Mélanie Geelkens
Clitoris: une sacrée paire de lèvres
Ceci n’est pas une abeille, même si ça peut voler haut. Ceci n’est pas un bretzel, même si d’aucuns aiment le manger. Ceci n’est pas un émoji, même s’il engendre des émotions. Ceci n’est pas un alien, même si tout le monde en parle sans l’avoir jamais réellement vu.
Certains l’auraient aperçu dans des rues d’abord françaises, mais depuis peu aussi, belges. Sur des affiches ou dessiné à la craie sur des murs, sur des trottoirs (1). D’autres l’auraient entrevu sur des comptes Instagram et des pages Facebook qui semblent lui vouer un culte absolu (2). Deux réalisatrices viennent même de sortir un film à sa gloire, dans lequel des jeunes filles racontent comment elles l’ont rencontré, puis comment et pourquoi il a changé leur vie (3).
Ses premières descriptions, fort sommaires, remontent au XVIe siècle : le phénomène n’intéresse alors pas grand monde. Mais bien qu’aucun manuel ou ouvrage officiel ne le prenne au sérieux, les rumeurs et les légendes concernant sa puissance insoupçonnée traversent les temps. Devant tant d’indifférence scientifique, dans les années 1960-1970, certains Américains incitent à s’en approcher soi-même, pour tenter de mieux le cerner (4). Mais beaucoup n’osent pas. Par crainte, par culpabilité, par dégoût peut-être.
La science finit par réellement s’y intéresser dans les années 1990. En 1998, des chercheurs tentent d’en dessiner l’anatomie. A quoi ressemble-t-il, vraiment, cet invisible ? Puisque les observations à l’oeil nu ne peuvent le décrire, la gynécologue Odile Buisson décide, en 2009, d’en réaliser une échographie. Sept ans plus tard, une autre scientifique française, Odile Fillod, entreprend d’en réaliser une modélisation 3D. Incroyable ! Ce que tout le monde pensait si peu existant mesure en réalité onze centimètres. Avec deux corps caverneux, deux branches, une hampe, des milliers de terminaisons nerveuses… Il durcit, peut doubler de volume et s’érige, lui aussi. Juste avec discrétion.
Pourtant, tellement restent incapables de le décrire. Même depuis qu’il est scientifiquement reconnu, la plupart des manuels scolaires continuent à faire l’impasse sur son existence. C’est pour ça qu’elles le taguent, qu’elles le collent, qu’elles l’affichent, qu’elles le sanctifient, ces féministes. Pour montrer que ce n’est ni une abeille, ni un bretzel, ni un émoji, ni un alien. Juste un clitoris. Symbole de la méconnaissance des femmes de leur propre corps. Le brandir, le revendiquer, ce n’est point l’exhiber. C’est lui réclamer une existence sociale, sexuelle, politique. » Le renouvellement des connaissances sur l’anatomie du clitoris depuis les années 1990 autorise une nouvelle lecture de l’organe, du plaisir et de la sexualité féminine, analysait récemment la sociologue Delphine Gardey dans Le Soir. Le montrer, c’est affirmer la capacité et le droit au plaisir des femmes. Comme elles l’entendent, loin de l’assignation à l’échange hétérosexuel pénétratif et reproductif. »
Certaines préféreraient qu’il reste caché, bien gentiment, derrière son petit capuchon. Allez savoir pourquoi. Une lectrice, outrée d’avoir lu ici, un jour, le mot » vulve « , se fendit d’un long courrier à la rédaction en chef adjointe pour lui suggérer d’élaborer un règlement interne, selon lequel toute utilisation des mots désignant, de près ou de loin, l’organe reproducteur féminin, serait passible d’un licenciement immédiat. Va falloir commencer à faire ses cartons.
(1) Des collectifs féministes, comme le Clito-Crew, taguent des clitoris dans les lieux publics.
(2) Le gang du clito, Jouissance Club, Clitoclit…
(3) Mon nom est clitoris, de Daphné Leblond et Lisa Billuart-Monet, dans les salles.
(4) Le » self-help » encourage les femmes à se réapproprier leur corps via l’autoexamen gynécologique.
26=11-5
L’Argentine a inscrit le terme féminicide dans son code pénal en 2012, après la promulgation d’une loi considérant le meurtre d’une femme comme une circonstance aggravante de l’homicide : depuis, les coupables encourent la réclusion criminelle à perpétuité. Pour autant, on recense dans le pays un féminicide toutes les 26 heures. La Fédération argentine de… football dénonce cette réalité dans une vidéo démarrant avec une équipe de onze joueuses, un jour de match, qui ne sont plus que cinq pour la rencontre suivante. Six fois 26 heures s’étant écoulées entre les deux journées du championnat.
écrivaines réhabilitées
Le point commun entre Caroline Gravière, France Adine, Madeleine Bourdouxhe, Marguerite Baulu ou Nelly Kristink ? Toutes femmes de lettres belges. Et toutes oubliées, méconnues ou introuvables. Enfin, non, plus si introuvables que ça : Névrosée, maison d’édition née au printemps dernier, les (re)publie. Soit, pour l’heure, douze titres, de douze écrivaines belges délaissées à cause » en partie, de la misogynie qui régnait au xixe siècle » et une bonne partie du xxe. » Considérant de manière générale que les femmes ne pouvaient avoir de talent, elles ont été exclues des canons littéraires établis à cette époque. » Les créatrices de Névrosée ont donc décidé de ne pas laisser » ces femmes disparaître de notre histoire ni de notre patrimoine » et » de redonner vie à leur oeuvre en les rééditant et en les faisant connaître, afin de les rendre accessibles à tous « . Cadeau ! www.nevrosee.be
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