Joyce Azar
« Combattants flamands du front de l’Est et djihadistes Belges, même combat? »
Peut-on comparer la situation des anciens combattants flamands du front de l’Est à celle des djihadistes belges partis en Syrie et en Irak ?
Et peut-on, dès lors, tirer des leçons de la réintégration sociale des premiers, en vue de mieux gérer celle des seconds ? Ces questions peuvent paraître incongrues, mais au nord du pays, elles suscitent un réel débat. Si les raccourcis sont à éviter et les parallèles à tracer avec prudence, des experts universitaires flamands estiment que la réflexion mérite d’être menée, et que notre société devrait s’inspirer de notre passé, pour mieux préparer l’avenir.
Aux yeux des historiens gantois Bruno De Wever et Koen Aerts, les similitudes entre les deux groupes de combattants sont bien réelles, même si elles requièrent nuances et contextualisation. Les constats sont révélateurs : ces hommes, souvent jeunes, sont influençables, portés par un idéal et séduits par des pensées radicales. Ils cherchent parfois l’aventure, un sens à leur vie, une manière de se faire valoir ou encore d’éviter une peine de prison. Ces hommes, ce sont les » Oostfronters « , partis combattre les Russes en 1941. Mais ce sont aussi ceux de nos concitoyens qui mènent depuis quelques années une guerre sainte auprès de Daech. Endoctrinés par une propagande bien ficelée et appuyée par des prêcheurs religieux, ces soldats autoproclamés et volontaires n’hésitent pas à se lancer dans une lutte estimée nécessaire contre un grand » ennemi satanique « , et à perpétrer les pires atrocités. Leur récompense, pour les premiers comme pour les seconds : être présentés comme de courageux héros. Par les nazis hier, par les terroristes islamistes aujourd’hui.
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Après la chute du Troisième Reich, environ 8 000 combattants flamands sont rentrés au bercail. L’histoire nous apprend qu’en Flandre, la justice s’est montrée relativement clémente, de très nombreux soldats de la collaboration ayant été libérés après cinq ans de détention. Si tous ne se sont pas nécessairement déradicalisés, ils se sont toutefois désengagés des actes de violence. » Même les personnes qui ont commis des crimes par haine peuvent changer « , estime ainsi Bruno De Wever, selon lequel il demeure primordial, dans une démocratie, de ne pas déshumaniser les coupables, aussi monstrueux soient-ils. L’histoire nous enseigne aussi qu’une réhabilitation est possible, parfois même avec succès, comme l’illustre l’ancien collaborateur Oswald Van Ooteghem, devenu sénateur belge dans les années 1970. Les analystes de tous bords le confirment : la réussite d’une réintégration est intimement liée à l’emploi, une reprise du travail permettant de sortir de l’isolement et d’éloigner d’éventuelles velléités revanchardes.
S’il est pertinent de regarder dans le miroir du passé pour analyser ce qui a, ou non, fonctionné, une mise en contexte révèle une différence clé. A présent que le » califat » islamiste s’effondre, notre pays peut s’attendre au retour d’une petite centaine de djihadistes, parfois accompagnés de leur famille. Après avoir purgé la peine qui leur sera infligée, les » combattants d’Allah » devront réintégrer notre société. Mais contrairement aux soldats flamands, ils ne sont, eux, » ni blancs, ni chrétiens « . Des facteurs qui, de nos jours, ne facilitent pas l’embauche, et qui, couplés à leur casier judiciaire, rendront une remise au travail quasi impossible. Si le politique et la société ne font pas l’effort de leur offrir, bon gré mal gré, une perspective d’avenir, rancoeurs et pensées radicales pourraient se perpétuer, voire même être léguées aux prochaines générations.
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