Bruno Dayez: un « procès équitable est une contradiction dans les termes »
C’est le ministère public qui, dans cette troisième lettre pamphlétaire de Bruno Dayez, se tortille sur le banc des accusés. Humaniste, dérangeant, vivifiant.
C’est le ministère public qui, dans cette troisième lettre pamphlétaire de Bruno Dayez (1), se tortille sur le banc des accusés. Insolite pour cette institution investie de la charge de l’accusation dans la procédure pénale. Et le réquisitoire est sévère. On pouvait s’y attendre de la part de l’avocat-écrivain-chroniqueur qui, dans ses précédents essais (Lettre à une jeune pénaliste et Lettre à mes juges), dézinguait déjà joliment la mécanique judiciaire répressive.
Dans son viseur: le « caractère inégalitaire et discriminatoire des poursuites » ou cette justice à « quatre ou cinq vitesses », avec, à une extrémité, la comparution immédiate pour les petits délinquants, et, à l’autre, une « justice qui ne sera jamais rendue » pour les criminels en col blanc, grâce à la prescription des infractions « qui ne profite qu’aux puissants puisqu’elle résulte de la complexité des faits commis comme de la procédure ». Même s’il concède des circonstances atténuantes à ce ministère inique (le manque chronique de moyens), Bruno Dayez suspecte que la « fracture pénale » entre « les déscolarisés, les désocialisés, les frustes, les alcooliques, les toxicomanes », envoyés systématiquement derrière les barreaux, et les « notables du crime », qui « ne mettront jamais un pied en prison ou en sortiront à peine rentrés », est surtout idéologique. En clair, le but de cette pénalisation du social est de donner l’impression de maintenir l’ordre établi. Selon l’avocat trublion, les jeux sont faits dès le début, le « procès équitable est une contradiction dans les termes ». Au risque de forcer le trait, Bruno Dayez enfonce, encore un peu plus, le clou de sa critique d’un système pénal trop basé sur la peine – souvent carcérale – qui ne traduit que le désir de vengeance de la société. Humaniste, dérangeant, vivifiant.
(1) Lettre au procureur du roi, Bruno Dayez, Samsa, 52 p.
Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici