Carte blanche
« Brexit: il n’est pas trop tard pour attirer les entreprises britanniques à Bruxelles! »
En fonction de l’accord qui sera finalement – ou pas – conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, les conséquences économiques et sociales du Brexit pour la Belgique ne seront évidemment pas les mêmes. Mais une chose est certaine, quel que soit le modèle qui est utilisé et quel que soit la relation qui s’établira entre les deux pays, ces conséquences seront inéluctablement négatives.
Des chiffres qui circulent à la Fédération des Entreprises de Belgique parlent de près de 40.000 emplois menacés dans notre pays dans le cas d’un « no-deal « , hypothèse hautement probable à l’heure à laquelle nous écrivons ces lignes. En fonction de l’attitude du Gouvernement britannique, des tarifs douaniers fluctuants et des guerres commerciales sont à prévoir, à l’instar de ce à quoi nous assistons aujourd’hui dans nos relations avec les États-Unis. Ceci créera nécessairement une insécurité juridique et financière, qui pourrait pousser certains groupes à désinvestir s’ils ne s’estiment pas suffisamment solides pour résister à ce risque. Sans compter les impacts futurs si ce risque se réalise. Juridiquement, cela signifie aussi une augmentation du nombre de litiges et la disparition du cadre judiciaire européen.
Dans ce contexte, les places européennes ont tenté de se positionner pour attirer les entreprises britanniques qui, pour diverses raisons, auront besoin d’avoir un point d’ancrage dans l’Union et amener avec elles des emplois et de la croissance. Paris n’a pas ménagé ses efforts et a pu convaincre, grâce à un engagement personnel du Président Macron (ainsi qu’on le reconnait dans la « City« ), de nombreuses entreprises et banques de rejoindre la capitale française : le Financial Times reconnaissait récemment que « Paris est en train de triompher comme capitale du trading post-Brexit » (1er octobre 2018). Paris – et non pas Bruxelles – a ainsi pu récupérer l’Autorité bancaire européenne.
Plus discrète, mais non moins efficace, Francfort attire également et devance même Paris d’après les chiffres récents. Elle peut se targuer d’une expertise dans la finance et de prix de l’immobilier plus accessibles que Paris. Ainsi que le révélait La Libre Belgique dans son édition du 22 février dernier, Luxembourg est elle aussi entrée dans la short-list des villes qui accueillent des entreprises britanniques – particulièrement en matière de gestion d’actifs et d’assurances.
Et pourtant, on ne parle jamais de Bruxelles. Comparée à d’autres métropoles européennes telles que Paris, Amsterdam et Francfort, force est de constater que Bruxelles semble avoir raté l’opportunité que représente le Brexit, malgré des atouts pourtant plus importants sur le papier.
Nous sommes convaincus que Bruxelles avait tous les atouts afin de s’imposer comme la ville de choix des entreprises britanniques souhaitant se maintenir au sein de l’Union européenne après la sortie du Royaume-Uni de l’Union européenne.
Bruxelles est en effet une ville qui possède de nombreux atouts susceptibles de séduire les entreprises : c’est une ville jeune, internationale, multilingue, capitale de l’Union européenne, siège de l’Otan, accueillant plus d’une centaine de nationalités (elle est aussi cosmopolite que Londres). Bruxelles bénéficie également d’une situation géographique exceptionnelle au centre de la Belgique et de l’Europe et, qui plus est, toute proche de Londres – à peine deux heures en train. Elle est connectée au monde par un réseau de trains à grande vitesse et deux aéroports importants. Sur le papier, Bruxelles dispose donc de tous les ingrédients pour être la ville-tremplin préférée pour toute entreprise britannique souhaitant se maintenir au sein du marché unique européen et de développer un réseau puissant au sein de l’Union.
En réalité, Bruxelles c’est cet étudiant surdoué qui reste sur ses acquis et fait preuve d’un manque flagrant de proactivité et d’initiative. Or, attirer des entreprises de grande envergure, c’est un travail de jour et de nuit, c’est montrer sa motivation, c’est convaincre ces entreprises de la nécessité de s’implanter à Bruxelles et pas ailleurs. Attirer ces entreprises, c’est aussi et surtout agir à temps.
A Bruxelles, c’est la secrétaire d’État au commerce extérieur, Cécile Jodogne, qui est en charge du dossier et qui a mis en place une cellule et une campagne destinées à attirer « de façon complémentaire » les entreprises « basées à Londres et susceptibles de se relocaliser« . Cette démarche, si on peut s’étonner de son caractère un peu soft – surtout si on la compare à celles menées dans les pays voisins – est évidemment positive et doit être saluée.
Le hic, et non des moindres, c’est que cette campagne a été lancée il y a quelques mois à peine, le 27 novembre 2018! Le referendum sur la sortie de l’Union européenne étant intervenu le 23 juin 2016, on peut s’étonner que la Région bruxelloise, coeur institutionnel et politique de l’Union, ne se soit pas motivée plus tôt. Quant aux quelques « succès » que l’on a récemment annoncés, à savoir la relocalisation de la succursale « assurances » de la compagnie d’assurances Lloyd’s et le projet d’établissement de la BBC sur le site Mediapark, ils sont davantage le fait – reconnaissons-le – de la diplomatie de salons du Premier ministre que du zèle de la Région bruxelloise.
Nous appelons dès lors à la mise en place par la Région bruxelloise d’une « delivery unit » dédiée exclusivement au Brexit.
Pourtant, il n’est pas trop tard : le Gouvernement bruxellois doit rapidement mettre sur pied une delivery unit spécialisée. Concrètement, il s’agirait d’une cellule stratégique entièrement dépolitisée et composée d’un nombre restreint de professionnels hautement qualifiés – c’est-à-dire, en l’espèce, composée d’ingénieurs de gestion, d’économistes, de fiscalistes et de juristes – travaillant directement avec, d’une part, le Gouvernement bruxellois et, d’autre part, avec les entreprises britanniques afin d’établir un business plan ambitieux et attirant afin de « vendre » au mieux les nombreux atouts de notre ville-région et d’objectiver l’offre bruxelloise et les besoins britanniques.
Il convient donc de démontrer urgemment que Bruxelles aussi obtient de beaux scores pour son environnement réglementaire (regulatory), ses infrastructures en matière de commerce électronique, ses plateformes logistiques, les compétences linguistiques de sa population et sa réserve de main-d’oeuvre qualifiée.
Ainsi, espérons-le, Bruxelles restera dans la course et conservera la crédibilité internationale dont elle a toujours pu se targuer.
Par Boris Dilliès (Vice-Président du MR bruxellois), Quentin Van den Eynde et Nicolas Vanderstappen (Co-fondateurs de Jump! For Brussels)
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