Carte blanche
Ce que le confinement nous dit de la lutte contre la pauvreté
Le Coronavirus fait vivre un cruel paradoxe aux associations de lutte contre la pauvreté. En respectant les mesures de confinement nécessaires pour éviter une catastrophe sanitaire, elles accentuent l’isolement de ceux qui souffrent déjà d’exclusion sociale. Beaucoup tentent donc de maintenir un lien, une aide, mais sans déforcer l’effort solidaire de tout un pays pour enrayer la pandémie. Cette situation met plus que jamais en lumière l’ampleur de la pauvreté dans notre pays, le rôle essentiel des associations et la nécessité de relancer l’économie sur de nouvelles bases.
Aujourd’hui, ce sont des centaines d’associations qui sont portes closes : écoles de devoirs, maisons d’accueil, centres de jeunes, épiceries sociales, restaurants sociaux et abris de nuit, entre autres. Dans tous les cas, ceux qui y trouvaient de quoi briser leur solitude et la rudesse du quotidien se retrouvent encore plus seuls que d’ordinaire. Pour les personnes qui ont encore moins de chance, cela représente le risque de ne pas manger à sa faim, d’être privées de douche, de dormir dehors, voire de mourir de froid…
Imaginez donc : en temps « normal » La Fédération des Services Sociaux parle de 300 000 personnes concernées par l’aide alimentaire, en Fédération Wallonie-Bruxelles. Quant à la fermeture des abris, ce sont des centaines de personnes qui se retrouvent « sans solution » pour la nuit. L’Ilot, association qui vient en aide aux sans-abri à Bruxelles et Charleroi, ironise même avec son slogan « Covid-19 & sans-abrisme, pour « rester chez soi », il faut avoir un « chez soi » ! » et dénonce ce paradoxe que connaissent environ 4000 personnes dans la capitale.
Heureusement, de nombreuses asbl organisent un service alternatif en respectant scrupuleusement les mesures d’hygiène. Le plus souvent, ce sont des distributions de colis standards devant leur porte, des systèmes de livraisons ou de « drive in ». Les communes aussi, en collaboration avec le tissu associatif, proposent une aide alimentaire exceptionnelle. Les autorités ont également débloqué des fonds. Le Gouvernement wallon a mis à disposition un million d’euros en faveur du secteur de l’Action sociale. Dans les villes wallonnes, des halls omnisports ont été réquisitionnés pour accueillir les sans-abri et la Région bruxelloise finance un dispositif de 120 places dans un hôtel.
Si ces dispositions sont à saluer, elles sont malheureusement insuffisantes parce que la pandémie arrive sur un terreau d’inégalités et que le confinement, même géré au mieux, renforce les inégalités et l’isolement. De l’encre a déjà coulé à propos du confinement comme exhausteur d’inégalités et de fragilité. Son corollaire est la mise en lumière de l’importance et de l’utilité sociale d’associations de lutte contre a pauvreté et l’exclusion sociale.
Ainsi, cette crise sanitaire questionne plus que jamais la manière dont nous vivons en société, la répartition des chances et des ressources et notre capacité à assurer une vie digne à chacun dans notre pays, pourtant l’un des plus riches au monde. Alors que tant d’activités néfastes pour l’être humain et l’environnement sont financées de manière démesurée, cette crise rappelle que de simples asbl vivant de dons et de volontariat sont nécessaires à la survie de milliers de nos concitoyens.
Et, tandis que le pic épidémique n’est pas encore atteint, on parle déjà de relancer l’économie. Le G20 n’a-t-il pas déjà prévu d’investir 5 000 milliards de dollars dans la croissance… Mais quelle croissance ? Celle qui détruit le climat et qui bafoue les droits humains ? Faut-il réellement relancer cette économie qui organise autant de misère (dans les pays du Sud comme chez nous) et qui rend nécessaires tous ces colis alimentaires ?
Demain, le risque est grand de voir nos gouvernements nous parler d’austérité pour relancer l’économie. Faudra-t-il se serrer la ceinture à nouveau ? À cet égard, il est également à craindre une sortie de crise plus douloureuse encore pour les personnes en situation de pauvreté… Les associations, sous-financées, devront-elles encore soulager en silence la misère humaine ?
Alors dès à présent, société civile et autorités publiques, organisons-nous ! Faisons-en sorte que cette crise soit l’occasion de bâtir une économie solidaire, respectueuse de l’environnement et de la dignité de chacun. Profitons de l’occasion pour s’attaquer aux causes de la pauvreté. Et, en attendant, comme elles restent indispensables, revalorisons les associations qui permettent à chacun de vivre dignement.
Par Jean-Yves Buron, Coordinateur en province de Liège – Action Vivre Ensemble
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