Michel Vandenbosch
« Ceci n’est pas un ‘zoo' »
Le zoo, qui jouit d’une immense popularité, est un concept en voie de disparition. Il invite tout au plus à se reconnecter à la nature, sans aller forcément plus loin, estime Michel Vandenbosch, le président de Gaia.
Les zoos oeuvrent-ils à la préservation de la biodiversité, c’est-à-dire à la préservation d’espèces d’animaux ? Certains oui, d’autres peu. Très peu… Car il faut se rendre à l’évidence : » les zoos » n’existent pas. En effet, leur qualité varie fortement en matière de conservation, de recherche scientifique, d’éthique, de gouvernance, d’éducation ou encore de qualité de vie des animaux détenus en captivité.
Aujourd’hui, environ un million d’animaux vertébrés et invertébrés vivent dans 1 000 institutions organisées que l’on dénomme » zoos » ou » parcs zoologiques » (en ce, y compris les parcs aquatiques). Hormis ce type d’institutions affiliées à des coupoles comme l’Association européenne des zoos et aquariums (Eaza en Europe) ou l’Aaza (en Amérique), on retrouve dans le monde un nombre toujours plus élevé de petits zoos » minables » qui feraient mieux de disparaître. En cause : leurs faibles critères dans la plupart des domaines cités ci-dessus. A cet exercice, la Belgique n’est pas en reste. Incapables de s’adapter aux exigences d’un parc zoologique moderne ou de respecter les normes et les lois – souvent trop laxistes – en vigueur, ces prisons pour animaux sauvages s’illustrent par le manque d’efforts consacrés à la conservation d’espèces en voie de disparition.
Mais qu’en est-il des zoos dits de meilleure qualité ? En 2008, des scientifiques ont envoyé une enquête à 725 zoos dans 68 pays. Seuls 190 zoos ont pris la peine d’y répondre. Parmi eux, à peine 137 zoos déclarent détenir moins de 30 % d’animaux appartenant à des espèces en danger, tels que repris sur la liste Cites (Convention internationale réglant le commerce d’espèces en danger d’extinction) ; 19 % affirment ne détenir qu’entre 30 et 50 % de ces espèces ; et 5 % entre 51 et 70 %. Seulement 4 % (soit moins de 10 zoos sur les 190 ayant répondu à l’enquête) affirment détenir plus de 70 % d’espèces en danger !
Des efforts trop peu diversifiés
Force est aussi de constater que 70 % des programmes d’élevage reconnus se focalisent sur des mammifères et 20 % sur des oiseaux, alors que les reptiles (6 %), les invertébrés (1,4 %) et les amphibiens (1 %) restent les enfants pauvres de ces programmes. Fait glaçant : seul 0,3 % des poissons sont pris en compte, ce qui en fait l’espèce animale la moins considérée par les zoos. D’ailleurs, il n’est pas exclu que cette surreprésentation des mammifères s’explique, du moins en partie, par le fait que ces animaux restent les plus attractifs aux yeux des visiteurs.
Dernier fait révélateur : selon une étude de l’Association américaine des zoos et des aquariums (Aaza, 2000), les zoos reconnus par ses soins ne dépensent que 0,1 % de leur budget opérationnel à la sauvegarde des espèces en voie de disparition. Il faut constater que le taux de réussite de réintroduction dans la nature d’animaux appartenant à des espèces en voie de disparition se limite à quelques rares exceptions. La reproduction d’animaux dans les zoos semble davantage servir les intérêts des zoos, obligés de s’échanger des animaux pour éviter des problèmes de consanguinité. Résultat : l’image d’Epinal que les zoos de haut niveau professionnel cultivent d’eux-mêmes est toute relative. Tant leur contribution à la biodiversité et, plus particulièrement, à la conservation d’espèces en voie de disparition, est limitée.
Pour une conservation empathique
Face au modèle de conservation actuel des zoos, basé sur le commerce et le profit, Gaia privilégie une vision d’avenir. Tout d’abord, la conservation des espèces doit se faire de manière empathique, en menant prioritairement des projets in situ, c’est à dire directement dans la nature. Car la meilleure manière de protéger la biodiversité est d’entreprendre des actions de protection des habitats. A cela s’ajoute la nécessité de garantir les meilleures conditions de vie des individus détenus en captivité : il faut leur éviter l’ennui et la monotonie, sources de comportements névrotiques, et leur offrir un environnement qui soit suffisamment enrichissant.
Par ailleurs, nous insistons sur le fait de limiter les animaux détenus aux seules espèces qui – en captivité – sont les moins sensibles et exigeantes en matière de bien-être. Par exemple, les éléphants, les ours polaires ou encore les fauves et les cétacés sont des animaux particulièrement sensibles aux conditions de captivité. Surtout s’ils se retrouvent dans des biotopes fortement réduits. L’espace vital des ours polaires est, par exemple, un million de fois plus étendu dans la nature qu’en captivité.
Nous préconisons aussi l’arrêt de l’abattage d’animaux nés en captivité. Considérés comme excédentaires ou ayant des difficultés à s’introduire dans un groupe social, ce sont les victimes cachées de ces » zoos « . En Belgique, Pairi Daiza et le zoo d’Anvers appliquent un no killing policy. Le premier, volontairement ; le second, en concertation avec Gaia et le ministre flamand du Bien-être animal.
Passer de l’exposition à l’observation
Enfin, l’efficacité des programmes éducatifs mérite aussi d’être remise en question. Les études le prouvent : leur impact sur la prise de conscience des visiteurs serait trop limité. Les zoos devraient enseigner l’empathie envers les autres, en considérant l’animal en tant qu’individu disposant de facultés cognitives et affectives qui témoignent de sa personnalité. S’ils veulent sauver des espèces, les zoos devront se transformer davantage en centres d’accueil. Et pourquoi pas en sanctuaires pour des animaux sauvages rescapés de cirques, de zoos insalubres ou saisis légalement auprès de particuliers ? Face à la disparition accélérée des espèces et de leurs habitats, il devient urgent de changer de modèle. Et de passer, enfin, de l’exposition à l’observation.
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