bruxelles perdait son statut de capitale de l’Union et le siège des principales institutions européennes, elle redeviendrait une petite ville de province comparable à Bordeaux « , estime Olivier Willocx, l’administrateur délégué du Beci, à la fois chambre de commerce et union des entreprises de Bruxelles. » L’impact de cette présence et de tout ce qui tourne autour est gigantesque. Une étude évalue la valeur de la « marque » Bruxelles à 470 milliards de dollars (NDLR : l’équivalent du PIB de la Belgique). » Jugez plutôt : 20 organisations de l’UE et 42 intergouvernementales, 300 représentations locales et régionales, 5 400 diplomates et 979 journalistes étrangers, 20 000 lobbyistes, 29 écoles internationales qui accueillent quelque 23 000 élèves…
Comme le souligne le nouveau bourgmestre Philippe Close (PS), » Bruxelles est devenue l’une des villes les plus cosmopolites du monde : un Bruxellois sur trois est d’origine étrangère. » Avec 180 nationalités représentées et 108 langues parlées, le World Migration Index situe très précisément la capitale belge en deuxième position sur l’échelle mondiale du cosmopolitisme. » C’est ce qui lui donne une dynamique extrêmement forte, poursuit le mayeur. La ville cosmopolite, c’est l’avenir. On ne fera plus jamais le Bruxelles des années 1950. »
Le tourisme, secteur d’avenir
Cette dynamique se traduit de façon très concrète, sous forme de retombées économiques. L’étude » Bruxelles-Europe en chiffres » réalisée par le gouvernement régional avec l’aide de Visit.brussels et du Commissariat aux relations avec l’Europe et les institutions internationales, dont la dernière édition date de 2016, évalue par exemple à 121 000 le nombre d’emplois créés par la présence européenne et internationale à Bruxelles, dont 81 000 emplois directs et 40 000 indirects. Cela représente 16,7 % de l’emploi bruxellois, soit près du tiers des postes de travail sachant que le taux d’emploi de la capitale n’atteint que 54,3 %.
Seul hic, du point de vue des autorités régionales : ces jobs ne bénéficient pas tous aux Bruxellois. » Plus de la moitié des offres d’emplois diffusées à Bruxelles s’adresse à des diplômés du supérieur « , regrette Philippe Close. Très exactement 56 % contre à peine 38,5 % en Flandre et 37,6 % en Wallonie. Or, le profil des demandeurs d’emploi qui plombent les chiffres du chômage dans la capitale, notamment chez les jeunes, est insuffisamment qualifié. De quoi grossir encore le flot des quelque 365 000 navetteurs qui occupent 51,8 % de tous les emplois disponibles…
» Cela reste le gros défi de Bruxelles, poursuit le bourgmestre : réconcilier l’extrême richesse qu’elle engendre – 20 % du PIB du pays pour 10 % de sa population – avec un meilleur taux d’occupation pour ses habitants. Mais cela évolue : pour la première fois depuis l’arrivée du gouvernement Vervoort, le chômage des jeunes à Bruxelles est inférieur à celui d’Anvers, pour comparer ce qui est comparable. »
En chiffres toujours, différentes études évaluent à 7 à 12 milliards d’euros l’impact de la présence internationale sur le PIB bruxellois – Bruxelles est aujourd’hui classée 3e région d’Europe sur 306 en termes de PIB. Une manne constituée à la fois par la présence des fonctionnaires européens et autres expatriés employés par toutes ces institutions et par le tourisme qu’elles stimulent. » Les visiteurs étrangers placent le statut de capitale de l’Europe dans le top 3 des raisons qui les ont attirés à Bruxelles « , confirme Patrick Bontinck. Et son succès ne se dément pas. Si le nombre de visiteurs a baissé de 25 % en 2016 après les attentats, il est déjà revenu l’été dernier à son niveau de 2015 et poursuit sa croissance.
» C’est dans le développement du tourisme qu’on dégagera l’emploi moins qualifié nécessaire à Bruxelles, abonde Philippe Close, dont cette matière fut longtemps le portefeuille au collège de la Ville. Aujourd’hui, chaque euro investi dans le tourisme en produit 4 de retour économique. Et ce sont des emplois non délocalisables, n’en déplaise à ceux qui rêvent encore de rattraper le passé industriel de la capitale. Il ne faut certes pas abandonner l’idée mais il est clair qu’on ne créera pas un nouveau VW Forest. »
400 euros de dépenses par jour
Plus encore que le tourisme de loisir, c’est le voyageur d’affaires qui est devenu la coqueluche des autorités bruxelloises. Il assure aujourd’hui plus de la moitié des nuitées dans la capitale et, surtout, consomme beaucoup de services. » Un touriste d’affaires, c’est 350 à 400 euros de dépenses quotidiennes en hébergement, Horeca, déplacements, traductions, etc., évalue Patrick Bontinck. De nombreux secteurs en profitent. »
Avec plus de 2 000 associations internationales en tout genre sur son sol, Bruxelles est devenue – qui l’eut cru ? – la deuxième ville de congrès du monde, juste derrière Singapour et loin devant Washington ou Dubaï. » Toutes les grandes villes du monde rêveraient de pouvoir en dire autant, affirme Philippe Close. Cela rapporte énormément avec très peu de nuisances. C’est bien pour cela que nous construisons un nouveau centre de congrès sur le plateau du Heysel. »
» Il est vrai que Bruxelles n’a aujourd’hui pas d’autre modèle de développement à proposer, reconnaît Olivier Willocx. Mais il faut rester prudent et diversifier nos forces. Après le Brexit, est-on assez proactif pour attirer non seulement l’Agence européenne du médicament mais surtout des institutions financières, notamment ? Et qu’attend-on pour investir dans de nouveaux pôles de compétence, par exemple dans le domaine des technologies liées à la langue ? Nous sommes leader mondial en matière de traduction, il faut être plus ambitieux et mieux valoriser nos atouts sur le plan international. »
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