Luc Delfosse
Ceci n’est pas une crise. C’est une prise d’otages
On s’indigne, à juste titre, du fait que madame Pereita refuse de comparaître devant la commission Samusocial du Parlement bruxellois. Si cette assourdissante absence permet de mesurer, une fois encore, l’orgueil inouï des principaux protagonistes de la joyeuse confrérie des rupins cooptés de la démocratie, elle n’en est pas moins « légale ».
Il en va très exactement de même de la manoeuvre ourdie par monsieur Lutgen et de la crise politique qui s’en est suivie dans les Régions wallonne et bruxelloise et donc à la Communauté française : la manigance est constitutionnellement légale mais, pour dire la chose, démocratiquement imbuvable.
Que l’homme fort de Bastogne souhaite défenestrer un PS, son juteux complice de trente ans, parce que, soudain, il le juge indécrottablement affairiste, n’est pas la question. Que le président du CDH entende mettre désormais la barre à droite en donnant de facto les pleins pouvoirs au MR qui, forcément, exulte d’avoir bientôt la main à tous les étages du royaume, non plus. Admettons charitablement qu’il s’agit d’un choix pesé en âme et conscience et non l’un de ces actes cyniquement tactiques qui, depuis Mathusalem, font l’essence de la politique. Et passons pudiquement sur l’hypothèse d’un raid de survie pur et simple.
Cependant, dans un pays fédéral normalement constitué (l’Allemagne par exemple), les subits états d’âme du CDH auraient évidemment conduit à des élections régionales « partielles ». Or chez nous, pour d’obscures questions de continuité du pouvoir, la Constitution ne le prévoit pas. Tout renversement d’alliance doit dès lors se résoudre entre les quatre murs des parlements (en fait des QG de partis) pendant cinq ans. Légal, donc. Mais indécent pour ne pas dire révoltant dès le moment où l’on entend les protagonistes de cette « crise », dont on connaîtra un jour le fin mot, se gargariser jusqu’à l’extase de « citoyenneté » en sachant pertinemment que lesdits citoyens ont juste le droit de la boucler pendant deux ans.
Bref, ceci n’est pas une crise. C’est une prise en otage en bonne et due forme. Avec la circonstance aggravante qu’il s’agirait de faire le bien des électeurs captifs dont on semble persuadé en haut lieuqu’ils succomberont inévitablement, ces agneaux, au syndrome de Stockholm. On a vu naître des révolutions pour moins que cela.Mais enfin, nous sommes, comme par hasard,à la veille des grandes vacances…
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