Joyce Azar
Catalogne : le casse-tête flamand
« Madame Forcadell est incarcérée en Espagne pour rébellion. C’est comme si on m’envoyait à la prison de Louvain pour avoir exprimé mon avis. » Sur le plateau de la VRT, le président du parlement flamand, Jan Peumans (N-VA), n’a pas mâché ses mots pour dénoncer la détention préventive de la présidente destituée du parlement catalan. « On n’emprisonne pas les gens pour leurs opinions politiques », a-t-il encore vitupéré.
Ce message, martelé à maintes reprises, a fini par provoquer la colère de Madrid. Après avoir par deux fois convoqué l’ambassadeur de Belgique, le ministre espagnol des Affaires étrangères a pris, le 16 octobre, une mesure radicale : lever le statut diplomatique du délégué flamand en Espagne. Une décision qui pourrait bien avoir un effet ricochet.
En Flandre, Jan Peumans est connu, voire apprécié, pour son franc-parler. Cette figure forte de la N-VA n’hésite pas à naviguer à contre-courant, allant jusqu’à attaquer sa propre formation et les méthodes du secrétaire d’Etat Theo Francken. Mais cette fois, les nationalistes flamands sont dans de beaux draps, la situation les obligeant de surcroît à procéder à une démarche pour le moins paradoxale : appeler l’Etat belge à la rescousse. Idéologie oblige, le parti de Bart De Wever défend de longue date les indépendantistes catalans. La véhémence de sa position diffère toutefois selon le niveau de pouvoir. Alors que le ministre-président flamand, Geert Bourgeois (N-VA aussi), a dénoncé une sanction espagnole » qui ne respecte ni la liberté d’opinion, ni la séparation des pouvoirs « , c’est le silence radio du côté des ministres N-VA fédéraux de Charles Michel (MR).
La question ne serait effectivement pas de savoir si on est pour ou contre l’indépendance de la Catalogne, mais bien si on défend l’opinion libre.
Ce qui semblait de prime abord être une crise entre l’Espagne et la Flandre prend doucement la forme d’une nouvelle querelle communautaire, agrémentée d’enjeux politiques. Le MR, affaibli par le dernier scrutin communal, n’a aujourd’hui pas intérêt à soutenir le discours du ministre-président flamand, au risque de paraître, une fois de plus, à la botte de la N-VA. Cette prise de position est toutefois à double tranchant : » La liberté d’opinion est l’une des valeurs fondamentales de l’Europe. Sanctionner la Hongrie ou la Pologne, et ne pas réagir face aux méthodes de l’Espagne relève d’une indignation sélective « , signale Jan Peumans. Le fossé entre les institutions fédérale et flamande sur la crise catalane a également été illustré par le soutien inconditionnel de l’intégralité des groupes parlementaires flamands envers le président de leur assemblée. La presse flamande, aussi, tend à soutenir la position de Jan Peumans. La question ne serait effectivement pas de savoir si on est pour ou contre l’indépendance de la Catalogne, mais bien si on défend l’opinion libre. Celle du président du parlement flamand a été diplomatiquement sanctionnée. Pour y répondre, l’Etat belge se confine, pour le moment, dans le rôle d’intermédiaire neutre.
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