Carte blanche
Brussels Airlines : les « spécialistes de l’Afrique » doivent cesser les expulsions
Lettre ouverte à Madame Christina Foerster, CEO de Brussels Airlines
Madame,
Vous êtes depuis un an à la tête de Brussels Airlines, une compagnie aérienne qui se dit « spécialiste de l’Afrique « , continent qu’elle considère comme sa « seconde maison ». Vous vous voulez humaniste. Pourtant vous collaborez aux expulsions forcées.
Chaque année la Belgique arrête, détient et expulse des milliers d’hommes, de femmes et d’enfants pour le seul motif que leur titre de séjour est jugé irrégulier. Beaucoup de ces expulsions sont rendues possibles par la collaboration de Brussels Airlines, qui met ses avions et son personnel au service de politiques violant les droits fondamentaux.
Aucune loi ne vous oblige à collaborer aux expulsions forcées.
C’est donc délibérément que Brussels Airlines participe à ces opérations. Violentes à double titre, elles renvoient les personnes contre leur volonté vers les pays qu’elles veulent fuir et elles prévoient, par définition, l’usage de la contrainte physique ou psychologique. De nombreux récits de personnes expulsées et de témoins attestent de violences policières et passages à tabac réguliers, pressions psychologiques, insultes racistes et sexistes, menaces, techniques pour immobiliser (par administration de sédatifs, par saucissonnage, etc.) et pour rendre muet (en coupant la respiration ou en riant plus fort que les pleurs des personnes déportées), tentatives de suicide et meurtre comme pour Semira Adamu en 1998.
Avec sa fondation, Brussels Airlines définit sa responsabilité sociétale en ces termes : « En tant que spécialistes de l’Afrique, nous sommes en contact régulier avec les communautés et les personnes les plus démunies de ce continent. Par conséquent, nous voulons créer de la valeur pour la société locale africaine. ». Les personnes déportées sont « démunies » ou menacées, elles fuient des situations de violences dans leur pays d’origine, que celles-ci soient politiques, économiques, climatiques ou autres. Les expulser revient à agir de façon totalement contradictoire avec les valeurs affichées par l’entreprise.
Nous étions cinquante à occuper le siège de votre entreprise mais sommes des milliers à exiger que vous arrêtiez ces pratiques brutales et injustes. En témoigne la pétition qui a déjà rassemblé plus de 12 000 signatures en deux semaines.
Vous répondrez sans doute « Nous sommes une entreprise commerciale, nous ne faisons pas de politique ». Or, en acceptant de collaborer aux expulsions forcées, vous prêtez votre concours volontaire aux politiques migratoires les plus inhumaines, qu’elles émanent du gouvernement belge ou d’autres gouvernements européens, comme celui d’Orban ou de Salvini, qui doivent passer par Bruxelles pour expulser vers l’Afrique. En collaborant aux expulsions, vous vous rendez complices des rafles que Bart De Wever se vante d’organiser sur base de la nationalité des personnes visées, « en fonction des places disponibles dans les avions d’Air Francken ».
Cessez donc de participer à ces politiques et d’obliger votre personnel à faire voyager des personnes menottées et en pleurs, vers un pays qu’elles ont fui. Comme l’ont fait d’autres compagnies aériennes, refusez désormais de collaborer aux expulsions forcées.
Plusieurs compagnies américaines ont déjà pris position à l’encontre de la politique migratoire de leur pays à la suite de différentes polémiques. Au Royaume-Uni, Virgin Atlantic annonçait en juin 2018 sa décision de mettre fin aux expulsions forcées. En octobre 2018, la Fédération internationale des ouvriers du transport lançait à son tour un appel aux compagnies aériennes leur demandant de cesser d’imposer à leur personnel de participer aux expulsions.
Les expulsions de personnes migrantes sont contraires à la dignité humaine. Elles scandalisent les passagers, effraient le personnel de bord et peuvent engager la responsabilité des pilotes. Refusez-les. Vous avez tout à y gagner.
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