Carte blanche
Climat et pollution de l’air: même combat?
Ces derniers mois, les problématiques environnementales ont fait sortir dans les rues une très large frange de la population belge. Jeunes, vieux, Flamands, Bruxellois ou Wallons : nombreux sont ceux qui ont participé aux multiples manifestations pour le climat.
Celles-ci font écho à la mobilisation sans précédent de citoyens inquiets de la mauvaise qualité de l’air, qui ont récemment fermé de nombreuses rues d’écoles à la circulation motorisée, mis des masques sur des statues ou organisé des manifestations de poussettes pour dénoncer le scandale sanitaire qui se joue chaque jour dans notre pays.
Comment ne pas leur donner raison, d’ailleurs ? Côté pile, en 2018 et quelques mois à peine après la vague de chaleur sévère qui a touché notre pays, le GIEC tirait une nouvelle fois la sonnette d’alarme en illustrant les impacts dramatiques du réchauffement climatique qui nous attendent si nous n’accélérons pas nos efforts en matière de réduction des émissions de gaz à effet de serre [1]. Côté face, la Cour des comptes européenne a récemment rappelé que la pollution de l’air est la principale menace environnementale pour la santé publique en Europe [2]. De son côté, l’Agence européenne de l’environnement estime que la mauvaise qualité de l’air que nous respirons en Belgique est à l’origine de plus de 10.000 décès prématurés par an dans notre pays [3]. Et ce sans compter les nombreux cas d’asthme et les maladies pulmonaires et cardiaques qu’elle cause également. Vous l’aurez compris : sur ces deux dossiers, il y a urgence !
Les similitudes entre ces deux problématiques ne s’arrêtent d’ailleurs pas là. Tant le changement climatique que nos problèmes de pollution de l’air sont en effet liés à notre système énergétique, par le biais duquel nous brûlons des énergies fossiles pour nous déplacer, nous chauffer ou produire des biens. Autrement dit, notre mode de vie actuel est non seulement la cause du réchauffement climatique, mais a également un impact néfaste sur notre santé et celle de nos enfants.
Le transport, symbole de la faillite de la politique belge en matière de climat et de pollution de l’air
Nul autre secteur n’illustre mieux ce double enjeu climatique et atmosphérique que le transport. A Bruxelles, par exemple, le transport routier (et en particulier les véhicules diesel) est à l’origine de plus de 65 % des émissions de NOx [4], un polluant ayant un impact négatif important sur notre santé. En 2017, ce même secteur représentait également 22,5% des émissions de gaz à effet de serre belges, et ses émissions continuent de croître. Pourtant, le tout à l’automobile continue d’avoir le vent en poupe dans notre pays : nous sommes les champions toute catégorie en matière de voitures de société [5], le nombre de plaques d’immatriculation délivrées chaque année continue d’augmenter [6] et tant les transports publics que la mobilité active (déplacements à pied, à vélo, en trottinette) restent considérés comme des modes de transport marginaux, et ne bénéficient pas d’infrastructures et de moyens financiers adaptés. Alors que nos décideurs se gargarisent tant et plus des nombreuses mesures ambitieuses qu’ils auraient prises en matière de climat et de pollution de l’air, le constat est donc sans appel : la plupart des indicateurs sont au rouge.
La transition énergétique, une solution commune
Heureusement, loin d’être des fatalités, ces deux problèmes environnementaux majeurs partagent également une solution commune : la transition vers une économie bas-carbone. En réduisant notre consommation d’énergie, en nous déplaçant à pied, à vélo, en transport en commun ou avec des véhicules plus propres, nous émettons non seulement moins de gaz à effet de serre, mais avons également un impact positif direct sur la qualité de l’air que nous respirons.
Alors que de nombreuses études démontrent l’impact important qu’une telle transition aurait en termes de création d’emplois et d’activité économique [7], il est important de se rappeler que les co-bénéfices qui lui sont liés, tels qu’une amélioration drastique de la qualité de notre air, sont au moins aussi importants aux yeux de la population belge. Clou final dans le cercueil des plus sceptiques : une importante nouvelle étude vient ainsi de démontrer que respecter nos objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre permettrait simultanément de réduire le nombre de décès liés à la pollution de l’air par deux ! [8]
La prochaine législature sera cruciale
La décennie qui arrive s’annonce cruciale en matière de changement climatique. Alors que notre budget carbone s’épuise rapidement, il est désormais prouvé que nous disposons des connaissances et technologies nécessaires pour rendre nos sociétés neutres en carbone. Une telle transformation nécessitera des choix politiques forts et une vision à long terme claire. Le signal envoyé par les citoyens belges est indiscutable : un large soutien populaire existe pour une politique air – climat ambitieuse.
Nous invitons donc nos décideurs politiques à prendre leurs responsabilités et à mettre en place les mesures qui s’imposent pour protéger notre santé et notre climat. Demain, nous ne jugerons pas nos ministres sur leurs déclarations ou le nombre de réunions de coordination obscures qu’ils auront organisés, mais plutôt sur les réductions effectives de nos émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques, ainsi que sur les décès prématurés évités par les mesures qu’ils auront prises.
Alors, on s’y met ?
Par le groupe citoyen Bruxsel’AIR
[1] Les impacts du changement climatique sur notre pays sont notamment développés sur le site internet www.climat.be
[2] Voir : https://www.eca.europa.eu/fr/Pages/DocItem.aspx?did=46723
[3] Voir : https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-europe-2018
[4] Voir : http ://www.environnement.brussels/sites/default/files/user_files/rie_ace_20150420_fr_final_version.pdf.
[7] Une étude du Service fédéral « Changements climatiques » démontre par exemple qu’une réduction de 80 à 95% de nos émissions de gaz à effet de serre d’ici 2050 pourrait mener à la création de 80.000 emplois supplémentaires, par rapport à un scénario business-as-usual, sans impact négatif sur la croissance économique.
[8] Voir : https://academic.oup.com/eurheartj/advance-article/doi/10.1093/eurheartj/ehz135/5372326
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