André Flahaut
Cachez ce mendiant que je ne saurais voir…
L’information aurait pu passer inaperçue. Il ne s’agit que d’un petit encart dans la presse de ce mercredi, presque rien face au redémarrage du RER annoncé tambours battants par François Bellot, Ministre de la Mobilité.
Ce n’est presque rien, et pourtant cela en dit long sur la mentalité de l’actuel Gouvernement fédéral.
Tandis que les travaux du RER devraient reprendre prochainement, croisons les doigts, de nouvelles amendes s’apprêtent à entrer en vigueur à la SNCB. Certaines, justifiées, concernent la sécurité des personnes et des biens : ne pas fumer dans les gares et les trains, ne pas se balader sur les rails, ne pas endommager l’infrastructure ferroviaire, etc. D’autres le sont beaucoup moins et ne font que stigmatiser, encore une fois, les plus précaires, les plus fragiles : ceux que d’aucuns voudraient ne jamais avoir à croiser le chemin. À cet égard, les amendes prévues sont particulièrement lourdes et s’échelonnent entre 50 et 350 euros. Une véritable fortune pour certains !
Sanctionner le fait de « se trouver sur les quais sans titre de transport valable » ou encore de « mendier dans les trains ou de manière envahissante et agressive dans les gares » est une façon de rejeter hors de l’espace public ceux qui n’ont pas la chance de disposer d’un espace privé et de la chaleur d’un logement. C’est nourrir l’espoir de les rendre invisibles. Pire : c’est accentuer le clivage entre « eux », les mendiants regardés tels des parasites, et « nous », les forces vives de la communauté, « nous », les productifs.
Criminaliser ceux qui n’ont rien et que la société met déjà à l’écart, c’est rajouter le malheur au malheur et la détresse à la détresse. Qu’adviendra-t-il de ceux qui ne peuvent pas payer ? Ira-t-on jusqu’à les mettre en prison pour avoir demandé une petite pièce ou un ticket-repas ; pour avoir tendu la main ? Incitera-t-on bientôt les usagers des transports à dénoncer les femmes et les hommes qui, contraints par la misère, se livrent à cette activité ? Je le redoute.
Il est inacceptable de vouloir régler le problème de la pauvreté en se débarrassant des pauvres. Ce renversement de perspective, qui rend les précaires coupables de leur précarité, relève de la malhonnête et du cynisme. Les mendiants, les quêteurs de rue, les SDF sont en première ligne. Ils sont visibles. Mais que fait-on des exploiteurs de l’ombre ? Que fait-on des chefs de réseaux ? Là sont les vrais criminels : ceux qu’il faut pourchasser et dénoncer avec fermeté.
Oui, la précarité est un problème qui nous concerne tous. Un problème social auquel il convient d’apporter des solutions humaines autant que responsables. Mettons fin à l’institutionnalisation du mépris et du rejet ! Gardons-nous de placer les victimes au banc des accusés ! Dans ce dossier comme dans d’autres, ne nous trompons pas de combat ni surtout d’ennemis !
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