© Belga Image

Comme en 2010, le CD&V sera le juge suprême

François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

La victoire de la N-VA est spectaculaire, mais contrairement à ce qu’espérait Bart De Wever, les partis flamands traditionnels ne s’effondrent pas. Ensemble, CD&V, Open VLD et SP.A gagnent même un siège à la Chambre. Du coup, ce sont les chrétiens-démocrates, une fois encore, qui pourraient décider de l’avenir de la Belgique : avec ou sans la N-VA ?

Bart De Wever avait placé l’électeur flamand au pied du mur : « Le 25 mai, il faudra choisir entre le modèle N-VA ou le modèle PS. » Résultat ? A première vue, le bourgmestre d’Anvers a toutes les raisons de parader. Au nord du pays, un citoyen sur trois a voté pour la N-VA. Un raz-de-marée.

A y regarder de plus près, cependant, Bart De Wever ne sort pas aussi renforcé qu’il l’aurait voulu de ce dimanche 25 mai. La progression spectaculaire de la N-VA s’explique avant tout par le fait qu’elle a vidé presque tout le stock électoral des deux autres partis de la droite nationaliste flamande. En 2010, le « bloc autonomiste » (N-VA, Vlaams Belang, Lijst Dedecker) totalisait 40 sièges sur 150 à la Chambre. A présent, il n’en compte plus que 37.

Loin de sanctionner massivement le « modèle PS », les électeurs flamands se sont au contraire montrés plus cléments qu’en 2010 à l’égard des partis traditionnels. En ce sens, Bart De Wever a raté son pari : les trois formations nordistes qui ont choisi de participer au gouvernement Di Rupo ne s’effondrent pas. Si le SP.A connaît une légère érosion, passant de 13 à 12 sièges, l’Open VLD et le CD&V gagnent en revanche chacun un siège.

Autrement dit : la N-VA n’est pas incontournable. Sur le plan arithmétique, le gouvernement fédéral actuel est parfaitement reconductible. Et sur le plan politique ? Là, tout dépendra de l’attitude du CD&V, et en particulier de ses deux principaux leaders, Wouter Beke et Kris Peeters. Comme en 2010, en somme… A l’époque, déjà, les nationalistes avaient remporté les élections fédérales avec une longueur d’avance sur tous leurs rivaux. Traumatisés, les chrétiens-démocrates avaient dans un premier temps exclu de participer à un gouvernement sans la N-VA. Et puis, la crise s’éternisant, ils avaient finalement accepté de se « déscotcher » de la N-VA.

En sera-t-il de même cette fois-ci ? C’est toute l’énigme des prochaines semaines, voire des prochains mois. Kris Peeters et Wouter Beke, échaudés par l’expérience de 2010, et les 500 jours de négociations qu’il avait fallu pour former un gouvernement, pourraient cette fois accélérer le tempo en privilégiant d’emblée l’option d’une tripartite traditionnelle. Quitte à laisser, pour la forme, Bart De Wever faire un petit tour de piste… Pour le CD&V, rejeter la N-VA dans l’opposition ne serait pas forcément un mauvais calcul. La formation nationaliste est en effet très dépendante de la popularité de De Wever. Or celui-ci a déjà annoncé que, l’année prochaine, il ne se représenterait pas à la présidence du parti. Privée pendant cinq ans de l’oxygène du pouvoir, la baudruche N-VA pourrait se dégonfler, ce qui permettrait au CD&V de redevenir le plus grand parti de Flandre en 2019. Voilà pour le premier scénario.

La seconde hypothèse ? Le CD&V choisirait de s’allier à la N-VA, tant au gouvernement flamand qu’au fédéral. Pour deux raisons évidentes. Primo : une large fraction du CD&V poursuit le même objectif que la N-VA, celui d’un confédéralisme très poussé. Secundo : une fraction tout aussi large du CD&V considère, comme la N-VA, que des réformes socio-économiques d’ampleur doivent être entreprises d’urgence, dans le domaine des pensions, des soins de santé, de la compétitivité des entreprises, etc. Un autre élément joue : le souvenir du cartel que le CD&V et la N-VA ont formé de 2004 à 2009. Si l’idylle a officiellement pris fin, beaucoup d’élus chrétiens-démocrates restent convaincus que l’histoire aurait pu s’écrire autrement, et que les chemins des deux partis sont amenés tôt ou tard à se rejoindre. Pas plus tard qu’en décembre 2013, l’ancien ministre Stefaan De Clerck se prononçait d’ailleurs, dans l’hebdomadaire Knack, en faveur d’une reconstitution du cartel défunt. « Nous pouvons nous améliorer l’un grâce à l’autre, en alliant la chaleur du CD&V et le tranchant de la N-VA », déclarait-il.

Entre le CD&V et la N-VA, une forme de connivence subsiste. Elle est liée à la certitude que le flamingantisme démocrate-chrétien constitue de façon presque « naturelle » le courant dominant dans la société flamande. Et que cela restera vrai pour des décennies encore.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire