Brutale fin de parcours judiciaire pour l’affaire Cools
Plus de 25 ans après l’assassinat de l’ancien ministre André Cools, la justice a mis fin mardi au troisième procès d’assises consacré à l’une des plus grandes affaires criminelles de l’histoire de Belgique, jamais réellement élucidée.
La cour d’assises de Namur a déclaré irrecevables les poursuites visant les deux accusés devant répondre de la mort d’André Cools, ancien vice-Premier ministre et président du Parti socialiste dans les années 1970, abattu par deux tueurs à Liège le 18 juillet 1991.
L’arrêt de la cour donne raison à la défense de Richard Taxquet, 59 ans, et Domenico Castellino, 61 ans, qui avait plaidé lundi l’irrecevabilité des poursuites lors de l’ouverture du procès. Cet arrêt de la cour d’assises met donc fin à un procès qui avait débuté lundi et qui devait durer au moins cinq semaines. Les vingt jurés (douze effectifs et huit suppléants) qui avaient été requis ont donc pu reprendre leur activité.
La cour s’est aussi prononcée concernant la présence obligatoire d’un avocat lors de la première audition d’un suspect. Une loi qui n’était pas encore en vigueur dans les années nonante.
Lors de leur première audition, les accusés n’ont pas été informés de leur droit au silence et de ne pas contribuer à leur propre incrimination et n’étaient pas assistés d’un avocat. Ils avaient ensuite été inculpés. La cour estime que, même s’ils ont pu être assistés d’un avocat par la suite, cela ne garantit pas un procès équitable. Pour la défense, ce verdict est un soulagement.
« Cet arrêt rencontre totalement la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme », a commenté Me Wilmotte, qui assiste Domenico Castellino depuis plus de dix ans. L’avocat précise que cette décision ne signifie pas un acquittement même si ça y ressemble. « Cela veut dire que les accusés ne peuvent plus être poursuivis, sous réserve évidemment du pourvoi qui pourra être introduit par le ministère public devant la Cour de Cassation », a-t-il expliqué.
Avec le verdict rendu ce mardi, « c’est comme s’il n’y avait jamais eu de procès », a résumé Me Thirion, qui défend, avec Me Leloup, Richard Taxquet. Les deux hommes ont passé chacun plus de sept années derrière les barreaux avant de bénéficier d’une libération conditionnelle.
Ils pourraient réclamer des dommages et intérêts pour le préjudice subi mais ce n’est pas à l’ordre du jour actuellement. « J’ai toujours été innocent. Je le dis et je le maintiens. (…) Je ne sais pas encore si je vais réclamer des dommages et intérêts. A la limite, c’est pas ça qui compte », a confié Richard Taxquet à l’issue du procès. Domenico Castellino s’est dit quant à lui soulagé. Plus de 280 témoins faisaient partie de ce dossier. Plusieurs d’entre eux étaient décédés dont des témoins clés. Ce qui mettait aussi en péril l’exercice des droits de la défense. La cour s’est également prononcée sur le fait que c’est sur la base des déclarations d’un témoin anonyme que Richard Taxquet et Domenico Castellino avaient été inquiétés par la justice puis inculpés.
Malgré les demandes formulées par certains accusés, ce témoin anonyme n’avait jamais pu être interrogé, avait signalé lundi la défense. Pour la cour, cela posait un autre problème.
Cet arrêt de la cour d’assises met fin à un procès qui avait débuté lundi et qui devait durer au moins cinq semaines. Les vingt jurés (douze effectifs et huit suppléants) qui avaient été requis ont donc pu reprendre leur activité.
A l’ouverture des débats lundi, une partie de la presse estimait que leur confrontation à Namur, un quart de siècle après les faits, pouvait enfin déterminer si des responsables politiques belges, cités par la rumeur, avaient pu jouer un rôle d’inspirateurs ou de commanditaires du meurtre. Mais l’affaire va donc en rester là.
L’assassinat du puissant politicien socialiste wallon avait constitué un choc pour la classe politique et pour l’opinion, à qui l’enquête allait révéler les turpitudes d’une partie de ses élus. Les enquêteurs avaient mis au jour des financements occultes du PS et de son homologue flamand, sans lien avec la mort d’André Cools mais qui coûteront leurs postes à plusieurs responsables soupçonnés de corruption, comme Willy Claes, contraint de quitter en 1994 le secrétariat général de l’Otan.
Le dossier Cools s’est débloqué avec l’arrestation en 1996 de l’ancien ministre socialiste Alain Van der Biest. Accusé d’être le commanditaire du meurtre de son ancien mentor, il clamera son innocence jusqu’à son suicide en 2002. Les exécuteurs du contrat, deux Tunisiens, seront condamnés dans leur pays à 20 ans de prison en 1998. Et en janvier 2004, six proches d’Alain Van der Biest étaient reconnus coupables d’assassinat, dont son ancien secrétaire particulier Richard Taxquet et son ex-chauffeur Domenico Castellino, tous deux condamnés à 20 ans de prison.
La condamnation de « Mimo » Castellino, en fuite lors du premier procès, avait été confirmée en 2007, un an après son arrestation en Allemagne. Mais la Cour européenne des droits de l’homme, saisie par les deux hommes, avait jugé ces procès inéquitables, notamment en raison de l’absence de « motivations » de la décision du jury populaire.
Depuis cet « arrêt Taxquet », la Belgique a modifié la procédure pénale, obligeant les jurés à expliquer leurs décisions. Richard Taxquet, qui a toujours clamé son innocence, et Domenico Castellino, qui avait avoué avoir recruté les deux tueurs tunisiens, étaient donc à nouveau présumés innocents.
Le nouveau procès ayant fait long feu mardi, ils sont définitivement blanchis.
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