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Certains policiers bruxellois plutôt favorables à la fusion des zones de police: mais gare aux pressions politiques

Le Vif

Selon des policiers, auteurs d’une lettre anonyme, de nombreux agents jugent bénéfique la fusion des six zones de police de Bruxelles. Les signataires craignent toutefois que celle-ci puisse entraîner des dérives telles que l’instrumentalisation politique. C’est pourquoi ils réclament que cette fusion s’accompagne de réformes structurelles et d’une révision des normes.

Des dizaines de policiers de terrain issus de plusieurs zones bruxelloises disent ne pas être opposés à la fusion des six zones de police de la capitale. Elle doit toutefois être accompagnée d’une réforme de la norme KUL, qui fixe les moyens fédéraux attribués pour chaque zone de police du pays. Ces agents, qui s’expriment sous couvert de l’anonymat, affirment être majoritaires à partager ce point de vue, selon un courrier transmis à l’agence Belga. Ils dénoncent également « des anomalies, voire des dérives » dans le cadre de leurs missions quotidiennes.

« A la suite de l’annonce de la fusion des zones de police, de nombreux responsables politiques et cadres de la police locale ont pris la parole, souvent au nom des policiers de terrain », constatent ces agents. « Nous sommes tristes de voir que ce sont le monde politique et dirigeant qui prennent la parole de manière générale pour défendre des intérêts personnels », assènent-ils.

Pour ces policiers, la révision de la norme KUL, qui date des années 1990, permettrait d’élargir leurs capacités d’action, tout en maintenant certains services de proximité qui n’ont, estiment-ils, pas vocation à être centralisés, tels que les patrouilles d’intervention et les actions de proximité avec la population. « Ces missions nécessitent une connaissance fine du terrain et un lien direct avec les habitants, ce que seule une structure décentralisée peut offrir », insistent-ils.

A leurs yeux, la fusion des zones de police « représente indéniablement une opportunité d’améliorer l’efficacité du travail des policiers » et faciliterait notamment un meilleur échange d’informations entre les différentes zones. « À l’heure actuelle, lorsqu’un policier doit consulter un procès-verbal émis dans une autre zone, il doit en faire la demande à ses collègues et attendre la suite de l’enquête. Un système informatique unique et centralisé permettrait de consulter ces PV directement, améliorant ainsi la réactivité et la fluidité des enquêtes« , illustrent les auteurs du courrier.

Pression politique

Cette fusion pourrait cependant aussi exposer « certaines dérives liées à l’instrumentalisation de la police à des fins politiques et d’intérêts personnels », redoutent-ils. Dans certaines zones, il est fréquent que les bourgmestres sollicitent des policiers pour des tâches non liées à leurs missions de sécurité publique, telles que le conduire à un rendez-vous avec un véhicule de police, dénoncent ces agents. « De même, une pression excessive est parfois exercée sur les policiers pour obtenir des informations sur des procès-verbaux judiciaires, alors même que ces derniers n’ont aucun droit d’accès à ces documents. »

« Dans certaines zones, comme Bruxelles-Midi (NDLR: Anderlecht, Forest et Saint-Gilles), des pressions sont exercées sur les policiers pour qu’ils réduisent leur nombre de procès-verbaux afin de préserver les statistiques de la zone, particulièrement à l’approche des élections. Ces pratiques dérogent aux principes de transparence et d’intégrité qui devraient guider le travail de la police », regrettent les auteurs du courrier.

L’idée proposée de recourir à des inspecteurs de proximité pour pallier un manque de personnel ne constitue pas une solution pérenne, estiment-ils encore. « Bien que ces policiers soient bien souvent sur le terrain, leur mobilisation pour des missions opérationnelles prive les zones de police de ressources indispensables pour leurs missions principales de sécurité et de proximité », argumentent-ils. Et les auteurs du courrier de citer des exemples de tâches pour lesquelles la police est utilisée, comme le remplacement des gardiens de prisons lorsqu’ils font grève ou l’accompagnement de personnes du monde politique lors de braderies. Quant à la police fédérale, qui doit soutenir la police locale, elle est elle-même en déficit de personnel et financier, pointent-ils.

Une fusion «bénéfique» qui nécessite des réformes

La fusion pourrait toutefois offrir une solution aux difficultés liées à la gestion du personnel et des équipements, grâce à un partage des ressources en matériel ou en personnel, relèvent encore les policiers. Cela permettrait à certaines zones en difficulté de bénéficier de l’expérience d’autres, mieux dotées. « Une telle collaboration pourrait renforcer l’efficacité globale et assurer une meilleure réponse aux besoins de la population », appuient-ils dans leur courrier.

Ils rappellent que la criminalité ne s’arrête pas aux frontières d’une commune ou d’une zone de police, et font un parallèle avec la lettre anonyme d’autres policiers, relayée fin mars par L’Echo, où ceux-ci contestaient la politique de sécurité dans la zone Midi. Ils avaient vu dans la dissolution des brigades de proximité l’une des causes des fusillades à répétition dans cette partie de la capitale.

La fusion des zones de police peut donc être bénéfique, mais elle doit « impérativement » être accompagnée de réformes structurelles et d’une révision des normes en vigueur, concluent-ils. « Elle ne doit pas servir d’alibi pour des dérives politiques ou des pressions inappropriées. L’objectif principal doit demeurer l’amélioration de la sécurité publique, dans le respect des principes de transparence, d’intégrité et de proximité. » La fusion doit dès lors être accompagnée, outre d’un financement adéquat, d’un code d’éthique « pour le politique et le cadre dirigeant ». « Nous sommes là pour accomplir nos missions de base, pas pour gérer des souhaits politiques. »

La fusion des zones de police bruxelloises devrait être effective dès 2027, d’après les contours du projet présentés par le ministre de l’Intérieur Bernard Quintin (MR), la semaine dernière. L’objectif, à terme, est de passer de 178 zones à une quarantaine pour l’ensemble du pays.

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