Thierry Fiorilli

C’est beau comme les vertiges de la mer (chronique)

Thierry Fiorilli Journaliste

C’est l’histoire d’un couple. La mer et Ben Thouard. Elle, on croit toujours qu’on la connaît, mais elle se rit de nous. Lui est photographe. Il a fait son chemin dans les clichés de surf, sa passion, puis il a compris que c’était devenu un job. Alors, il a décidé de se « libérer des contraintes de la presse ou des marques qui passaient des commandes ». Et il a commencé à traquer les vagues. Pour « montrer ce qui m’attire dans l’océan, de manière intemporelle ». Ah, l’océan. Il y est né, Ben. Dans le sud de la France, avec une enfance en bord de ports: Toulon, Marseille. Un père marin, qui lui enseigne très tôt la magie du grand bleu, et le respect qu’il faut lui vouer. Des frères surfeurs. La photo qui débarque et un plaisir inouï à tirer le portrait de ses potes de surf. Un voyage à Hawaï. Le monde écumé, de spot en spot, pour immortaliser les dompteurs d’ondes. Tahiti, où il jette l’ancre, à Teahupo’o.

On dirait les plis d’une étoffe. Une peinture. Des cheveux colorés cachant une nuque. Un filet au moment du lancer.

Il a alors 22 ans. Covers de magazines et campagnes de pub le couronnent. Et puis, cette envie de faire poser le grand bleu. Ou plutôt de tenter de le capturer dans ses lumières les plus insaisissables, ses couleurs les plus impossibles, ses figures les plus échevelées. On les trouve dans son premier livre, Surface, paru en 2018 à compte d’auteur. On en trouvera d’autres dans Turbulences, qui sort fin de cette année.

Ben Thouard fait tout ça en s’immergeant, en plongeant, en nageant, en barbotant, en naviguant. Une sorte de course folle. La course aux slabs, comme les surfeurs appellent les formes invraisemblables que dessinent les flots. En avril 2008, le magazine français Surf Session les décrivait comme des « espèces de vagues mutantes qui ne ressemblent à rien, qui tombent en explosant sous le niveau de la mer plus qu’elles ne déferlent ». Elles ne ressemblent peut-être à rien mais elles permettent qu’on y imagine tout. Comme celle-ci, que Ben a appelée Curves (courbes), prise en avril 2020 « non loin de Teahupo’o », racontait-il dans l’édition d’octobre de The Red Bulletin. Il s’y niche « un surplomb de récifs où les vagues se brisent en tubes. Je suis dans l’eau avec un objectif de 300 mm, ce qui n’est pas courant pour photographier à la nage, mais qui me permet de me concentrer sur cette courbe, ce détail. J’adore la texture de la surface, et cette courbe gigantesque et majestueuse, de quatre à cinq mètres de haut. »

On dirait les plis d’une étoffe. Une peinture. Des cheveux colorés cachant une nuque. Un filet au moment du lancer. Une vue maritime depuis le hublot d’une cabine d’une attraction qui fait un looping. Et c’est juste la mer. Juste une vague. Un slab. La somptueuse cabriole d’un super-héros aux mégapouvoirs.

@ThFio

Voici un slab.
Voici un slab. « Une espèce de vague mutante qui ne ressemble à rien. » Mais qui permet d’imaginer tout.© CURVES/BEN THOUARD

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire