Centres d’étude, mutualités, jeunesses politiques: comment les ministres financent leurs partis via l’octroi de subsides
Les partis politiques et certaines associations qui leur sont liées profitent aussi de nombreux subsides facultatifs octroyés par les ministres des gouvernements de la Région wallonne et de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
Les dons d’entreprises leur sont interdits, les cotisations de bases militantes toujours moins populeuses se font rares, il ne reste aux partis politiques, on le sait, que les fonds publics pour assurer leur existence matérielle.
On sait aussi qu’en Belgique, ceux-ci sont très généreux, et la manière dont le financement public des partis est assuré, à travers des dotations calculées selon leurs résultats électoraux, est assez connue: elles sont publiques, et validées chaque année par les parlements concernés. L’examen des subventions facultatives distribuées par les ministres des gouvernements wallon et, surtout, de la Fédération Wallonie-Bruxelles, permet de lever le voile sur d’autres espèces de financement public des partis politiques et des associations qui leur sont liées, pas toujours de la plus transparente des façons.
Car si aucune des asbl créées par les différentes formations pour recevoir les dotations qui leur sont légalement dues ne figure dans les tableaux de ces quatre années de subsides, de nombreux bénéficiaires sont, directement ou indirectement, associés aux partis francophones, et en particulier à ceux qui figurent dans les gouvernements.
Les mutualités ont une place particulière dans le système belge et certaines affichent encore leur couleur.
Ces bénéficiaires, pour partisans qu’ils soient, n’en sont pas moins actifs dans des secteurs, l’éducation permanente, l’insertion socioprofessionnelle, la formation, la culture, les médias ou les organisations de jeunesse, qui les rendent éligibles à ces subventions. Et c’est le genre d’élections qu’ils gagnent très souvent.
Ce que les centres d’études reçoivent comme subsides
Si chaque parti a son centre d’études, tous ne sont pas financés de la même manière. Celui du PTB, par exemple, ne reçoit aucune subvention facultative des gouvernements qui nous occupent. Celui de DéFI, le Centre Jacques Georgin, a perçu un ridicule 204 euros en 2022, versés depuis le cabinet Daerden (PS). En revanche l’Institut Emile Vandervelde (PS), Etopia (Ecolo) et le Centre Jean Gol (MR), parce qu’ils se sont fait reconnaître comme associations d’éducation permanente, comme centre culturel ou comme centre d’archives ont accès à des subsides facultatifs de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
En quatre exercices, l’IEV a ainsi empoché 261 000 euros, Etopia 173 000 euros, et le CJG 106 000 euros à divers titres, souvent alloués par la ministre Bénédicte Linard (Ecolo). Ces fonds, consécutifs à une reconnaissance décrétale, sont conditionnés à des critères à remplir, et soumis à des contrôles: il faut publier un certain nombre de travaux (notes, brochures, livres) et organiser suffisamment d’activités (ateliers, conférences, colloques, etc.), sous peine de tarissement de la source. Ces contraintes relatives, qui sont celles pesant sur tout le secteur de l’éducation permanente peuvent, peut-être, avoir rebuté les autres formations. Mais vraiment peut-être.
Les subsides octroyés aux autres organisations périphériques
Les mutualités ont une place particulière dans le système belge de liberté subsidiée, et certaines d’entre elles affichent encore leur couleur. Les Mutualités libérales ont perçu plus de 2,5 millions d’euros de subventions facultatives. C’est moins que Solidaris et ses différentes régionales (à qui la compétence, exercée par Valérie Glatigny (MR), des hôpitaux universitaires, a valu plus de 8 millions d’euros de subsides), toutes arrimées dans l’Action commune socialiste, acteur plus grand que la concurrente libérale dans le secteur de la santé, et partenaire bien plus fiable de son parti frère que son adversaire idéologique dans le secteur politique: le lien entre mutualités et parti libéral a été rompu dès les années 1960.
En relation à la fois avec le parti et son pendant mutuelliste, les Femmes prévoyantes socialistes, souvent rebaptisées Soralia, gèrent des centres de planning familial dans tout le pays, et obtiennent dans ce cadre les aides que méritent ces institutions: plus de 600 000 euros des cabinets Désir (PS), Glatigny et Linard. Leur école de promotion sociale, en province de Liège, a été subsidiée à hauteur de 48 500 euros par Valérie Glatigny. Moins réputée pour ses services à la population, l’asbl Solidarité, «groupement social féminin libéral», est l’ancienne fédération nationale des femmes libérales. Elle n’a plus aucun rapport organique avec le parti. Mais elle a tout de même été dotée de 98 000 euros par Valérie Glatigny.
Sans surprise, le pilier socialiste reste le plus puissant de tous, celui auquel presque aucun champ de la vie sociale n’est étranger. Et celui, aussi, qui bénéficie du plus de subventions facultatives, pas spécialement uniquement de ministres socialistes, notons-le. On trouve dans les cadastres un Centre socialiste d’éducation permanente du Brabant wallon, dont le budget a été abondé par Bénédicte Linard à hauteur de 380 000 euros. Il y a le Groupe socialiste d’action et de réflexion sur l’audiovisuel (Gsara) qui organise des formations, des stages et même un festival, bénéficiaire de près de 400 000 euros via Bénédicte Linard, Caroline Désir, Frédéric Daerden et Christie Morreale (PS). Ou Solidarité socialiste, l’association de coopération internationale (236 000 euros via Pierre-Yves Jeholet (PS)), les Faucons rouges (76 000 euros via Valérie Glatigny), les différentes régionales de Présence et action culturelles, pour lesquelles on a retrouvé 182 000 euros issus des deux gouvernements, ou encore l’Association francophone du sport travailliste (213 000 euros), basée au siège du parti, boulevard de l’Empereur. Si le Centre libéral d’action et de réflexion sur l’audiovisuel (Clara), bénéficiaire de 62 000 euros de subventions facultatives de Bénédicte Linard, peut se comparer dans ses missions au Gsara, et si Viva Salud, une des associations du PTB engagées dans l’action humanitaire internationale (49 000 euros reçus de Pierre-Yves Jeholet), aucun autre parti que le PS ne présente une telle densité associative, et une telle diversité contributive.
Les jeunesses cachées
Chaque formation politique dispose d’une organisation de jeunes adhérents, et on en trouve une trace, modeste, dans nos registres: les Jeunes MR et la Fédération des étudiants libéraux ont encaissé 612 et 1 400 euros de Frédéric Daerden, le Comac (les étudiants PTB) 367 euros, les Jeunes CDH 764 euros, les Jeunes démocrates fédéralistes indépendants 2 200 euros et le Mouvement des jeunes socialistes 900 euros, tous du même Frédéric Daerden.
Ces jeunesses partisanes sont, évidemment, autrement financées que par ces subventions facultatives: la plupart du temps, elles disposent d’une part de la dotation de leur parti. Mais d’autres organisations de jeunesse, pas toujours explicitement politiques, gravitent dans l’orbite immédiate de certains partis et figurent en très bonne place au tableau d’honneur du cadastre des subsides de la Fédération Wallonie-Bruxelles.
C’est spécialement le cas des organisations de jeunesse et de leurs fédérations. En effet, parmi les milliers d’asbl encadrant, formant, amusant et dépaysant les jeunes francophones, une bonne poignée d’entre elles est directement rattachée à un monde politique, à travers les fédérations d’organisations de jeunesse que les partis encadrent. Ces fédérations ne sont pas toutes politiques: il y en a une liée au vieux pilier catholique et une, pluraliste, Relie-F, qui réunit les jeunes Engagés, Ecolo J, les Jeunes DéFI, mais aussi l’Union des étudiants juifs de Belgique, la FEF, la Fédération de la jeunesse musulmane ou les Cercles homosexuels étudiants francophones fédérés, par exemple.
Certaines organisations gravitent dans l’orbite immédiate de partis.
ProjeuneS, la «fédération des jeunes socialistes et progressistes», rassemble des associations de jeunesse, maisons de jeunes et autres services d’Action en milieu ouvert (AMO) affiliés au pilier socialiste, et qui bénéficient de divers subsides facultatifs: la bruxelloise Promojeunes reçoit 328 000 euros (de Valérie Glatigny surtout, mais aussi de Frédéric Daerden et Caroline Désir), la liégeoise Philocité 75 000, surtout de Bénédicte Linard, la farciennoise Oxyjeunes 107 000 euros, le réseau aiselien des Castors 98 000 euros, Latitudes jeunes, partenaire de Solidaris, a perçu 143 000 euros de Valérie Glatigny, la carolorégienne For’J 70 000 et le rochefortois Centre d’information et de documentation pour jeunes 19 500 euros. Ces asbl fédérant elles-mêmes parfois d’autres réseaux d’associations actives dans le secteur, la liste de celles rassemblées dans ce pilier et subventionnées par les gouvernements francophones, n’est ici pas exhaustive.
L’autre parti qui a fédéré des asbl très subsidiées, curieusement, est celui qui dénonce le plus souvent les asbl subsidiées, le MR. La fédération Jeunes et libres (elle-même bénéficiaire de 26 600 euros de subventions facultatives du cabinet Glatigny) associe la Fédération nationale des jeunes mutualistes libéraux (14 000 euros), la Fédération des étudiants libéraux et les Jeunes MR, mais aussi la carolorégienne Delipro Jeunesse (88 000 euros), la bruxelloise Reform – Recherche et formation socioculturelles – (187 000 euros en 84 subsides), l’Institut libéral de formation et d’animations culturelles, qui a pu trouver 71 000 euros chez Pierre-Yves Jeholet et Bénédicte Linard, l’asbl La Besace (20 000 euros), O’Yes, active dans l’éducation à la sexualité (332 000 euros via Pierre-Yves Jeholet, Valérie Glatigny, Bénédicte Linard et Frédéric Daerden), et même les Responsible Young Drivers (5 200 euros, surtout via Valérie Glatigny). Autant le savoir avant de prendre la route.
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